Le MR veut empêcher le fisc de récolter des informations par des moyens irréguliers
Le MR souhaite que le fisc ne puisse plus récolter de preuves par des moyens irréguliers. Le parti libéral appelle aussi à un meilleur respect de la charte du contribuable de 1986.
La proposition du ministre des Finances Vincent Van Peteghem (CD&V) d’allonger dans certains cas à dix ans (au lieu de trois) les délais de prescription en matière fiscale passe mal auprès du MR. Le parti libéral contre-attaque en suggérant de neutraliser la jurisprudence Antigone.
Cette jurisprudence renvoie à l’arrêt de la Cour de cassation du 14 octobre 2003 selon lequel des preuves irrégulières (perquisitions, mise sur écoute, fuites de données, etc.) peuvent être prises en compte par le juge pour autant qu’elles sanctionnent un comportement constitutif d’une infraction pénale. Cet arrêt a été accepté en matière fiscale en 2015 et a été suivi depuis lors par la majorité des juridictions.
"Dans la pratique, les irrégularités de l’administration fiscale validées par la jurisprudence Antigone sont de plus en plus nombreuses."
"Nous comptons prochainement déposer une proposition de loi afin de mettre en échec la jurisprudence Antigone", annonce le président du MR Georges-Louis Bouchez. "Stop à la récolte de preuves par des moyens irréguliers. Le contribuable est présumé coupable, ce qui donne lieu à des contrôles fiscaux de plus en plus violents. Au point que le petit patron de PME est aujourd'hui moins bien traité qu’un braqueur de banque. Il ne s’agit pas de défendre les fraudeurs, mais bien de préserver l’État de droit. L’État a des droits, mais aussi des obligations", justifie le patron du MR.
"Dans la pratique, les irrégularités de l’administration fiscale validées par la jurisprudence Antigone sont de plus en plus nombreuses", confirme Vincent Deckers, avocat au barreau de Bruxelles et professeur de procédure fiscale à l’École supérieure de sciences fiscales (ESSF). "À partir du moment où des règles de procédure ne sont pas respectées par l’administration fiscale, cette dernière ne devrait pas pouvoir utiliser les éléments de preuve obtenus de façon irrégulière pour établir l’impôt."
"Aujourd’hui, c’est l’administration fiscale qui tient la plume du gouvernement pour la rédaction des textes en matière de procédures de droit fiscal."
Et s’il fallait que l’administration fiscale échappe aux sanctions pour non-respect des règles de procédure, Vincent Deckers estime que c’est au législateur de fixer les limites.
Exhumer la charte du contribuable
Dans la foulée, les libéraux souhaitent exhumer la charte du contribuable, document initié par Jean Gol en 1986 et qui accordait un certain nombre de droits aux personnes poursuivies par le fisc. "Nous voulons faire en sorte qu’aucune disposition nouvelle ne puisse aller à l’encontre des droits énumérés dans cette charte", explique Georges-Louis Bouchez.
Il estime que depuis une quinzaine d’années, cette charte s’est réduite comme peau de chagrin. Il cite à titre d’exemple le "data mining", qui entrave les droits de la défense, ou encore les contrôles fiscaux informatisés et automatisés qui s’effectuent sans contact direct avec un agent de l’administration. "Non seulement ces nouveaux dispositifs bafouent certains droits fondamentaux, mais en outre ils n’entravent en rien la grande fraude fiscale. L’État belge se montre fort avec les faibles et faible avec les forts", lance Bouchez.
"Que diraient les partis de gauche et les associations si on allait contrôler les allocataires sociaux de nuit?"
Il rappelle à cet égard que l’accord de gouvernement prévoit précisément qu’il soit mis un terme aux contrôles fiscaux sans contact avec un agent. "Or on continue dans cette voie. Pire encore : aujourd’hui, c’est l’administration fiscale qui tient la plume du gouvernement pour la rédaction des textes en matière de procédures de droit fiscal", assure-t-il.
Quid de la fraude sociale ?
Reste à voir si le MR pourra convaincre ses partenaires de coalition de le suivre dans cette voie. Georges-Louis Bouchez anticipe déjà la question: "Je propose à la gauche l’alternative suivante: si vous n’êtes pas d’accord, alors on pourrait appliquer les principes de la jurisprudence Antigone pour la fraude sociale et pour le droit pénal. Que diraient les partis de gauche et les associations si on allait contrôler les allocataires sociaux de nuit pour vérifier s’ils ne dorment pas dans le même lit? Que diraient-ils si la police était conviée à participer à la rédaction des règles en matière de procédure pénale?"
En attendant, l’accord de gouvernement prévoit toujours de récolter 1 milliard d’euros grâce à une meilleure lutte contre la fraude fiscale. Un objectif ambitieux dont la faisabilité est régulièrement mise en doute. Pour y parvenir, Bouchez suggère de miser sur une meilleure collaboration internationale pour traquer les grands fraudeurs, une baisse de la fiscalité pour que l’impôt soit perçu comme plus juste et, enfin, une simplification des règles fiscales afin d’en limiter les possibilités d’interprétation.
Vincent Deckers confirme ce dernier point : "La complexité du droit fiscal est un réel problème et le législateur serait bien conseillé de le simplifier."
- Le MR va déposer une proposition de loi pour mettre un frein à l'application de la jurisprudence Antigone.
- Objectif: empêcher le fisc de récolter des éléments de preuve par des moyens irréguliers.
- Georges-Louis Bouchez considère que l'équilibre entre les droits de l'administration et ceux des contribuables n'existe plus.
- Il appelle aussi à un meilleur respect de la charte du contribuable de 1986.
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