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Le secteur IT veut faire annuler la réforme des droits d'auteur devant la Cour constitutionnelle

Plusieurs juristes estiment que la nouvelle loi sur les droits d'auteur laisse la porte ouverte aux développeurs de logiciels. ©Satlink

Face au refus de l'administration d'encore effectuer des rulings pour les logiciels, les développeurs indépendants vont devant la Cour constitutionnelle pour faire annuler la nouvelle loi sur les droits d'auteur.

La commission fédérale de ruling a finalement adopté une position sur le régime fiscal favorable dont bénéficie le paiement en droits d’auteur dans le secteur informatique. En principe, toute demande à cet égard peut encore être examinée individuellement, mais plusieurs sources nous indiquent qu’un ruling ne sera plus octroyé pour les logiciels. Les libéraux francophones, qui ont toujours plaidé pour que cela reste possible, exigent donc que le dossier revienne sur la table du gouvernement.  

La semaine dernière, nous écrivions que le Service des décisions anticipées en matières fiscales, avec lequel les contribuables peuvent conclure un accord (ruling) sur l’application des lois fiscales, n’avait pas réussi à s’entendre en interne sur la ligne de conduite à propos des logiciels dans le cadre de la nouvelle loi sur les droits d’auteur.

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Un même clivage était apparu au sein du collège de la commission de ruling, dont les membres sont nommés par le politique.

Clivage politique et dans l'administration

Le ministre des Finances Vincent Van Peteghem (CD&V) avait lancé cette réforme, rappelons-le, pour recadrer le régime fiscal de ces revenus qui avaient explosé ces dernières années. Mais, au sein de la coalition Vivaldi, il restait un flou à propos de l’exclusion ou non du secteur informatique des nouvelles règles d’octroi du régime fiscal. À l’inverse de ses partenaires, le MR estimait et estime toujours que les développeurs de logiciels doivent continuer à en bénéficier.  

La patate chaude avait été refilée à l’administration. Mais un même clivage était apparu au sein du collège de la commission de ruling, dont les membres sont nommés par le politique. Si une majorité d’entre eux s’en tenaient à une interprétation excluant le secteur IT du régime favorable – ce qui était de facto l'objectif du ministre des Finances – le membre du collège étiqueté MR était d'un autre avis.  

Les logiciels exclus de facto

Mais, aujourd’hui, une semaine plus tard, cette commission de ruling a bel et bien adopté une ligne de conduite à propos des œuvres logicielles, non pas à l’unanimité, mais à la majorité de ses membres. Le SPF Finances indique ainsi officiellement que, si tout groupe sectoriel peut continuer à poser une question à propos du régime fiscal des droits d’auteur, cela donnera lieu chaque fois à une "analyse concrète des conditions fiscales". Dans les milieux fiscaux, on estime que cela revient à exclure les logiciels du régime. Nous en avons reçu la confirmation auprès de plusieurs sources.  

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"Notre analyse juridique nous amène à conclure que le régime favorable est en réalité moins limité qu’on le pensait, s’agissant des logiciels et des œuvres internes."

Wouter Verhoeye et Maxime Vermeesch
Avocats

La commission de ruling se fonde sur deux éléments dans la loi. Primo, une œuvre ne peut prétendre au régime fiscal favorable (un taux d’imposition de 15% sur les revenus jusqu’à 64.000 euros, avec 50% de déduction de frais forfaitaire) que s’il s’agit d’une communication au public ou d’une reproduction. Secundo, la loi ne se réfère qu’au chapitre 5 du code économique et non pas au chapitre 6 dont relèvent les logiciels.  

Mais ce n’est pas l’analyse du MR. Le parti estime que les programmes informatiques relèvent également du chapitre 5. Et qu’il est question de reproduction dès que le logiciel est chargé dans un ordinateur ou une machine à usage interne – et n’est donc pas destiné à être communiqué au public.   

Action de groupe

Cette interprétation juridique rencontre un certain écho. Ainsi, l’avocat bruxellois Claude Katz prépare une action de groupe devant la Cour constitutionnelle en vue d’annuler la loi. Il affirme avoir déjà réuni 40 programmeurs informatiques indépendants. 

Dans une analyse juridico-technique très fine, développée dans le magazine Fiscale Actualiteit, les avocats Wouter Verhoeye et Maxime Vermeesch développent des arguments similaires pour soutenir que la loi laisse bien la porte ouverte aux logiciels. Ils remarquent que la commission de ruling a pris, dans le passé, diverses décisions qualifiant les logiciels d’œuvres protégées par le droit d’auteur.  

37,5 millions
d'euros
La nouvelle loi sur les droits d'auteur est censée rapporter 37,5 millions d’euros de recettes fiscales en 2023.

"Notre analyse juridique nous amène à conclure que le régime favorable est en réalité moins limité qu’on le pensait, s’agissant des logiciels et des œuvres internes. Mais, par prudence, les contribuables pourraient l’appliquer de manière restrictive. Les adaptations du projet et les évolutions du dossier au parlement en ont échaudé plus d’un", soulignent-ils. 

Comme il l’avait annoncé, le MR entend donc remettre le dossier sur la table du gouvernement dans le cadre de la future réforme fiscale. Mais ses partenaires de coalition n’y consentiront sans doute pas. Cette mesure est, en effet, censée rapporter 37,5 millions d’euros de recettes fiscales en 2023. Et chez les fiscalistes, on craint que le régime ne devienne encore plus restrictif si le politique s’en mêle à nouveau. 

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