La fraude fiscale grave devant la Cour constitutionnelle
La "Ligue des contribuables" a introduit un recours contre la loi instituant la fraude fiscale grave. Selon l’ASBL, cette législation viole les principes de légalité et de non-discrimination.
La Cour constitutionnelle va se pencher sur le concept de fraude fiscale grave. Selon les données publiées sur le site internet de la haute juridiction, un recours en annulation daté du 30 décembre 2013 vise plusieurs dispositions de la loi du 17 juin 2013 chère au secrétaire d’État à la Lutte contre la fraude fiscale, John Crombez. Ce recours émane de la "Ligue des contribuables", une association qui entend défendre les intérêts des citoyens en matière fiscale.
Cette ASBL estime que le législateur a violé le principe constitutionnel de légalité du droit pénal en laissant à la justice le soin de déterminer dans quelles circonstances un contribuable se rend coupable d’une fraude fiscale grave. Selon cette association, le principe de non-discrimination est également violé au motif que le contribuable coupable de fraude fiscale "ordinaire" n’est pas traité de la même manière que l’auteur d’une fraude fiscale grave.
Pas de définition légale
La Ligue des contribuables a mandaté son avocat, Me Thierry Afschrift, pour introduire un recours en annulation des articles 98 à 105 de la loi du 17 juin 2013, soit les dispositions légales qui instaurent des peines plus lourdes pour plusieurs infractions en cas de fraude fiscale grave. Selon la Ligue des contribuables, le texte légal attaqué "n’offre pas les garanties de précision et de prévisibilité nécessaires, circonstance qui entraîne la violation du principe de légalité". Ce dernier est inscrit à l’article 14 de la Constitution qui dispose que "nulle peine ne peut être établie ni appliquée qu’en vertu de la loi". De ce principe découle notamment une obligation de précision du texte légal. Dès lors, "tout citoyen doit connaître à l’avance les actions ou omissions qui sont susceptibles d’être réprimées, souligne les requérants. Cette exigence est particulièrement importante en matière fiscale, en raison de la complexité extrême de la matière."
Or, la "loi Crombez" qui introduit le concept de fraude fiscale grave ne fournit aucune définition de celui-ci. Les travaux préparatoires de cette législation fournissent toutefois quelques indications: on est en présence d’une fraude fiscale grave s’il y a eu confection ou usage de faux documents, si la transaction visée porte sur un montant élevé ou encore si ce montant est anormal au regard des activités ou de l’état de fortune du contribuable.
"Manque de précision"
Mais pour la Ligue des contribuables, ces critères sont trop imprécis. Le caractère élevé ou anormal d’un montant est, selon elle, trop peu défini. "Le secrétaire d’État John Crombez s’en remet complètement aux juges alors qu’il faudrait au moins un critère pour déterminer quand une fraude fiscale est grave, nous a déclaré lundi l’avocat Thierry Afschrift. Si la loi ne dit pas quand une fraude fiscale est grave, il devient très arbitraire de déterminer quand ce concept s’applique."
La Ligue des contribuables reproche aussi au législateur "l’absence de tout critère de distinction susceptible de permettre au contribuable de distinguer la fraude grave de celle qui ne l’est pas". Par conséquent, alors que les personnes qui commettent une fraude fiscale ordinaire savent ce qu’il convient d’entendre par fraude fiscale, les auteurs d’une fraude fiscale grave sont confrontés à un "manque de précision évident", selon la Ligue, qui y voit une violation du principe constitutionnel de non-discrimination, en vertu duquel deux catégories de personnes comparables ne peuvent être traitées différemment.
L’association affirme en outre que la nouvelle législation aboutit sans certains cas à une situation où le contribuable ayant commis une fraude simple encourra une peine d’emprisonnement plus importante que celui qui aura commis une fraude grave, ce qui constituerait un défaut de proportionnalité.
La fraude fiscale grave peut donner lieu à une peine allant jusqu’à cinq ans de prison.
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