La Wallonie étudie une hausse des taxes sur les grosses cylindrées
Après la Flandre et Bruxelles, la Wallonie se plonge à son tour dans une réforme de sa fiscalité automobile. À la demande du gouvernement wallon, l’ULB et l’ULg avancent trois pistes pour pénaliser les véhicules les plus polluants et pousser à l’achat de voitures "propres".
A l’image de la Flandre qui tient déjà compte de certains facteurs environnementaux dans ses calculs, ou de Bruxelles qui a présenté son nouveau modèle en juin, la fiscalité automobile wallonne s’apprête aussi à vivre sa révolution verte.
Une étude de plus de 360 pages, commandée par l’ancien ministre du Budget Christophe Lacroix (PS) et réceptionnée cet été par son successeur Jean-Luc Crucke (MR), ouvre aujourd’hui le débat sur le verdissement de la fiscalité automobile en proposant au gouvernement wallon trois scénarios de modification de la taxe de circulation (TC) et de la taxe de mise en circulation (TMC) dans lesquels le degré de pollution émis par le véhicule viendrait modifier la facture pour l’usager.
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Sans surprise, les trois pistes (lire l’encadré) explorées par les experts visent à pousser "une transition importante des technologies de combustion interne des véhicules automobiles vers celles à propulsion alternative alimentée par des sources d’énergie à faibles émissions de CO2 et de particules fines".
L’insignifiant carburant alternatif
Avant de se lancer dans la présentation de ce véritable Big Bang – qui ne devrait cependant pas intervenir avant la fin de cette législature –, les auteurs doivent bien faire ce constat: l’âge du parc automobile wallon est d’environ 7,5 ans en 2005, contre 9,2 ans en 2017, "ce qui est supérieur à celui enregistré au niveau belge (8,9 ans)". L’usage de carburants alternatifs reste par contre pratiquement inexistant. "L’essentiel des véhicules immatriculés en 2015 (année de référence pour l’échantillon de 190.687 véhicules étudiés par l’étude, NDLR) en Wallonie roulent soit au diesel (59,4%) soit à l’essence (39,6%), tandis que les carburants alternatifs représentent moins de 1% des immatriculations."
Bref, pour avoir un réel impact sur les usagers de la route, les auteurs estiment que toute réforme fiscale doit avoir dans son viseur une série de critères comme les émissions de CO2 car "même si les émissions moyennes de CO2 des voitures neuves sont passées de 140,9 à 117,3 gr par km entre 2008 et 2015, il existe encore de larges marges de progression". La puissance du véhicule doit aussi intervenir dans le calcul fiscal "afin d’inciter l’achat de véhicules de plus petite taille et de plus faible puissance". Il en va de même pour le type de carburant, "en pratiquant une fiscalité discriminante à l’encontre des véhicules diesel et autres véhicules moteurs à combustion interne". L’âge du véhicule doit aussi être pris en compte "afin de sortir du parc automobile les plus anciens (et polluants) véhicules".
Un dernier détail! Si la piste fiscale semble être incontournable pour provoquer cette mutation vers des véhicules plus propres, elle ne doit pas se concevoir seule dans son coin. Le ministre Crucke, qui vient de transmettre l’étude au Parlement wallon en vue d’un large débat sur cette problématique en octobre, partage ainsi les observations des auteurs pour qui la fiscalité n’est pas la panacée dans la transition vers une motorisation zéro émission. "Il y aurait lieu de réfléchir, complémentairement au modèle fiscal, à la mise en œuvre d’un système de prime à l’achat combiné à un système de soutien à l’installation de bornes électriques", précisent les experts qui insistent pour que les autorités publiques intègrent dans le débat fiscal une réflexion plus large sur les différents modes de transport. Les auteurs précisent enfin que le nouveau régime "ne pourra revêtir un caractère rétroactif. Les véhicules déjà immatriculés restent dans le système actuel".
