Édito | Gare au goulet de la transition énergétique
L’île énergétique belge va coûter des milliards d'euros de plus que prévu. Une leçon à retenir dans nos choix stratégiques d'investissements.
Quand toute l'Europe décide d'électrifier à marche forcée, les coûts d'investissement flambent. La preuve avec l'île énergétique que le gestionnaire du réseau à haute tension belge Elia est en train de construire au large des côtes belges.
Initialement estimée à 2,2 milliards d'euros, la facture finale du projet pourrait finalement atteindre les 7 milliards. Au point que le régulateur du secteur énergétique est allé tirer la sonnette d'alarme chez la ministre de l'Énergie, Tinne Van der Straten (Groen).
La ministre a sans doute fait preuve d'un peu trop d'enthousiasme vis-à-vis de ce projet, qui doit faire de notre pays une plaque tournante de l'énergie éolienne en mer. Elia a aussi probablement conclu un peu vite qu'il était "substantiellement" plus rentable que les scénarios alternatifs, à savoir une connexion directe des parcs éoliens à la côte. Enfin, le régulateur, qui avait de solides réserves vis-à-vis du scénario retenu, les a peut-être insuffisamment fait entendre.
Reste qu'au-delà des responsabilités des uns et des autres, ce dérapage des coûts est un rappel douloureux du goulet d'étranglement qui menace la transition énergétique. Face à l'urgence climatique, les gouvernements ont changé de cap, et misé sur une électrification rapide de la société. Le contexte géopolitique, et en particulier l'invasion de l'Ukraine par la Russie, a encore poussé à accélérer les ambitions. Un choix qui implique des investissements massifs dans les réseaux électriques.
Quand tout le monde s'adresse d'un coup aux mêmes fournisseurs pour commander les mêmes composants, les prix flambent et les pénuries menacent.
Mais quand tout le monde s'adresse d'un coup aux mêmes fournisseurs pour commander les mêmes composants, les prix flambent et les pénuries menacent, mettant en danger le bien-fondé même des projets.
L'urgence climatique est plus pressante que jamais, et les capacités d'investissements, les chaînes d'approvisionnement et les matières premières ne sont pas extensibles à l'infini. Comme tous les investissements majeurs dans le secteur énergétique sont désormais le fait d'acteurs monopolistiques, ou soutenus massivement à coup d'argent public, la responsabilité du politique en la matière est dès lors écrasante.
À eux d'abord de parler vrai, et d'encourager à la sobriété énergétique, sans faire miroiter de fausses promesses de future énergie bon marché. À eux, aussi, de gérer avec la plus grande rigueur les moyens limités dont nous disposons. Donner le feu vert à des investissements colossaux sans une évaluation fine des risques d'emballement des prix et une analyse coûts-bénéfices solide, c'est un luxe que nous ne pouvons plus nous permettre. L'envolée des coûts de l'île énergétique doit servir de leçon.
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