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La voie d'eau, une solution plus durable pour les chantiers

Au total, plus de 6,6 millions de tonnes de marchandises sont passées par les quais du port de Bruxelles en 2020. ©Tim Dirven

Pour exploiter davantage le canal, seule voie d’entrée dans Bruxelles non embouteillée, le patron du port de Bruxelles mise notamment sur les grands chantiers prévus dans la zone.

Le port de Bruxelles n'a pas trop souffert du covid, malgré le ralentissement de l'économie mondiale. Le trafic fluvial bruxellois a même enregistré une légère progression, entre 2019 et 2020. Au total, plus de 6,6 millions de tonnes de marchandises sont passées par ses quais l'an dernier. Ce qui représente environ 2.000 camions en moins circulant dans la ville par jour, fait valoir Philippe Matthis, le directeur général du port de Bruxelles.

"On peut aller jusqu'à 50% de capacité supplémentaire sans aucun investissement particulier dans le canal."

Philippe Matthis
Directeur général du port de Bruxelles

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"Nous disposons d'un modèle mathématique breveté par l'ULB, qui nous a permis de déterminer que si l'on fermait le transport fluvial tout en maintenant l'activité de toutes les entreprises actives dans le domaine portuaire, cela nécessiterait la circulation de plus de 620.000 camions supplémentaire par an", précise Philippe Matthis, avant d'égrener d'autres chiffres: "Cela fait donc 96.000 tonnes de CO2 en moins par an, sans compter les 24 millions de coûts externes liés aux embouteillages et à l'usure des infrastructures routières."

"Prendre des parts de marché aux camions"

Ce bilan positif ne l'empêche pas d'évoquer des chiffres "alarmants" concernant le transport de marchandises. En Région bruxelloise, 90% du trafic se fait encore par camion et camionnette. En chiffres absolus, cela fait en moyenne 84.000 véhicules de ce type qui se déplacent chaque jour dans les rues de la capitale.

"Je n'ai pas peur de dire que je suis là pour prendre des parts de marché aux camions. C'est mon objectif. Le canal est la seule voie de pénétration dans Bruxelles qui n'est pas embouteillée. Sans dire qu'il est sous-utilisé, il y a du potentiel. On peut aller jusqu'à 50% de capacité supplémentaire sans aucun investissement particulier dans le canal", assure le patron du port de Bruxelles.

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187
Entreprises
Le nombre d'entreprises actives dans le domaine portuaire ayant l'obligation d'utiliser la voie d'eau.

Convaincre les promoteurs

Comment augmenter le trafic alors que les 187 entreprises situées dans le domaine portuaire (107 hectares) ont d'ores et déjà l'obligation d'utiliser la voie d'eau pour un tonnage minimum négocié au moment de leur implantation? "Par cette voie-là, nous allons plafonner, mais il y a d'autres solutions", assure Philippe Matthis, qui mise désormais beaucoup sur les chantiers.

"Nous avons réalisé un plan de gestion quinquennal des chantiers dans la zone du canal, dans l'optique de trouver d'autres utilisateurs: les promoteurs. Il va y avoir à peu près 80 chantiers importants menés par le secteur privé. On inventorie pour savoir ce qui va se passer, mais on ne peut pas les contraindre. Il faut travailler à la persuasion. On a donc mis à disposition, gratuitement, un expert en transport qui travaille avec les promoteurs et les entrepreneurs sur la façon d'utiliser la voie d'eau."

80
chantiers
Pour développer le trafic par voie d'eau, le port de Bruxelles mise sur les grands chantiers annoncés dans la zone du canal. On en dénombre environ 80 dans les cinq années à venir.

À l'heure actuelle, 17% du trafic propre (hors trafic de transit) n'est pas le fait des entreprises du domaine portuaire. "On n'avait jamais été aussi haut avant de trouver cette nouvelle niche", assure Philippe Matthis, qui se souvient d'un premier exemple phare avec la tour résidentielle Up-Site d'Atenor, inaugurée en 2014 juste en face des bureaux du port de Bruxelles. "Les terres excavées avaient pu être acheminées en péniche aux Pays-Bas, pays éternellement demandeur de terre. On avait évité un ballet incessant de camions pour amener la terre en décharge."

Participer au "chantier du siècle"

Le port de Bruxelles espère bien jouer un rôle dans le "chantier du siècle" pour Bruxelles: la construction du métro nord qui nécessitera d'enlever et d'acheminer 2,6 millions de tonnes de terre. "Nous sommes en pleine discussion avec Beliris. Si l'on fait comme on a toujours fait, ce sera 105.000 camions qui devront traverser la ville. Nous avons obtenu un premier petit marché pour le début des travaux à la gare du Nord, ce qui permettra à 60.000 tonnes de terre de passer par la voie d'eau. Mais ce n'est qu'une goutte d'eau. Il y a quand même des mouvements par camion jusqu'au bassin Vergote et il y a des enjeux de stockage. Je reconnais que c'est plus compliqué que de tout prendre par camion", confie Philippe Matthis.

