Comment le Rassemblement National a réussi une telle percée
Le Rassemblement National (RN) a déjoué tous les pronostics pour décrocher 89 sièges à l'Assemblée nationale française. Analyse avec Benjamin Biard (Crisp).
Surprise! Le Rassemblement National de Marine Le Pen a décroché 89 sièges dans la nouvelle Assemblée française, alors que les sondages lui attribuaient entre 20 à 50 députés. En 2017, il n'avait réussi à en faire élire que 8...
Désormais, le RN sera donc représenté à l'Assemblée par un groupe, ce qui ne lui était arrivé qu'une seule fois, en 1986, quand ce qui s'appelait encore le Front National était représenté par trente-cinq députés. Ce groupe sera dirigé par Marine Le Pen, qui va quitter la présidence du parti.
Les raisons du succès
"Suite à un effort de dédiabolisation, normalisation entrepris par Marine Le Pen, de plus en plus de Français ne considèrent plus que ce parti représente un danger pour la démocratie."
Mais comment expliquer le succès de cette extrême droite? Benjamin Biard, chercheur au Crisp (Centre de recherche et d'information sociopolitiques), voit quatre éléments.
"Suite à un effort de dédiabolisation, normalisation entrepris par Marine Le Pen, de plus en plus de Français ne considèrent plus que ce parti représente un danger pour la démocratie. Il suffit de voir les duels au second tour. Lorsque le RN affrontait la coalition de gauche Nupes, il a été favorisé."
Autre explication, l'effondrement du front républicain. "Par le haut et par le bas, précise Benjamin Biard. Par le haut parce que différents candidats n'ont pas été aussi clairs que par le passé par rapport au Rassemblement National. Du côté de la Nupes, certains sont restés discrets ou ont opté pour le 'ni ni': ni Macron ni le RN. Et par le bas parce que de plus en plus d'électeurs ne suivent plus les consignes de vote des leaders partisans."
"De plus en plus d'électeurs ne suivent plus les consignes de vote des leaders partisans."
Le quinquennat précédent d'Emmanuel Macron a aussi laissé des traces. "Il y a un rejet véritable des listes présidentielles, une volonté de rééquilibrer le résultat de la présidentielle. Et le rejet de la classe politique favorise le choix du populisme."
Enfin, durant la campagne, le thème du pouvoir d'achat s'est imposé et Marine Le Pen a réussi à s'en saisir avec succès, tenant à l'écart les habituelles rengaines de l'extrême droite concernant l'immigration et l'insécurité.
Quelle influence?
Ce succès va bien sûr peser sur la politique française. "Le RN n'avait plus que six élus à la fin de la législature, note Benjamin Biard. Cela le rendait peu visible. Aujourd'hui, il devient la troisième formation politique, la deuxième de l'opposition. Il va pouvoir exercer une pression. Il va être plus présent à la télévision, sur les réseaux sociaux. En France, il n'y a pas de cordon médiatique ni politique, comme en Belgique. Tout cela va permettre du renouvellement en interne et le parti va sans doute avancer dans sa stratégie de 'normalisation'. On ne peut pas exclure qu'à l'Assemblée, le RN pèse dans un sens ou dans l'autre pour faire passer certains textes."
"Le RN pourra accroître son potentiel d'influence, et donc accentuer le danger potentiel pour la démocratie."
Ce poids pris dans l'Assemblée nationale va aussi apporter des aides financières publiques importantes pour ce parti qui est fortement endetté. "Cela va lui donner la possibilité de rebondir pour mieux s'ancrer à travers la France, alors qu'il vient déjà de réussir à s'imposer ailleurs que dans ses fiefs historiques", note Benjamin Biard. "Le RN pourra accroître son potentiel d'influence, et donc accentuer le danger potentiel pour la démocratie."
De là à imaginer un prochain président français issu des rangs du Rassemblement National? "Énormément de choses peuvent encore changer d'ici à cinq ans, tempère le chercheur du Crisp. Il va falloir conserver de la cohérence au sein du parti, qui risque de connaître de nombreuses frictions."
Avec ses 89 députés élus, le parti d'extrême-droite Rassemblement National devient le premier groupe d'opposition à l'Assemblée... Sauf si, comme le propose Jean-Luc Mélenchon ce lundi, la coalition Nupes forme un groupe unique autour de ses 150 représentants élus.
Hypothèse fissa refusée par le Parti socialiste, EELV et le PCF, estimant que l'accord de coalition signé début mai prévoyait des groupes distincts. "Il n'a jamais été question d'un groupe unique. Il y aura un groupe socialiste à l'Assemblée nationale", a notamment déclaré Pierre Jouvet, porte-parole du PS
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