L'espionnage et la propagande russes progressent, sanctions européennes en vue
L'UE discute lundi de nouvelles sanctions contre le régime russe, suite à l'emprisonnement du chef de l'opposition Alexeï Navalny. Les relations entre les deux blocs se dégradent, alors que les activités d'espionnage russe en Europe s’intensifient, selon une note diplomatique.
Après la chute du mur de Berlin, les dirigeants européens s'étaient mis à rêver d'une Europe "allant de Lisbonne à Vladivostok". L'expression, tirées d'un ancien discours du général de Gaulle, fut reprise par Angela Merkel, Vladimir Poutine, et, plus récemment, Emmanuel Macron. Qu'en reste-t-il, trente ans plus tard? "L'Europe et la Russie s'éloignent l'un de l'autre". Tel est le constat inquiétant dressé par le chef de la diplomatie européenne Josep Borrell, après sa visite officielle à Moscou début février.
L'Espagnol est reparti les mains vides, alors qu'il était venu réclamer la libération du chef de l'opposition russe, Alexeï Navalny ou au moins une rencontre avec lui. Une erreur stratégique, que le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov, implacable, lui a fait payer en expulsant au deuxième jour de sa visite trois diplomates européens accusés d'avoir "participé" aux manifestations de l'opposition.
"L'Europe et la Russie s'éloignent l'un de l'autre."
Cet incident est le dernier épisode d'un bras de fer que se livrent l'UE et la Russie depuis plusieurs années. La dégradation des relations entre les deux blocs s'est accélérée depuis l'annexion de la Crimée par la Russie et la guerre en Ukraine.
Selon plusieurs sources diplomatiques, Moscou, se sentant menacé par l'expansion européenne et de l'Otan, mène une "guerre hybride" visant à déstabiliser l'UE par des opérations de propagande et de désinformation, en hausse durant la pandémie, et répertoriées sur le site "EU vs Disinfo" de la Commission européenne. Parallèlement à cette propagande 2.0, l'armée russe se livre à de fréquentes incursions dans les espaces aérien et maritime européens, le plus souvent via les pays baltes, pour tester les défenses de l'Otan.
Une douzaine d'espions russes expulsés en un an
Cette "guerre hybride" se prolonge dans les capitales européennes, où l'activité des services du FSB, les services de renseignement russes, est en recrudescence, d'après un document diplomatique obtenu par L'Echo. Une douzaine d'espions russes, agissant le plus souvent sous couvert d'activités diplomatiques, ont été expulsés l'an dernier, précise cette note.
Le 24 août, l'Autriche expulsait un officier des services de renseignements russes pour espionnage industriel. Le 19 août, la Norvège signifiait à Moscou que le diplomate Aleksandr Stekolshchikov était devenu "persona non grata" en raison d'activités "incompatibles avec sa fonction".
Le 10 août, la Slovaquie expulsait trois diplomates russes liés par certains rapports à l'assassinat à Berlin du Géorgien d'origine tchétchène Zelimkhan Khangoshvili, ancien commandant militaire tchétchène.
En juillet, la Bosnie-Herzégovine bloquait l'arrivée du diplomate russe Vladislav Filipov en raison de ses activités d'espionnage en Albanie.
En juin, la police tchèque arrêtait un diplomate russe qui venait d'acheter des munitions utilisées par l'Otan pour une arme de sniper. Le même mois, la Tchéquie expulsait deux diplomates russes soupçonnés d'un complot d'empoisonnement.
En janvier, la Bulgarie expulsait deux officiers des renseignements russes qui seraient liés à l'empoisonnement de l'homme d'affaires bulgare Emiliyan Gebrev.
À Bruxelles, siège des institutions de l'UE et de l'Otan, environ 200 espions russes seraient à l'œuvre, selon une source du service de sécurité interne au Service européen d'action extérieure (SEAE) citée par le journal allemand Die Welt. Seule la Chine dépasse ce nombre, avec environ 250 espions en activité.
L'UE discute de nouvelles sanctions
Les ministres européens des Affaires étrangères discuteront lundi de nouvelles sanctions contre la Russie, suite à l'emprisonnement d'Alexeï Navalny. De telles mesures avaient déjà été prises après son empoisonnement au Novitchok en août. La question fait partie d'un débat stratégique plus large sur les violations des droits humains en Russie.
"L'atmosphère a changé depuis la visite de Josep Borrell à Moscou."
Josep Borrell pourrait proposer lors de cette réunion un nouveau régime de sanctions contre certains dignitaires russes, basé pour la première fois sur la loi Magnitski sur les sanctions individuelles en cas de violations des droits humains. La Belgique y est favorable. "L'atmosphère a changé depuis la visite de Josep Borrell à Moscou", dit un diplomate européen.
Tancé par certaines capitales après sa visite à Moscou, Josep Borrell fait profil bas. Pourtant, les raisons de cet échec sont à trouver dans les divisions intraeuropéennes. Certains pays, comme la Hongrie et Chypre, soutiennent Moscou, tandis que la France et l'Allemagne sont incapables de définir une ligne commune. Berlin est tiraillé entre ses intérêts énergétiques avec la Russie, via Nord Stream 2, et les violations des droits humains par un régime qui emprisonne ses opposants.
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