Il épingle un autre chantier majeur, privé cette fois: "le projet Key West, qui comprend 524 logements. BPI, qui est à la manœuvre, espère avoir son permis au premier trimestre de l'an prochain. Je dois capter ce trafic-là aussi. Ils sont de très bonne volonté !"

Une économie circulaire

Tout récemment, le port de Bruxelles s'est illustré dans une stratégie d'économie circulaire avec le projet ZIN. Pour rappel, c'est le nom donné à la transformation profonde des deux tours du WTC, dans le quartier Nord. Après leur démantèlement, les tours accueilleront différentes fonctions: bureaux, logements, espaces dédiés au sport et aux loisirs, du commerce et de l'horeca.

L'objectif affiché est de conserver ou de réutiliser 65% des matériaux existants. Et trois entreprises portuaires s'inscrivent dans cette dynamique. Spécialisée dans la démolition ; De Meuter récupère le béton usagé pour le broyer en agrégats qui se retrouvent ensuite chez le cimentier CCB, au bassin Vergote, pour servir à la fabrication d'un béton neuf qui retournera sur le chantier d'origine. Quant à l'entreprise Shipit, elle a pour mission de stocker des dalles de béton qui seront traitées sur place et renvoyées sur le site de ZIN dans la phase de remontage.

Développer le port

L'essor du port de Bruxelles passera aussi par le développement du centre TIR (Transport international Routier), un complexe d'entreposage situé dans le domaine portuaire. "Cela permet de stocker des produits qui sont ensuite distribués en petites unités dans le centre-ville. Malgré sa localisation idéale, c'est un outil sous-utilisé. Notre objectif est que le centre TIR devienne un immense centre de distribution urbaine durable pour une meilleure logistique sur le dernier kilomètre. Nous sommes en train d'étudier la faisabilité. Je plaide aussi pour que le politique interdise les poids lourds dans le Pentagone", glisse Philippe Matthis.

Le déploiement physique du port est plus complexe. "Il n'y a plus 36 terrains! On lorgne de façon proactive sur les derniers espaces situés entre la station d'épuration Nord et la minoterie Ceres. Ce sont des terrains avec berges le long du canal, c'est idéal. On pourrait les dépolluer, construire un mur de quai et concéder cela à quelques entreprises", avance le patron du port qui s'apprête à inaugurer prochainement de nouveaux quais longs de 220 mètres, sur la rive droite de l'avant-port. Pour un montant de 2,5 millions d'euros.

"Ce sont des travaux importants, puisque les quais doivent supporter la présence de grues de 40 tonnes. Dans notre contrat de gestion, il est prévu que la Région bruxelloise nous subsidie pour de nouveaux murs de quais."

Le dossier "Schaerbeek Formation"

On ressent un brin d'impatience dans le chef du patron du port lorsqu'on évoque les fameux 40 hectares de Schaerbeek Formation. Le gouvernement bruxellois s'est, en effet, engagé à acquérir ce site auprès du Fonds de l'infrastructure ferroviaire (FIF) et d'en laisser la moitié en gestion au port de Bruxelles pour le développement d'une plateforme multimodale eau/rail/route. Mais le temps presse, car la trimodalité du site est menacée.

"On a souvent dit que le canal était une césure, mais il a aussi un rôle d'intégration urbaine. On met des moyens pour que le citoyen se réapproprie son port et son canal."

"La FIF avait obtenu un arrêté royal pour supprimer le chemin de fer de ces 40 hectares. Si ce n'était pas fait avant 2020, la SNCB s'exposait à des pénalités de 7 millions par an. Pour éviter la démolition des voies, nous avons intenté une action en justice qui est en cours. Nous avons perdu en première instance. En appel, nous avons obtenu un arrêt qui nous laisse le temps de négocier. Nous avons fait valoir l'obligation des États membres européens de ne pas déconnecter les ports."

Le retour des hirondelles

Le port de Bruxelles entend également renforcer la fonction sociétale du canal. "On a souvent dit que le canal était une césure, mais il a aussi un rôle d'intégration urbaine. On met des moyens pour que le citoyen se réapproprie son port et son canal", assure Philippe Matthis. Dernier exemple en date: le rachat d'une petite friche appartenant à une entreprise pour y construire un skatepark.

À cela s'ajoutent des événements festifs ponctuels et la coordination d'activités nautiques: voile, aviron, kayak... Les projets d'abaissement des quais et les passerelles cyclistes permettront aussi d'intégrer davantage le canal dans la ville.

Enfin, un plan biodiversité est en cours d'élaboration avec des spécialistes. "Nous menons des actions pour faire revenir la faune et l'une de ces expériences est couronnée de succès. Grâce à un système reproduisant leurs chants, une dizaine d'hirondelles qui avaient complètement disparu depuis 40 ans de la zone du canal sont revenues faire leur nid dans les nichoirs que l'on avait installés." À l'avant-port, deux mâts pour cigognes seront prochainement érigés.

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