Début de coopération mondiale face aux risques de l'intelligence artificielle
Le Royaume-Uni accueille le premier sommet depuis le choc de l'avènement de ChatGPT et des autres agents conversationnels. Mais les mesures destinées à encadrer une évolution sauvage des IA génératives restent encore floues.
Le choix de Bletchley Park pour alerter sur les risques posés par l'intelligence artificielle a de quoi interroger. C'est dans ce glorieux lieu militaire situé au nord-ouest de Londres qu'Alan Turing, le père de l'informatique, a déchiffré les codes nazis et anticipé leurs mouvements stratégiques, ce qui a contribué à la victoire des Alliés.
Quatre-vingts ans plus tard, ses "héritiers" Geoffrey Hinton et Yoshua Bengio, qui ont justement remporté le Prix Turing en 2018, sont présents au même endroit pour alerter sur les menaces "existentielles" d'une IA à double tranchant.
Le catastrophisme des deux pionniers de l'intelligence artificielle est partagé par Elon Musk, l'un des initiateurs de la fameuse pétition du printemps dernier appelant à une pause de six mois dans le développement des IA génératives, et qui est également présent à ce sommet historique. Le propriétaire de X (anciennement Twitter) a appelé à la création d'un "arbitre indépendant", doté d'une crédibilité pour "sonner l'alarme" en cas d'inquiétude.
"Il est essentiel que nous nous posions des questions sur ce qui va se produire dans les années à venir..."
L'heure est surtout à poser des fondations solides, avant que les défis se corsent. Selon Emad Mostaque, une pause n'est pas nécessaire à court terme. "Mais à un moment, d'ici cinq ans, nous allons devoir reconsidérer cette question très sérieusement", estime le fondateur de Stable Diffusion, une IA qui produit des images à partir de textes. "Je ne pense pas qu'une IA comme ChatGPT pose un risque de catastrophe significatif. Mais il est essentiel que nous nous posions des questions sur ce qui va se produire dans les années à venir lorsque les modèles seront 10 fois, 100 fois, 1.000 fois plus grands."
La première déclaration d'intention
Le communiqué commun de Bletchley Park a été signé par 28 pays, dont les États-Unis, la Chine, la France, l'Allemagne, l'Italie, l'Espagne, l'Irlande, les Pays-Bas, mais pas la Belgique (qui s'est toutefois rangée derrière l'Union européenne, comme 21 autres pays). Il est loin d'apporter des réponses précises, mais restera comme la première déclaration d'intention spécifiquement ciblée sur les IA génératives, près d'un an après l'avènement du révolutionnaire agent conversationnel ChatGPT.
La déclaration insiste d'abord sur les "énormes opportunités de l'IA" avant de décrire le caractère "urgent" d'une coopération internationale. Dans les coulisses, les termes "régulation" ou "réglementation" sont prononcés du bout des lèvres, voire évités. À ce stade, malgré l'objectif officiel de ce sommet, l'attractivité reste largement prioritaire sur la gestion des risques. La volonté de coopération est elle-même très relative puisque les États-Unis ont annoncé la création de leur propre Institut de sûreté de l'IA quelques heures avant ce sommet.
Les intentions sous-jacentes de Rishi Sunak au moment de l'annonce de la tenue de ce sommet n'ont dupé personne, le Royaume-Uni post-Brexit ayant très clairement vocation à rester très souple en matière de règles pour accueillir les technologies de pointe. Le pays hôte en a d'ailleurs profité pour annoncer, dès le premier jour du sommet, la connexion de deux super-ordinateurs, multipliant par 30 ses capacités actuelles. Ce premier sommet restera d'ailleurs comme un demi-échec pour la Perfide Albion. Giorgia Meloni, Ursula von der Leyen et Kamala Harris sont présentes, mais pas Emmanuel Macron ni Joe Biden. Le Royaume-Uni n'a pas non plus convaincu les pays participants de lui attribuer le droit d'être la plateforme centrale de la sûreté IA. Il ne pourra pas davantage organiser les deux prochains sommets, qui auront lieu en Corée du Sud dans six mois et en France dans un an.
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