Spotify, TikTok et Instagram: nouveaux terrains de jeu pour les politiques
Les politiques s'aventurent de plus en plus sur de nouvelles plateformes en ligne. Un défi, entre volonté de spontanéité et impératif de crédibilité.
La première incursion de la politique belge dans le monde du podcast sera donc venue de l'extrême-droite. Comme le pointaient nos confrères de La Libre en début de semaine, le Vlaams Belang (V.B.), par l'entremise de son parlementaire Dries Van Langenhove, a lancé fin mars un podcast sur la plateforme de streaming Spotify.
L'arrivée du V.B. sur Spotify semble finement jouée. "Van Langenhove parvient à adapter son message en tenant compte des codes et de la grammaire de la plateforme qu'il utilise, sans paraitre décalé", analyse Nicolas Baygert, docteur (Paris-Sorbonne, UCL) et professeur de communication politique (IHECS, ULB, Science Po Paris). "L’enjeu est de s’adresser à une audience potentiellement réfractaire, sans susciter une levée de boucliers face à un discours perçu comme politiquement chargé."
"Vous choisissez quand et comment vous communiquez (...) C'est une maîtrise spectaculaire du message."
S'adresser au public par des plateformes en ligne, c'est également ne plus devoir passer par l'intermédiaire de la presse. "Vous choisissez quand et comment vous communiquez, vous enregistrez vous-même, vous pouvez donc faire plusieurs prises, corriger. C'est une maîtrise spectaculaire du message, on ne fait pas mieux", explique Caroline Van Wynsberghe, politologue à l'UCL.
Chaque réseau a ses codes
Sur Instagram, Van Langenhove dépasse d'une courte tête le président de la N-VA et celui du sp.a. Ceux qui tirent leur épingle du jeu ont, là aussi, compris les codes de la plateforme. "Théo Francken sur Instagram n'est pas Théo Francken sur Twitter. Sur le premier, il montre sa famille, ses enfants, on est dans le registre affectif. Sur la seconde, il investit le champ conflictuel pour défendre ses idées", explique Baygert.
"Les gens qui suivent Conner sur Instagram ne veulent pas savoir ce que le sp.a a dit au Parlement flamand. Ils veulent savoir ce que Conner fait."
Interactivité, proximité et authenticité: une recette qu'a bien compris Conner Rousseau, qui menait l'équipe réseaux sociaux du sp.a avant de devenir président des socialistes flamands. "Les gens qui suivent Conner sur Instagram ne veulent pas savoir ce que le sp.a a dit au Parlement flamand. Ils veulent savoir ce que Conner fait", explique Gorik Van Holen, directeur politique du parti.
L'homme avant le politique
Une mise en avant de l'individu au détriment du parti qui n'étonne pas Caroline Van Wynsberghe. "On est dans le concept de "démocratie du public": l'électeur vote pour une personne avant de voter pour un programme, parce que le candidat a une bonne tête, qu'il est sympa..." Une réalité qui se vérifiait déjà avant les réseaux sociaux, relève la politologue.
Les algorithmes des réseaux sociaux favorisent, eux aussi, la mise en avant de l'individu. "Les profils personnels fonctionnent beaucoup mieux que les pages institutionnelles", pose Xavier Degraux, consultant et formateur en réseaux sociaux.
TikTok, où tout est à faire
Depuis quelques semaines, c'est sur le réseau social TikTok que s'aventurent certains politiques. Au Mouvement réformateur, on explique vouloir montrer une autre facette du président Georges-Louis Bouchez et jouer de son personnage "souvent stéréotypé". "L'autre objectif est de travailler la notoriété auprès d'un public qui ne va pas lire la presse", détaille Jean-Vianney Philippe, directeur de la communication des libéraux.
Une stratégie différente de celle d'Elio Di Rupo (PS). "On utilise TikTok à la fois pour relayer des messages d'intérêt public, des vidéos informatives sur le rôle du gouvernement wallon et du Ministre-président, ainsi que des vidéos plus personnelles", explique son porte-parole Sylvain Jonckheere.
"L'objectif est de travailler la notoriété auprès d'un public qui ne va pas lire la presse"
Coup de pub
Du contenu plus léger: un pari risqué? "Le fait d'être sur TikTok est une info en soi, que le contenu soit bon ou pas. On est dans le coup de pub avant d'être dans la recherche d'une audience", explique Xavier Degraux. "Les politiques doivent être présents en étant le plus crédible possible", nuance Alain Heureux, responsable communication de Virtuology Group, spécialisé dans le marketing digital. "Il y a une limite entre le ludique et le ridicule."
"Il y a une limite entre le ludique et le ridicule."
Une certitude: le risque de faux pas augmente avec la quantité de contenus postés. "Ce que je retiens du TikTok de Georges-Louis Bouchez, c'est qu'il fait la promo de son livre en renvoyant les gens sur Amazon alors que le MR est le parti des indépendants et des PME", se désole Van Wynsberghe.
Faut-il voir un effet de mode dans la multiplication des réseaux utilisés par le monde politique? "On ne va pas sur un réseau pour en remplacer un autre mais pour augmenter son spectre sociodémographique et toucher les cibles là où elles se trouvent", explique Xavier Degraux. "Les utilisateurs de TikTok ne sont pas ceux de Facebook, Instagram ou LinkedIn."
"On ne va pas sur un réseau pour en remplacer un autre, mais pour augmenter son spectre socio-démographique et toucher les cibles là où elles se trouvent."
Un engagement difficile à faire fructifier
Les followers se transformeront-ils en électeurs? Difficile à dire. "Sur Instagram et TikTok, il n'est pas possible de cliquer sur les URLs dans les publications et donc d'envoyer les gens vers une page web, une newsletter ou un évènement et de capitaliser sur l'engagement généré sur la plateforme", détaille Xavier Degraux.
Dans les partis où l'on n'a pas encore franchi le pas, les réflexions sont en cours. "Ne pas y aller, c'est laisser le champ libre aux autres..."
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