Déjà des mesures fiscales en pagaille
Avant d'entamer le grand chantier d'une vaste réforme fiscale, le gouvernement De Croo a déjà pris plusieurs mesures qui toucheront notamment les investisseurs.
La fiscalité belge va-t-elle fondamentalement changer dans les années à venir? Dans son exposé d'orientation politique, publié la semaine dernière, le ministre des Finances, Vincent Van Peteghem (CD&V) déclare qu'il va "préparer une réforme fiscale en profondeur" pour "réduire la charge sur le travail (...) grâce à un élargissement de la base imposable".
"En ce qui concerne l’impôt des personnes physiques, nous nous efforcerons de simplifier les choses en supprimant progressivement et autant que possible les déductions, les réductions d’impôt et les régimes d’exception."
"En ce qui concerne l’impôt des personnes physiques, nous nous efforcerons de simplifier les choses en supprimant progressivement et autant que possible les déductions, les réductions d’impôt et les régimes d’exception", ajoute le ministre. Cette vaste réforme devrait prendre du temps. Vincent Van Peteghem prévoit qu'il faudra "une préparation très approfondie, mais aussi une période de temps suffisamment longue pour la mettre en œuvre". Mais avant ce chantier titanesque, le gouvernement fédéral a déjà paré au plus pressé. Plusieurs mesures fiscales bien concrètes ont été annoncées.
Un avant-projet de loi instaurant une nouvelle taxe sur les comptes-titres a été envoyé au Conseil d'État pour avis la semaine dernière. Cet impôt de 0,15% sur les comptes-titres de plus d'un million d'euros a déjà fait couler beaucoup d'encre, notamment parce que sa mesure anti-abus risque d'être ineffective. Ce nouvel impôt a surpris bon nombre d'observateurs, car la note des formateurs du gouvernement De Croo prévoyait qu'"aucune taxe nouvelle ne serait introduite, sauf dans le cadre des discussions budgétaires".
Saut d'index fiscal
L'exécutif fédéral a aussi rapidement utilisé une ficelle bien connue: le gel de l'indexation de montants fiscaux, une technique déjà utilisée de 2015 à 2018 pour faire rentrer un peu d'argent dans les caisses de l'État. Comme les réductions d'impôt liées à ces montants n'augmenteront pas, contrairement aux salaires et autres revenus, les contribuables paieront chaque année un peu plus d'impôt qu'ils ne l'auraient fait avec l'indexation fiscale.
Avec ce saut d'index, les montants fiscaux concernés de 2019 resteront figés jusqu'en 2023. Sont concernés, entre autres, le plafond de l'exonération des intérêts des comptes d'épargne, le plafond d'exonération des dividendes, le montant donnant droit à une réduction d'impôt pour l'achat d'un véhicule électrique, ou encore le plafond de l'épargne à long terme. Les plafonds de l'épargne-pension seront aussi gelés, mais seulement à partir de l'an prochain, sur la base de leur niveau indexé en 2020.
Autre ficelle fiscale déjà bien usée, mais encore utilisable, ce dont le gouvernement ne s'est pas privé: l'augmentation des accises sur le tabac. Le prix du paquet de cigarettes augmentera dès l'année prochaine.
Vers un cadastre des fortunes?
Mais l'exécutif De Croo ne fait pas qu'augmenter les recettes. Il se montre aussi plus généreux pour certaines situations familiales. Le montant maximum accepté pour la réduction d'impôt liée à la garde d'enfant augmente et la quotité exemptée d'impôt pour un parent à charge est relevée.
"Le solde des comptes bancaires est une information qui peut être très utile dans le cadre de l’instauration d’un futur impôt sur la fortune mobilière."
Par ailleurs, le ministre des Finances est aussi chargé d'appliquer deux autres mesures susceptibles d'affecter les investisseurs: la fin de la procédure de régularisation fiscale le 31 décembre 2023 et l'ajout du solde des comptes bancaires parmi les données qui doivent être reprises au Point de contact central (PCC), alors que celui-ci ne recensait jusqu'à présent que les numéros de compte et les coordonnées de leurs titulaires.
Cette dernière mesure est-elle un pas (supplémentaire) vers un "cadastre des fortunes" en Belgique? "Le solde des comptes bancaires est une information qui peut être très utile dans le cadre de l’instauration d’un futur impôt sur la fortune mobilière", estime l'avocat Pierre-Philippe Hendrickx (Nibelle & Partners). "Si un tel impôt devait être instauré, il sera bien évidemment très facile de comparer les montants déclarés avec les soldes des comptes bancaires belges communiqués au PCC et les soldes des comptes bancaires étrangers déjà transmis par les administrations fiscales étrangères."
Data mining
"La consultation du Point de contact central par un contrôleur fiscal ne peut se faire qu’à certaines conditions, par exemple en cas d’indices de fraude fiscale."
Toutefois, l'accès au PCC par le fisc est très réglementé. "La consultation du PCC par un contrôleur fiscal ne peut se faire qu’à certaines conditions, par exemple en cas d’indices de fraude fiscale, et moyennant le respect d’une procédure définie par la loi", explique Me Sébastien Thiry, responsable du département contentieux et fiscalité directe du cabinet Dekeyser & Associés. "Cette procédure a pour objectif de protéger le droit à la vie privée du contribuable."
Le gouvernement De Croo facilitera-t-il l'accès du fisc au PCC à l'avenir? Dans son exposé d'orientation politique, le ministre des Finances déclare: "Je ferai examiner en 2021 comment le PCC peut être utilisé dans le contexte du datamining (exploration de données - fiscales en l'occurrence - via des outils informatiques pour déceler rapidement l'objet d'une recherche, par exemple pour identifier des montants qui auraient échappé à l'impôt, NDLR), dans le respect des règles de protection de la vie privée et des droits du contribuable." Voilà les contribuables prévenus.
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