Les Vingt-Sept butent sur la manière de mobiliser l’épargne des Européens
Pour mobiliser des investissements vers la défense et la transition climatique, l'Europe veut unifier les marchés de capitaux. Mais les États membres divergent sur la supervision.
"C’est un sujet à plusieurs centaines de milliards d’euros par an", résume un diplomate. Alors que l’Europe fait face à un mur d’investissements pour accomplir sa transition climatique, muscler sa défense et soutenir l’Ukraine, les Vingt-Sept veulent mobiliser l’épargne privée pour servir leurs intérêts stratégiques.
"Nous finançons l'économie américaine pour qu’elle puisse attirer nos entreprises... Ce n'est pas une situation win-win, il y a des choix à poser."
Unifier les marchés de capitaux
Ce n'est pour l'heure pas beaucoup plus qu'un slogan, mais intégrer les marchés de capitaux permettrait d’augmenter les financements privés vers les entreprises de l'Union, alors que quelque 300 milliards d’euros de capitaux privés européens s’envolent chaque année vers l’étranger, essentiellement les États-Unis.
"Nous finançons l'économie américaine pour qu’elle puisse attirer nos entreprises... Ce n'est pas une situation win-win, il y a des choix à poser", poursuit ce diplomate.
Le constat est largement partagé, mais les Vingt-Sept sont à couteaux tirés sur la manière d’unifier les marchés de capitaux. Pour certains – la France notamment –, la clé de voûte est une supervision centralisée.
Dans un projet de conclusions du Conseil européen que nous avons pu lire, le cabinet de Charles Michel proposait de permettre aux autorités de supervision européennes (l’ESMA, pour les banques d’investissement) de "superviser efficacement les acteurs transfrontaliers des capitaux et des marchés financiers les plus systémiques". Mais une quinzaine d'États ont déjà exprimé leur scepticisme sur une telle centralisation, et cette petite phrase promet d'être un point de crispation des débats de ce jeudi.
En tout état de cause, les Vingt-Sept sont raccords pour avancer vers l’Union des marchés de capitaux.
Le positionnement de Paris
Le Luxembourg, la Pologne ou encore l’Irlande considèrent qu’une supervision centralisée pourrait être contre-productive. Elle aurait pour effet de renforcer la position de Paris, siège de l'ESMA, comme centre financier de l'Europe post-Brexit, et "il y aurait un risque de délocalisation d'activités de la périphérie vers le centre et des petites économies vers les grandes", avance cette source diplomatique. S’en tenant à son rôle de présidence du Conseil de l’UE, la Belgique restait en retrait, mais sa position reste qu'elle ne voit pas de valeur ajoutée d’une supervision européenne.
En tout état de cause, les Vingt-Sept sont raccords pour avancer vers l’Union des marchés de capitaux, qui devrait figurer en tête de leur "agenda stratégique", leur cahier des charges pour la prochaine législature. Des projets concrets sont dans les cartons, à commencer par le développement d'un produit d’épargne européen, et pourraient entrer en phase de concrétisation dès l'entrée en activité de la prochaine Commission.
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