Pour la mise en place rapide d’un service à la nation
Un service à la nation serait utile à mettre en œuvre pour mieux faire face aux menaces multiples et complexes qui nous entourent.
Pas un jour ne se passe sans nouvelles alarmistes à propos de la montée en puissance des troupes russes le long de la frontière ukrainienne et en Biélorussie. Allons-nous assister à une nouvelle guerre en Europe?
Certes nous avons connu les guerres des Balkans suite à la désintégration de la Yougoslavie, mais elles furent le plus souvent limitées à des combats à l'arme légère ou au semi-automatique dans les régions montagneuses de Bosnie.
Aujourd'hui, l’ampleur est tout autre. Il est question d’une invasion en règle d’un pays par un autre avec une armée régulière.
Le timing est au demeurant parfait. Merkel, la chancelière d’origine est-allemande, qui parlait parfaitement le russe – et tenait tête à Poutine - est partie; la France est en campagne présidentielle, Biden a ses problèmes domestiques, et tant le Kazakhstan que la Biélorussie ont connu ces dernières années des «révolutions orange», qui ont toutefois été tuées dans l’œuf. Poutine a donc ses motivations pour agir maintenant.
Ce qui doit inquiéter davantage nos démocraties occidentales, c'est l'alliance objective de la Russie avec la Chine.
Alliance Chine-Russie
Allons plus loin. Ce qui doit inquiéter davantage nos démocraties occidentales, c'est l'alliance objective de la Russie avec la Chine; alliance qui pourrait garantir à la Russie des débouchés commerciaux et une garantie d'approvisionnement si des sanctions économiques venaient à être prises à son encontre.
Mais en y regardant de plus près, il y a une autre convergence entre la Chine et la Russie. De fait, comme dans le cas de la Russie avec l’Ukraine, le même raisonnement d’unification vaut pour la Chine à l'égard de Taïwan.
Voilà donc deux puissances mondiales, avec un ennemi commun, les États-Unis, et une cause commune, une guerre d’unification pour rattacher chacune d’elles un petit frère devenu indépendant et sans doute trop occidental et rebelle à leur gout.
Silence assourdissant
Pendant ce temps, en Belgique, des décisions politiques d'importance variable sont prises. Mais, hélas, sur des sujets purement de politique intérieure: les décisions du Codeco, la semaine à 4 jours de travail, le réaménagement du rondpoint Montgomery à Bruxelles…
Il y a de quoi être étonné du silence assourdissant du gouvernement belge sur les questions internationales.
Il y a, en réalité, de quoi être étonné du silence assourdissant du gouvernement belge sur les questions internationales. Ne serait-il pas devenu "lentement urgent" de remettre à jour l’obligation d’un «service à la nation».
Entendons-nous bien, il n’est pas question ici de militarisme, mais comme l’a très bien dit un jour un diplomate belge: « Tout territoire est occupé par une armée. Autant espérer donc que cette armée soit la nôtre ». Certes, il est peu probable que l’armée russe «monte» un jour jusqu’à Bruxelles ou à Paris, comme le craignait jadis dans les années 1980 le général belge Robert Close.
Pour autant, un engagement belge dans l’est de l’Europe n’est pas exclu. Nos F16 sont déjà stationnés dans les États baltes et une escalade peut survenir à tout moment. La Pologne étant membre de l’Otan, notre pays serait également tenu par le traité de l’Atlantique Nord de leur prêter main-forte.
Et si d'aventure la Chine venait à se concerter avec la Russie, nous serions alors confrontés la déflagration extraordinaire d’une double guerre d'unification. La surenchère pourrait alors être totale. Pensons, par exemple, à la Turquie – membre de l’Otan – qui fermerait le détroit du Bosphore donnant accès à la mer Noire, ou à la Pologne qui s’en prendrait à l’enclave russe de Kaliningrad…
Tâches multidisciplinaires
Dernier élément pour compléter ce tableau: les inondations de l’été dernier en Wallonie. Une protection civile engagée, mais en sous-effectifs, dépourvue de réels moyens, réduite à sa plus simple expression, alors qu’il eut fallu des travaux de génie civil, des logements de fortune, des packs de survie, des briques d’eau potable, des couvertures, des générateurs d’électricité, des pelleteuses, etc. Ceci est d’autant plus préoccupant que ce type de situation est appelé à se reproduire de plus en plus fréquemment au cours des décennies venir.
Si nous rajoutons encore à cela la gestion de la crise du Covid, avec le manque criant d’une réserve de masques homologués, d’équipements médicaux, de lits d’urgence, etc. Dès lors, comment ne pas conclure qu’un service large, à la nation, est aujourd’hui redevenu indispensable?
La vision d’un service à la nation ne peut se réduire à une caricature. L’armée est complexe et multidisciplinaire. La guerre se joue aussi sur internet, dans l’espace, dans la logistique ou le traitement de l’information.
Tout garçon ou fille, dès l’âge de 18 ans, de nationalité belge serait appelé à effectuer un service à la nation, que ce soit dans le domaine militaire, de la protection civile, dans l’humanitaire, les maisons de repos, les prisons, les CPAS ou d'autres lieux d’engagement sociétal.
La vision d’un service à la nation ne peut se réduire à la caricature d’un défilé de miliciens dans une cour carrée bétonnée, au sein d'une caserne. L’armée est complexe et multidisciplinaire. La guerre se joue aussi sur internet, dans l’espace, dans la logistique ou le traitement de l’information.
Un service à la nation devrait être multidisciplinaire dans l'ensemble des domaines de la société pour faire face à ces menaces multiples et complexes susceptibles de mettre en péril notre patrie et leurs habitants. Et pourquoi pas aussi, pour aider la Belgique à se projeter dans le monde? Je pense notamment à notre engagement dans nos ambassades et en matière de coopération au développement. De nombreuses compétences sont nécessaires : médecins, informaticiens, chauffeurs, ingénieurs, anthropologues, etc.
Au pire rouvrir un tel dossier risquerait seulement de donner à notre jeunesse le gout d’un engagement, d’une ouverture aux valeurs altruistes, d’un regain de sens collectif pour la nation. C’est un risque politique que nous pouvons prendre.
Marc Antoine Mathijsen
Senior International Insurance Executive, diplômé en Droit et en Relations Internationales et officier de réserve
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