Le Parlement européen veut en finir avec le "Far West" Web
En passant par le Parlement européen, la loi sur les services numériques fait un tour de vis supplémentaire sur les géants du web.
"Nous sommes en train de reconquérir démocratiquement notre environnement en ligne." Ainsi résumait mardi l’eurodéputée danoise Christel Schaldemose l’enjeu du texte que sa commission parlementaire venait d’approuver. Un an après la proposition initiale de la Commission, c'est une avancée clé pour ce texte par lequel le législateur européen entend reprendre la main sur la diffusion de contenus – médiatiques et physiques – en ligne.
Le Digital Services Act (DSA) vise à forcer les plateformes en ligne à s'attaquer aux contenus illicites en ligne, comme l’incitation à la haine, et à contrôler la qualité des biens vendus par leur entremise. C’est une des deux lois jumelles en plein pétrissage au Parlement européen par lesquelles l'Europe ambitionne de mettre de l'ordre dans le "Far West" qu'est devenu à certains égards l'internet. La seconde étant le Digital Market Act (DMA), qui s'attaque aux pratiques anticoncurrentielles des géants du web.
"Nous sommes en train de reconquérir démocratiquement notre environnement en ligne."
En arrêtant à une écrasante majorité leur position sur la loi sur les services numériques, les députés ont musclé les propositions faites l’an dernier par la Commission européenne et approuvées en novembre par les États membres.
Ouvrir les algorithmes
Les systèmes de recommandation des plateformes en ligne, dénoncés notamment par la lanceuse d’alerte de Facebook Frances Haugen, sont un des éléments clés dans le viseur de la législation. Ces algorithmes qui déterminent ce que les utilisateurs voient apparaître sur leurs fils de réseaux sociaux devront livrer leurs secrets, ce qui permettra aux chercheurs et ONG d'opérer un contrôle sur leur fonctionnement. Les plateformes devraient aussi proposer une version alternative de leur système de recommandation, qui ne reposerait pas sur le profilage.
Les très grandes plateformes, de plus de 45 millions d'utilisateurs, seront soumises à des restrictions plus sévères. Elles seront notamment soumises à des audits d'évaluation des risques.
"Malgré quelques avancées, l'issue du vote est décevante du point de vue de la protection des consommateurs."
Après avoir longtemps misé sur l’autorégulation du secteur, le projet de loi européen entend baliser fermement la suppression des contenus illicites. Le texte crée un "mécanisme de notification et d'action" qui contraint les fournisseurs de services à apporter une réponse rapide.
Marchés en ligne
La législation vise aussi à mieux protéger les consommateurs qui utilisent les places de marché en ligne: ces sites devront davantage contrôler la nature des contenus qui transitent, la traçabilité des commerçants sera renforcée. "Malgré quelques avancées, l'issue du vote est décevante du point de vue de la protection des consommateurs", a regretté le lobby européen des consommateurs (Beuc), qui déplore que les petites et moyennes plateformes de vente ne soient pas plus clairement responsabilisées.
"Ce que nous essayons de faire ici, c'est d’établir les nouvelles lois fondamentales de l'internet."
Les citoyens et les organisations de consommateurs pourront demander réparation pour tout dommage qui résulterait du non-respect par les plateformes de leurs obligations de "diligence raisonnable".
"Ce que nous essayons de faire ici, c'est d’établir les nouvelles lois fondamentales de l'internet", a souligné l'eurodéputée verte allemande Alexandra Geese. Mais ce n’est qu’un début, a-t-elle ajouté : "C'est une petite boule de neige qui pourrait devenir l'avalanche qui nous aidera à rendre l'internet plus démocratique."
Après avoir adopté sa position finale sur le DMA ce mercredi, le Parlement doit faire de même pour le DSA en janvier. La finalisation des deux textes est une priorité de la présidence française du Conseil, qui espère aboutir à un compromis final avant juillet, en vue d’une entrée en vigueur en 2023.
- Le projet de loi européenne sur les services numériques a fait une avancée clé au Parlement européen ce mardi.
- Ce texte doit forcer les géants du web à s'attaquer aux contenus haineux en ligne.
- Il devrait aussi les forcer à ouvrir le moteur de leurs algorithmes.
- Les responsabilités des plateformes de commerce en ligne doivent être mieux définies, au bénéfice des consommateurs.
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