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interview

"On ne parlait pas de politique en famille" (Alexia Bertrand, MR)

©Siska Vandecasteele

À 40 ans, Alexia Bertrand ouvre un nouveau chapitre de sa vie professionnelle. Après neuf années au barreau de Bruxelles et presque autant au sein du cabinet de Didier Reynders, la libérale se consacrera désormais à son mandat de députée bruxelloise.

Comme l’impose notre série d’été consacrée aux nouveaux visages de la politique, c’est l’interviewé qui décide du lieu de rendez-vous. La libérale Alexia Bertrand a jeté son dévolu sur Filigranes. On débute par la séance photo à l’entrée de la librairie de Marc Filipson, fraîchement dotée d’une terrasse depuis l’aménagement d’une piste cyclable sur ce tronçon de la Petite ceinture. Après une retouche maquillage express, on invite l’élue bruxelloise à prendre place sur un transat.

"Je lis beaucoup de livres traitant de la montée du populisme et de l’état de la démocratie."

Mais ça risque "d’être bizarre", juge Alexia Bertrand, qui opte pour une pose plus classique. "Vous êtes douée", lâche-t-elle à la photographe après quelques minutes de clichés au milieu des passants. Allez, on passe aux questions alors. Interroger quelqu’un sur ses lectures dans le temple bruxellois du livre, c’est très commun, on l’admet sans peine. Mais on le fait quand même.

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"Filigranes est comme un magasin de bonbons dans lequel je peux rester des heures. Face à tous ces écrits, toute cette connaissance, on ressort toujours plus humble. Je lis beaucoup de livres traitant de la montée du populisme et de l’état de la démocratie. Sinon, j’adore les romans biographiques." Et de citer comme auteurs coups de cœur Delphine de Vigan, Grégoire Delacourt ou encore Philippe Lançon, lauréat du prix Femina pour "Le Lambeau".

"Quand les négociateurs sont en confiance, le résultat est meilleur. Ce n’est pas de l’astrologie ou un truc de Bisounours."

Parmi les deux ouvrages qui occupent actuellement sa table de chevet se trouve "Thinking Fast and Slow", de Daniel Kahneman, qui passe au crible nos fameux biais cognitifs. Exemple: des étudiants sont interrogés sur leur niveau de bonheur et ensuite sur le nombre de sorties en amoureux effectuées le mois écoulé sans qu’aucune corrélation entre les réponses ne soit constatée. Quand les questions sont posées dans le sens inverse, on remarque en revanche une corrélation importante entre le nombre de sorties et le degré de bonheur.

"Cela démontre que nous pouvons influencer les réponses en fonction de la manière dont les choses sont posées. Cela joue forcément aussi pour les référendums… En fait, l’être humain n’est pas aussi rationnel qu’il pense l’être. Il faut sans cesse pouvoir remettre en cause nos convictions et se demander si l’on pense quelque chose parce que l’on y a vraiment réfléchi ou si c’est dû à l’éducation, le moule culturel…"

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La négociation à Harvard

Sur les courts de tennis ou aux côtés des jeunes pour les coacher

Son sport fétiche: le tennis. Alexia Bertrand a fait un peu d’interclubs quand elle était plus jeune mais courir sur les courts sert surtout de défouloir. Le meilleur selon elle. Une fois plus relax, la libérale prend du temps pour lire et regarder des reportages ou des documentaires.

Mais au rayon des loisirs un peu moins classiques, Alexia Bertrand confie une passion visant à créer des liens entre les gens. "J’aime mettre en contact les personnes avec des passions communes et voir se créer des projets inattendus."

Dans le même registre, elle aime bien coacher des plus jeunes au moment de leur choix d’étude ou recherche d’emploi. Les orienter pour obtenir une bourse pour étudier à l’étranger. "J’ai eu la chance d’avoir eu des mentors qui m’ont aiguillée dans mes choix alors si je peux aider à mon tour, je suis heureuse de le faire."

"Devenir", de Michelle Obama, est le second bouquin du moment qu’Alexia Bertrand lit, en français. On pose la question parce qu’on sait qu’elle a étudié à Harvard et cela pique notre curiosité. "Dans le système américain, où il est demandé de pouvoir défendre un avis sur tous les sujets, les Belges sont perçus comme de très bons étudiants. Ça m’a rendu plus reconnaissante encore de notre système universitaire." Après des candis bilingues en droit à Saint-Louis et la KUB, un Erasmus à Madrid et deux années dans un cabinet anglais, la Bruxelloise s’est frottée à l’art de la négociation sur le mythique campus de Cambridge.

On résume un brin, mais la méthode de Roger Fisher enseignée à Harvard consiste d’abord à élargir le gâteau avant de le couper et d’en distribuer les parts. "Cela nécessite de l’écoute et de l’empathie pour comprendre authentiquement les intérêts de l’autre plutôt que de chercher à le piéger. Quand les négociateurs sont en confiance, le résultat est meilleur. Ce n’est pas de l’astrologie ni un truc de Bisounours, c’est vraiment plus efficace!"

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Et la politique dans tout ça? Malgré une expérience mémorable au parlement européen des jeunes à l’âge de 16 ans, c’est d’abord le droit qui l’anime. "J’ai voulu devenir avocate parce que j’aimais l’idée de se battre pour les droits des autres. C’est d’autant plus étonnant que j’ai finalement fait le droit commercial, souligne-t-elle avec autodérision. J’ai eu un professeur excellent en droit des sociétés, donc j’ai trouvé cela passionnant et puis j’étais sensible à l’entrepreneuriat."

