Réticences des eurocrates censés déménager dans le quartier Nord
En cause: l’insécurité découlant du trafic de drogues. En front commun, les syndicats de la fonction publique européenne ont fait part de leurs craintes au commissaire Johannes Hahn. Et demandent des excuses publiques à Pascal Smet.
Les fonctionnaires des agences européennes sont censés, dans le courant 2023, déménager dans le quartier Nord. Plus précisément dans l'immeuble North Light, la moitié du siège d'Engie Electrabel laissée vide suite à la crise sanitaire. Ce mouvement s’inscrit dans une stratégie globale de la Commission européenne visant à libérer d'ici à 2030 la moitié de 50 immeubles de bureaux qu'elle occupe à Bruxelles, en raison de leur obsolescence et des nouvelles stratégies de centralisation et de télétravail partiel mises en place depuis la crise covid.
Le "one man show" de Pascal Smet
Mais pour des raisons liées à l’insécurité dans ce quartier, cette décision se heurte depuis le mois de novembre dernier à une importante résistance du personnel, illustrée par une pétition ayant recueilli des milliers de signatures. Les directeurs des agences exécutives auraient également marqué leur opposition formelle à ce déménagement. Dans une lettre adressée au commissaire européen au Budget et à l’Administration et relayée par le média Politico, plusieurs syndicats du personnel des institutions européennes se plaignent de ne pas être écoutés par l’OIB (Office for infrastructure and logistics in Brussels) qui minimiserait les critiques exprimées.
Les syndicats font ensuite état d’un "one man show" du secrétaire d’État bruxellois aux Relations européennes et internationales Pascal Smet (Vooruit) organisé par l’OIB le 23 janvier dernier. Plutôt que de répondre aux inquiétudes relatives à la sécurité du quartier, le socialiste néerlandophone aurait présenté les plans d’aménagement du quartier prévus entre 2025 et 2027 sans exclure l’éventualité de retards. Toujours selon les syndicats, le secrétaire d’État aurait déclaré que le personnel des agences exécutives avait de la chance de faire partie de ce vaste plan de revitalisation d'un quartier où il y aura bientôt des restaurants haut de gamme ainsi que des "rooftops", renforçant ainsi des stéréotypes éloignés de la réalité du personnel des agences.
"Fonctionnaires toxicos"
Mais le plus étonnant reste à venir. Le front syndical assure ensuite que Pascal Smet aurait banalisé les problèmes de sécurité en arguant par exemple qu’il ne faut pas avoir peur des dealers qui sévissent dans le quartier étant donné que ceux-ci ne s’en prennent pas à la population pour éviter de mettre leur business en danger. Pire encore: le socialiste néerlandophone aurait jugé les craintes exprimées peu audibles sous prétexte que beaucoup de fonctionnaires européens prennent eux-mêmes de la drogue. Et de préciser qu’à Schuman aussi, on vend des drogues, mais probablement plus blanches…
"Nous avons été submergés de plaintes de collègues indignés par ces déclarations intolérables, demandant notre intervention pour que l'honneur et la réputation de notre personnel soient correctement rétablis."
"Sans surprise, nous avons été submergés de plaintes de collègues indignés par ces déclarations intolérables, demandant notre intervention pour que l'honneur et la réputation de notre personnel soient correctement rétablis", affirment les syndicats qui s’étonnent du manque de réaction de leurs collègues organisateurs de la réunion.
Le front syndical explique donc se tourner vers le commissaire en charge de la fonction publique européenne pour demander à Pascal Smet de retirer ses propos insultants et de présenter ses excuses au personnel. En outre, le commissaire est sollicité pour contrer les décisions de l’OIB qui est jugé "totalement incapable dans ses négociations avec les autorités belges, de défendre les droits, les attentes et même la réputation des fonctionnaires européens".
"Pas une attaque!"
Contacté, le porte-parole de Pascal Smet rappelle le contexte: il s’agissait d’une réunion interne durant laquelle de nombreuses questions ont été posées sur le futur aménagement du quartier ainsi que sur la sécurité. "Nous ne souhaitons pas minimiser les problèmes de sécurité de ce quartier dans lequel nous avons nous-mêmes nos bureaux. Mais d’un autre côté, on pense que les membres de la Commission peuvent aussi être des acteurs de changement à Bruxelles."
Avec son franc-parler habituel, cet adepte des saillies très imagées aurait évoqué la consommation de drogues dans le quartier Schuman pour expliquer que ce phénomène n’est pas circonscrit au quartier Nord. Et qu’il n’y a pas à Bruxelles des quartiers réservés aux Bruxellois et d’autres aux Européens. "Mais ce n’était pas une attaque", assure le porte-parole qui précise que tous les fonctionnaires européens ne sont d’ailleurs pas opposés à ce déménagement.
Le secrétaire d'État bruxellois à l'Urbanisme rappelle que plusieurs projets déjà réalisés, tels que la nouvelle passerelle Suzan Daniel, ou en voie de l'être, comme les tours Victoria et Zin, vont redynamiser ce quartier qui souffre aujourd'hui d'un manque de mixité fonctionnelle.
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