Von der Leyen II adoubée de justesse par le Parlement européen
La Commission von der Leyen II a obtenu une majorité serrée au Parlement, lors d'un vote marqué par la rébellion de plusieurs élus de la coalition, dont les Belges. Le nouvel exécutif aura pour priorité de rétablir la compétitivité de l'Europe.
La nouvelle Commission européenne, présidée par Ursula von der Leyen (PPE, CDU), pourra commencer à travailler dès le 1ᵉʳ décembre. Les députés européens ont approuvé, mercredi, à une courte majorité la nouvelle équipe de 26 commissaires proposés par celle qui a tenu le gouvernail de l'Europe lors des cinq dernières années. La Commission a été élue par 370 voix pour, 282 contre et 36 abstentions. Ce score serré reflète une fragmentation inédite des forces politiques européennes, dans un contexte géopolitique instable.
"Le moment est venu de nous unir", a lancé Ursula von der Leyen, juste avant le vote, en présentant les membres de la nouvelle Commission et un programme orienté sur la compétitivité.
Le prochain exécutif européen aura besoin de cette unité. Les divisions guettent, alors que l'Europe est déstabilisée par une montée du populisme et une guerre menée à ses portes par la Russie.
"Je suis fière d'avoir une équipe aussi diverse", a ajouté la présidente, en précisant qu'elle s'était "battue bec et ongles" pour avoir onze femmes dans le collège.
Parmi les commissaires, la Belge Hadja Lahbib (MR) sera chargée de la Gestion des crises et de l'Égalité. "Je suis heureuse" de ce choix, a dit von der Leyen, "elle a, elle-même, traversé tant de plafonds de verre pour en arriver là".
Une majorité de papier
Premier constat après ce vote: von der Leyen II obtient la majorité (54%) la plus courte de l'histoire. À titre de comparaison, la Commission de Jean-Claude Juncker, peu populaire, avait décroché 61% des suffrages en 2014 et celle de Romano Prodi 82% en 1999.
Ursula von der Leyen a rassemblé une coalition centriste classique, composée des démocrates chrétiens (PPE), des sociaux démocrates (S&D) et des libéraux (Renew). Mais cette majorité de papier s'est morcelée ces derniers mois, ce qui a obligé la présidente à monnayer le soutien du plus grand nombre possible de conservateurs (ECR) et de Verts européens. Sans eux, elle n'aurait pas obtenu la majorité.
Une commission de droite radicale
Deuxième constat: cette Commission penche vers la droite radicale, car elle accueille pour la première fois deux membres de l'extrême droite, un vice-président, l'Italien Raffaele Fitto, et un commissaire, le Hongrois Oliver Varhelyi. Cette nouvelle donne est source de tensions au sein de la coalition.
Von der Leyen n'a pas eu le choix d'accepter ces commissaires, leur désignation étant une prérogative des gouvernements nationaux. Par contre, comme l'a relevé la vice-présidente du Parlement, Sophie Wilmès (MR), "elle pouvait s'abstenir de désigner Raffaele Fitto à la vice-présidence". Cette manœuvre a servi à garantir le soutien de la première ministre italienne post-fasciste Giorgia Meloni.
"La première grande réalisation de la Commission sera une boussole de la compétitivité."
Rétablir la compétitivité
Troisième constat: la nouvelle Commission est marquée du sceau de la compétitivité. La liberté et la souveraineté de l'UE dépendent "plus que jamais" de sa "puissance économique", a souligné Ursula von der Leyen.
"La première grande réalisation de la Commission sera une boussole de la compétitivité", a-t-elle annoncé. Cet instrument sera basé sur le rapport de Mario Draghi pour relancer la compétitivité de l'Europe, avec pour objectifs de réduire le fossé avec les États-Unis et la Chine, développer une économie décarbonée et garantir la sécurité de l'UE. La croissance des start-ups et leur accès au capital européen sera une priorité majeure.
Ursula von der Leyen a insisté sur la nécessité d'augmenter les dépenses de défense, face à la menace russe. "La Russie dépense jusqu'à 9% de son PIB dans la défense. L'Europe dépense en moyenne 1,9%. Il y a quelque chose qui ne va pas dans cette équation", a-t-elle dit.
Une "majorité élastique"
Quatrième constat: pour dépasser les tensions au sein de sa coalition, la présidente a su tirer parti du capital de confiance dont elle jouit auprès de nombreux députés et de dirigeants européens, toutes tendances confondues, grâce à la solidité du bilan de son premier mandat.