"Il y aurait lieu de réfléchir, complémentairement au modèle fiscal, à la mise en œuvre d’un système de prime à l’achat combiné à un système de soutien à l’installation de bornes électriques."
Le diesel lourdement pénalisé
Les conclusions maintenant. Sur la base des trois modèles testés auprès de leur échantillon, les experts ressortent une série de constats.
Ainsi, pour les véhicules puissants et pour lesquels les émissions de CO2 ne dépassent pas le plafond de 125gr/km, la TMC et la TC n’augmentent pas et baissent même parfois en fonction des types de véhicule. Par contre, pour les véhicules puissants et pour lesquels les émissions dépassent le plafond, la TMC et la TC augmentent. Les deux taxes augmentent également pour les véhicules peu puissants et pour lesquels les émissions dépassent le plafond.
Pour les véhicules au LPG et au gaz naturel, la TMC et la TC augmentent aussi car ces véhicules émettent du CO2. Les véhicules hybrides-essence verront eux la TMC et la TC baisser. Ce qui n’est pas le cas pour les véhicules hybrides-diesel pour lesquels elles haussent. Enfin, les véhicules électriques sont exonérés du paiement de la TMC et la TC est fixée au seuil minimal de 61,5 euros.
Reste au final la question de l’impact financier pour le budget wallon! À politique inchangée, ces deux taxes ont rapporté 103 millions en 2015. Le premier modèle imaginé par l’étude rapporterait lui 137 millions, soit une hausse de 33,1%. Le deuxième système permet de lever 136 millions (+ 32,6%) et le troisième modèle engrange 103 millions (+ 0,8%).
Un bonus fiscal pour les bons élèves
Les experts de l’ULB et de l’ULG ont remis au ministre Crucke trois scénarios de réforme de la taxe de circulation et de la taxe de mise en circulation qui, selon eux, ont l’avantage de répondre à une série d’exigences fiscales comme le fait d’être "respectueuse de l’environnement", "équitable socialement", et surtout "simple à mettre en œuvre".
Le modèle "malus"
Il pénalise les véhicules qui émettent plus de 125 gr de CO2 par km. Il est aussi fiscalement plus pénalisant pour les moteurs diesels. "Sur la base de notre échantillon, ce malus impacterait quelque 45% des immatriculations de 2015 et 25% des propriétaires de véhicules devraient payer moins de 400 euros." En outre, les experts recommandent, par mesure d’équité sociale, un allègement de la taxe de mise en circulation pour le propriétaire du véhicule qui a trois enfants à charge et pour autant que le véhicule ne figure pas parmi la liste des voitures les plus polluantes.
Un dernier détail. Le montant de la taxe de mise en circulation (TMC) est lui plus élevé que la taxe de circulation "afin d’influencer davantage le comportement d’achat d’un véhicule". Un seuil minimal à 61,5 euros pour la TMC a été fixé afin de stabiliser les recettes.
Le système "bonus-malus"
Outre le malus prévu dans le premier scénario, ce modèle prévoit aussi un système de bonus pour les véhicules émettant moins de CO2 que le seuil de référence (95 gr/km).
"Ce système permet de faire varier le montant de la TMC en offrant la possibilité d’une taxe nulle pour les voitures les plus propres."
Ainsi, sur la base de l’échantillon, en fixant des niveaux d’émissions à 95 gr et 125 gr de CO2/km, "48% des véhicules de l’échantillon des immatriculations de 2015 ne sont pas impactés par le critère CO2 tandis que 45% doivent s’acquitter d’un malus et 7% reçoivent un bonus. La majorité de ces bonus ne serait que de l’ordre de 100 euros".
Système avec malus et garantie sur l’équilibre budgétaire
Ici, chaque gramme de CO2 au-dessus du seuil de 125gr/km coûte 10 euros au propriétaire du véhicule avec un maximum de 3.000 euros pour les véhicules émettant plus de 195 gr de CO2/km.