L'Europe au chevet de la Grèce, qui repousse les demandeurs d'asile
Alors que le Président turc promet à l'Europe l'arrivée de demandeurs d'asile par "millions", la Grèce emploie la manière forte pour empêcher l'exode. Avec le soutien des principaux responsables de l'Union européenne.
Il aura fallu attendre Angela Merkel, ce lundi, pour entendre une voix européenne répondre clairement à Ankara. Il est "inacceptable" que les dirigeants turcs expriment leur mécontentement "sur le dos des réfugiés", a-t-elle déploré. Après la décision des autorités turques, vendredi, de rouvrir les portes de l’exode vers l’Europe, certains des principaux dirigeants européens, de Charles Michel à Ursula von der Leyen, en passant par Emmanuel Macron, avaient concentré leur communication sur le sort de la Grèce et la protection des frontières de l’Union, se gardant de toute attaque directe à l'encontre d'Ankara comme de tout élan de compassion envers le sort des demandeurs d'asile.
"Il est inacceptable que le président Erdogan et son gouvernement expriment leur mécontentement sur le dos des réfugiés."
"Push-back" grec
Face à l’afflux soudain de migrants, le gouvernement grec de Kyriákos Mitsotákis (chrétien-démocrate) a purement et simplement fermé la frontière. Cordons policiers et gaz lacrymogène ont accueilli une partie des demandeurs qui tentaient de passer la frontière terrestre. Et des images diffusées par la Turquie montrent des garde-côtes grecs repousser une embarcation pneumatique pleine de migrants, hommes, femmes et enfants.
Edito | L'Europe d'Orban
"Le droit européen ne fournit pas de base légale pour la suspension de la réception de demandes d'asile."
Interrogée lors de son point presse quotidien sur la légalité de la fermeture de la frontière grecque, la Commission européenne a éludé, se bornant à indiquer avoir "confiance dans les autorités grecques pour qu'elles agissent de la bonne manière". Selon le haut commissariat aux réfugiés des Nations unies (UNHCR) pourtant, ni la Convention de Genève sur le statut de réfugié ni le droit européen "ne fournit de base légale pour la suspension de la réception de demandes d'asile". Le droit européen garantit le principe de non-refoulement: un demandeur d’asile doit pouvoir déposer sa demande et la voir traitée de manière individuelle.
Accord en péril
Le Président turc affirmait lundi qu’au cours du weekend, "des centaines de milliers" de personnes s’étaient dirigées vers l'Europe, et ajoutait que "bientôt, ce nombre s'exprimera en millions". Rien ne permettait lundi de confirmer de tels ordres de grandeur. Dimanche, l’Organisation internationale pour les migrations avait recensé quelque 13.000 personnes à la frontière terrestre entre la Turquie et la Grèce.
"Le nombre de ceux qui se sont dirigés vers l'Europe a atteint les centaines de milliers. Bientôt, ce nombre s'exprimera en millions."
Suite à une déclaration commune adoptée en mars 2016, les autorités turques empêchaient jusqu'à vendredi dernier les départs de migrants depuis leur sol vers l’Union européenne. Celle-ci s'était engagée de son côté à débourser 6 milliards de dollars pour financer des projets d’accueil des réfugiés en Turquie, alors que le pays compte quelque 3,7 millions de réfugiés syriens. Quatre ans plus tard, 3,2 milliards ont effectivement été versés, selon la Commission européenne. Et la réouverture des frontières turques n’est pour l’heure pas considérée comme une rupture de cet accord politique – la Commission européenne indique qu’elle poursuit sa mise en œuvre et qu’elle attend qu’Ankara (re)fasse de même.
Le "chantage" d’Ankara
Mais le ton, en Turquie, n’était pas à la recherche de conciliation. Fahrettin Altun, le directeur de la communication de la présidence turque, a résumé dans une chaîne de tweets l'explication officielle du revirement de la Turquie: l’absence de soutien dans ses opérations en Syrie, et l’arrivée annoncée d’une nouvelle vague de réfugiés de la région d’Idlib. "Nous ne pouvons pas accueillir de nouveaux flux de réfugiés s’il n’y a pas de sérieux partage du fardeau", affirme Ankara, ajoutant n’avoir "plus de patience pour la rhétorique vide et le manque de soutien tangible" alors que "nos forces sont visées sur le terrain".
Lire aussi | Turquie: "Déjà 75.000 migrants vers l'UE"
"Nous devons soutenir la Grèce et combattre ensemble le chantage d'Erdogan."
La réouverture des frontières est intervenue après la mort de 33 militaires turcs dans la ville Syrienne d'Idlib, qui fait l'objet d'une intense campagne de reconquête de la part du régime de Damas, soutenu par la Russie. Le mouvement est interprété par certains comme une tentative de chantage pour pousser les Européens à soutenir Ankara dans ce conflit. "Nous devons soutenir la Grèce et combattre ensemble le chantage d'Erdogan", a réagi l'eurodéputé libéral Guy Verhofstadt, pour qui cela passe par la mise en place de "la politique migratoire européenne complète que nous demandons depuis le printemps 2015."
Ce mardi, les trois présidents de l’Union, Ursula von der Leyen (Commission), Charles Michel (Conseil) et David Sassoli (Parlement) se rendent en Grèce pour marquer le caractère "européen" du défi qui se pose à Athènes, avant une réunion extraordinaire des ministres européens de l'Intérieur, mercredi, censée adopter des mesures de soutien concrètes.
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