Comment en est-on arrivé là?
Les licenciements collectifs s'accumulent en Belgique. Le bilan des pertes d’emplois de type "Renault" est le pire des cinq dernières années. On en est à plus 12.000 suppressions annoncées depuis janvier. Comment en est-on arrivé là?
Au 3e trimestre 2016, les entreprises avaient annoncé des licenciements collectifs pour environ de 4.670 emplois, quasi tous dévoilés en septembre. Le bilan des neuf premiers mois est de près de 9.000 emplois supprimés en "mode Renault", c'est plus du double que sur la même période en 2014. Et ce lundi, ING annonce la suppression prochaine de 3.500 postes dans notre pays. Faisons les comptes: cela nous amène à environ 12.500 jobs sacrifiés dans le cadre de restructuration massive.
La diversité des secteurs affectés interpelle.
Sur le front de l’emploi industriel, la situation s’est retournée avec une rapidité étonnante sur le marché belge. Après une année 2015 et un premier trimestre 2016 d’excellente facture, caractérisés par très peu d’emplois touchés par des licenciements collectifs, la conjoncture s’est brutalement inversée en juin. Et depuis l’annonce de la fermeture de l’usine de Caterpillar à Gosselies le 2 septembre dernier, le bilan s’est aggravé de jour en jour.
En septembre, il y a eu des annonces de restructuration chez Axa Belgium, Yusen Logistics, CP Bourg, IBM, Dana, Eurostation, Mediahuis, P&V et Douwe Egberts. Du coup, le compteur reprenant le nombre d’emplois affectés par ces prévisions de licenciements s’est affolé. À la mi-septembre, on en était déjà à 4.398 postes en voie de suppression sur les derniers deux mois et demi, la plupart étant concentrés sur les deux dernières semaines. Un "score" infiniment plus mauvais que les 1.410 emplois touchés au premier trimestre et même que les 2.920 jobs sacrifiés au deuxième trimestre. Ensuite il y a encore eu Douwe Egberts (274 emplois menacés). Et 50 emplois sont menacés chez Halliburton à Drongenbos.
• Outre ces procédures Renault, il y a aussi les faillites. Pour rappel, MS Mode Belgique, qui compte 46 magasins et 220 travailleurs, a fait aveu de faillite en septembre.
Le bilan social des procédures Renault sur les neuf premiers mois est le pire des cinq dernières années: 8.742 emplois touchés, contre seulement 3.982 sur les trois premiers trimestres 2015. En 2014, qui avait été également un mauvais cru, le compteur était fixé à 8.651 à fin septembre.
→ A cela il faut donc ajouter l'annonce d'ING ce lundi: 3.500 jobs à supprimer d'ici 2021.
Alors que les secteurs de la distribution, de l’horeca et de la transformation du métal avaient été les principaux affectés par les restructurations l’an dernier et au début de cette année, on est frappé aujourd’hui par la diversité des métiers touchés. Le constructeur d’engins de génie civil Caterpillar a certes créé un séisme qui a atteint nombre d’entreprises en amont et en aval de l’usine carolo, tel Yusen Logistics, mais la vague de réorganisations a aussi touché la banque et l’assurance, l’imprimerie, l’informatique, le ferroviaire et l’agroalimentaire.
Des points communs entre ces diverses situations? D’aucuns avancent un opportunisme légalo-politique, par allusion à la tenue des élections sociales en mai dernier et à la prochaine fin des prépensions à 55 ans: des entreprises auraient reporté, au printemps, leurs plans de licenciement à la période post-élections sociales pour ne pas envenimer les choses, tandis que d’autres se dépêcheraient de sabrer dans leurs effectifs pour encore bénéficier de la porte de sortie "prépension". Les sociétés concernées avancent d’autres raisons, plus classiques: surcapacités, pertes de marché ou encore, dans le cas des groupes financiers, fonte des taux d’intérêt à long terme et concurrence accrue de l’univers de la "fintech".
En filigrane de toutes ces justifications, la question des coûts du travail, restés élevés en Belgique en dépit des récentes mesures gouvernementales, revient aussi comme une antienne. Telle usine ferme en Belgique alors que le groupe (étranger) qui la contrôle décide d’en ouvrir une autre du même genre dans tel pays émergent… Caterpillar lui-même produit aujourd’hui en Chine ce qu’il y exportait jadis au départ de la Belgique. Ce problème n’a pas surgi subitement en juin 2016, certes, mais quand d’autres éléments ponctuels viennent noircir le tableau, il est sans doute soudain considéré comme aggravant.
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