Elle s'est aussi appuyée sur le travail du fond du chef de file du PPE, Manfred Weber, l'artisan de la plateforme centriste composée du PPE, du S&D et de Renew, qui s'élargira, selon les dossiers législatifs, aux conservateurs de l'ECR et aux Verts européens.
Cette "majorité élastique" permettra de dépasser les dissensions internes des partis européens, plus fréquentes que dans un Parlement national. Le dispositif a le mérite d'être clair. "Je travaillerai toujours à partir du centre", a promis von der Leyen.
"Pas de chèque en blanc"
"Le oui ne sera pas un chèque en blanc", a averti la socialiste Iratxe García Perez (S&D), dont le groupe est déchiré par la désignation de Raffaele Fitto.
On le voit, cette majorité est fragile. Mais le PPE a tout fait pour garder un contrôle total sur le Parlement. Si les partis progressistes lui font défaut, il se tournera vers une majorité alternative réunissant les conservateurs et l'extrême droite. Cette "majorité Venezuela" s'est déjà formée deux fois, lors du vote d'une résolution sur le Venezuela et du report du règlement sur la déforestation.
"C'est notre devoir de rappeler quelles sont les lignes rouges, pour aujourd'hui et demain."
Les députés rebelles
Cinquième constat: des députés rebelles de la coalition se sont écartés de la consigne de vote de leur groupe, un exercice dans lequel les Belges se sont distingués. Il faudra en tenir compte pour la suite de la législature.
Les trois élus MR, Sophie Wilmès, Benoît Cassart et Olivier Chastel, et le centriste Yvan Verougstraete (Les Engagés), n'ont pas digéré la désignation de Raffaele Fitto à la vice-présidence. Ils se sont abstenus lors du vote, contrairement aux autres élus de leur groupe, Renew, dirigé par la Française Valérie Hayer.
"C'est notre devoir de rappeler quelles sont les lignes rouges, pour aujourd'hui et demain", a tranché Yvan Verougstraete.
Pour la même raison que les libéraux, les socialistes Elio Di Rupo et Estelle Ceulemans ont voté contre von der Leyen II. Les socialistes français ont fait de même, tandis que les élus du SPD allemand se sont abstenus.
"Pourquoi avoir intégré Fratelli d'Italia? Rien ne vous y obligeait, et nous nous y opposerons", a déclaré le socialiste Français Raphaël Glucksmann.
Le PPE, la première famille politique d'Europe, compte aussi des députés rebelles. Les espagnols du PP n'ont pas approuvé la Commission en raison de la désignation de la socialiste Teresa Ribera à la vice-présidence, sur fonds de profondes divergences liées aux inondations à Valence. Les Slovènes se sont aussi opposés.
Les Verts et ECR "loyalistes"
Les Verts sont apparus divisés. Une majorité de 28 députés écologistes a voté oui pour soutenir le Pacte vert. Ce groupe de "loyalistes" aura un rôle clé à jouer lors de cette législature. "Nous voulons pouvoir protéger ce projet européen qui est le nôtre", a plaidé l'Allemande Terry Reintke. Par contre, Saskia Bricmont (Ecolo) a voté contre.
Au sein des conservateurs (ECR), 33 députés, dont ceux de la N-VA et Fratelli d'Italia, ont approuvé von der Leyen II. Ils joueront un rôle décisif, selon les dossiers législatifs. 39 autres, plus radicaux, comme le PiS, les élus roumains et les Suédois, ont voté contre.
"Vous avez sûrement gagné cette élection, mais nous vous ferons perdre tout le reste."
Le non des extrêmes
Sans surprise, les partis d'extrême droite, l'Europe des nations, dont fait partie l'AfD allemand, et Les patriotes pour l'Europe, présidés par Jordan Bardella (RN), ont voté non. Tout comme la gauche radicale (GUE), le groupe du PTB Marc Botenga, remontée contre von der Leyen pour son soutien à Israël après le massacre du 7 octobre.
"Vous avez sûrement gagné cette élection, mais nous vous ferons perdre tout le reste", a lancé la Française Sarah Knafo (ENS, Reconquête) à Ursula von der Leyen.
Les plus lus
- 1 La N-VA veut doubler le précompte mobilier sur l'épargne
- 2 "Je sais ce que je fais", assure Guillaume Boutin, le CEO de Proximus, interrogé par le Parlement
- 3 Les banques privées belges gèrent plus de 500 milliards d’euros de patrimoine
- 4 Jean-François Tamellini (FGTB): "Ce gouvernement va casser la dynamique de l’emploi en Wallonie"
- 5 L'actuel et l'ancien président du CPAS d'Anderlecht snobent la Chambre