La déclaration à Reynders

Du cabinet d’avocats d’affaires Linklaters, elle retient l’environnement international, les chouettes collègues, les clients et les dossiers super intéressants. De belles années même si elle ne voyait pas beaucoup la couleur du ciel durant les périodes les plus intenses. "Quand j’ai quitté le barreau, tout le monde trouvait cela bizarre. Je voulais bosser sur des enjeux plus larges qui me dépassent."

"Didier Reynders, c’est quelqu’un de compétent qui donne envie de faire de la politique."

Elle se souvient de la date où elle a déclaré de but en blanc à Didier Reynders qu’elle voulait travailler pour lui: le 6 décembre 2011. "Je l’avais déjà entendu et je le trouvais rayonnant. C’est quelqu’un de compétent qui donne envie de faire de la politique. Je suis allée le trouver à la fin de sa conférence et il m’a dit de lui envoyer un mail. Ça s’est fait comme ça."

Avant de devenir cheffe de cabinet en fin 2015, Alexia Bertrand était conseillère en matière de justice, d’asile et d’immigration. "La justice, ça peut sembler évident pour une avocate mais en fait j’ai découvert le monde de la magistrature, le monde carcéral. Pour l’asile et l’immigration, j’ai suivi une formation à destination d’avocats qui aident les demandeurs d’asile, donnée au Foyer à Molenbeek. C’était fantastique comme cours, mais je n’ai jamais osé leur dire que je travaillais au cabinet Reynders."

Des formations en adéquation avec le marché

Depuis les bancs de l’opposition au sein de l’hémicycle bruxellois, son principal combat politique concernera la formation. Le constat dressé par Alexia Bertrand est malheureusement bien connu: Bruxelles est le premier bassin d’emplois du pays mais aussi la Région qui affiche le taux de chômage le plus important.

C’est le fameux paradoxe bruxellois qui s’explique notamment par le manque de qualification. "Parmi nos 89.000 chômeurs, environ 60.000 sont sans diplôme du secondaire reconnu. Pour y remédier, la libérale plaide pour une simplification de l’offre de formation et une adéquation plus grande avec le marché du travail.

Il faut mettre en place des incitants pour que les demandeurs d’emploi se dirigent vers des formations porteuses. Dans l’accord de gouvernement, rien n’est prévu en ce sens. Au contraire, le revenu de formation de 4€ de l’heure n’est même pas lié à une condition de débouché porteur. On va donc laisser nos jeunes continuer à s’orienter vers des formations ne menant à aucun emploi", déplore-t-elle.

Le libéralisme ne serait pas toujours facile à assumer? "Certains ont donné une image fausse du MR et du libéralisme, qui porte pourtant l’un des plus beaux messages: créer des hommes et des femmes debout, leur donner les outils pour être autonomes. Nous devons retourner plus que jamais sur le terrain pour expliquer les valeurs défendues par le Mouvement réformateur."

En parlant de terrain, Alexia Bertrand tient à nuancer sa réputation de bourgeoise et se dit aussi à l’aise dans les logements sociaux du nord de la capitale que dans sa commune cossue de Woluwe-Saint-Pierre. À son arrivée au cabinet, elle avait d’ailleurs tout de suite fait part de sa volonté de faire de la politique active et de se présenter aux communales de 2012. Après Harvard, Linklaters et la fonction de cheffe cab’ à seulement 36 ans, le chemin en politique semble plus tortueux, se permet-on d’observer.

"C’est pire que ça! En 2012, j’aurais pu devenir échevine mais le MR, premier parti, a été renvoyé dans l’opposition. En 2014, au Fédéral, on manque le 5e siège à quelques voix près. En 2018, je tire la liste à Woluwe-Saint-Pierre et on arrive ex-aequo avec la Liste du Bourgmestre, qui a préféré continuer avec la majorité en place. Mais commencer la politique dans l’opposition, c’est la meilleure école. Aujourd’hui, j’ai la chance de pouvoir représenter les Bruxellois et de mettre mes compétences au service de la Région. J’ai envie d’amener une plus-value, j’ai encore cette part d’idéal! Cela fait 15 ans que le MR est dans l’opposition et je n’ai pas rencontré un citoyen durant la campagne qui trouve que Bruxelles soit un modèle. Peu importe qui les porte, je soutiendrai les bons projets depuis l’opposition."

Le Quick de Knokke

"J’ai découvert le mépris des gens pour certains métiers difficiles. C’est la double injustice".

Mère d’une fille et de deux jumeaux, on demande comment sa famille réagit à ses choix de carrière. "Ma fille de 11 ans peut expliquer l’effet dévolutif de la case de tête. Clairement, mes enfants sont imprégnés par la politique." À l’époque, ses parents avaient trouvé sa décision étonnante. "Il n’y avait pas de discussion politique dans la famille. On parlait d’économie mais pas du MR ou du PS. Mais ils ont trouvé cela chouette. Pour eux c’est surtout la valeur travail qui est importante. Tu peux faire le métier que tu veux tant que tu le fais bien."

Le souvenir de son premier job étudiant au Quick à l’âge de 16 ans ressurgit. "Mes parents voulaient que l’on sache ce que cela signifie de gagner un euro. J’avais trouvé ce job toute seule et ça a été une leçon de vie. J’ai découvert le mépris des gens pour certains métiers difficiles. C’est la double injustice". Consciente du potentiel comique de la chose, elle tarde à préciser, sourire en coin, qu’il s’agissait du Quick de Knokke. Certes, c’est cliché, mais pour rester près des copains qui passent l’été au Zoute, c’est surtout très malin.

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