La Suède rejoint officiellement l'Otan ce jeudi: comprendre les enjeux en 5 questions

Ça y est: la Suède, longtemps réticente à attiser les foudres de Moscou, franchit officiellement le pas pour devenir ce jeudi le 32ᵉ membre de l'Otan. Un événement majeur dans l'histoire du pays. Le Premier ministre suédois, Ulf Kristersson, se trouve actuellement à Washington, où il remettra les documents de ratification au secrétaire d'État américain Antony Blinken. Le drapeau suédois flottera désormais devant le siège bruxellois de l'Otan, symbole tangible de cette adhésion historique.

Il s'agit d'une décision historique, après deux siècles de neutralité et de non-alignement militaire. Historiquement, malgré leur proximité militaire avec les États-Unis en raison de leur appartenance à l'Union européenne, la Suède et la Finlande ont choisi de rester en dehors de l'alliance formée pendant la Guerre froide contre l'Union soviétique.

Pourquoi la Suède est-elle sortie de sa neutralité historique?

Au début du XIXe siècle, suite à des défaites traumatisantes pendant les guerres napoléoniennes et perdant notamment des territoires comme la Finlande, sous contrôle russe, la Suède a opté pour une politique de neutralité. Ce qui lui a permis de ne pas avoir été impliquée dans un conflit armé depuis sa dernière guerre avec la Norvège en 1814.

Durant la Guerre froide, cette neutralité a aussi permis des relations équilibrées avec l'Ouest et l'Est. Cependant, après la chute de l'URSS, la Suède et la Finlande se sont tournées vers l'Ouest, bien que leur neutralité militaire soit restée. L'invasion de la Crimée par la Russie en 2014 et sa guerre en Ukraine ont changé la donne, suscitant des préoccupations en Suède et en Finlande quant à une redéfinition des frontières. Depuis lors, un mouvement en faveur de l'adhésion à l'Otan s'est développé dans les deux pays.

Pourquoi l'adhésion de la Suède à l'Otan a-t-elle pris du temps à être validée par Ankara et Budapest?

Le processus d'adhésion de la Suède à l'Otan n'a pas été sans heurts, entraînant des négociations prolongées avec certains membres de l'Alliance, notamment la Turquie et la Hongrie. Ankara a exprimé des préoccupations concernant la présence de militants kurdes réfugiés en Suède, tandis que Budapest a exigé un "respect" de la part de Stockholm.

Ces obstacles ont ralenti le processus d'adhésion pendant près de deux ans, alors que la Suède avait annoncé sa candidature en mai 2022, en même temps que la Finlande, admise en avril dernier. Mais le 23 janvier, après des mois de tractations, le Parlement turc a ratifié l'adhésion de la Suède dans l'Otan. Pour répondre aux demandes d'Ankara, la Suède a dû modifier sa Constitution et adopter une nouvelle loi antiterroriste, suite aux accusations de la Turquie selon lesquelles le pays nordique était trop clément envers les militants kurdes réfugiés sur son territoire. De plus, le président turc Recep Tayyip Erdogan a conditionné la ratification d'Ankara à l'approbation "simultanée" par le Congrès américain de la vente d'avions de chasse F-16 à la Turquie.

Ne manquait donc plus que le consentement de la Hongrie. Finalement, le 23 février dernier, le Premier ministre hongrois, Viktor Orban, a confirmé que son pays lèverait le dernier obstacle à l'adhésion après que le pays nordique a accepté de vendre des avions de chasse à Budapest.

Quelles ont été les réactions de la Russie à l'adhésion de la Suède à l'Otan?

L'adhésion de la Suède, après celle de la Finlande l'an dernier, signifie que tous les pays bordant la mer Baltique, à l'exception de la Russie, sont désormais membres de l'Alliance atlantique. Or depuis 2014, l'expansion de l'Otan est considérée comme l'une des "principales menaces extérieures" dans la doctrine militaire de la Russie, un document déterminant la politique de défense du pays. L'intervention militaire de la Russie contre l'Ukraine en février 2022 est d'ailleurs largement perçue comme une tentative visant à empêcher l'adhésion de l'Ukraine à l'Alliance atlantique.

Il n'est donc pas surprenant que l'adhésion de la Suède à l'Otan ait suscité de fortes réactions de la part de la Russie. Moscou a ainsi promis des "contre-mesures de nature politique et militaro-technique afin de minimiser les menaces qui pèsent sur sa sécurité nationale".

Leur teneur "dépendra des conditions et de l'ampleur de l'intégration de la Suède à l'Otan, y compris du déploiement éventuel dans ce pays de troupes, de moyens et d'armes" de l'Otan, a ajouté la représentation diplomatique russe, relayée par l'AFP.

Quelle est la signification géopolitique de cette adhésion?

L'adhésion de la Suède à l'Otan a des implications géopolitiques importantes, notamment pour les pays bordant la mer Baltique. Cette décision renforce la présence de l'Alliance atlantique dans la région et peut avoir des répercussions sur l'équilibre des pouvoirs en Europe du Nord.

"C'est à la Suède qu'il appartient de faire un choix souverain sur sa politique de sécurité. Dans le même temps, l'entrée de la Suède dans une alliance militaire hostile à la Russie aura des conséquences négatives sur la stabilité en Europe du Nord et autour de la mer Baltique qui reste notre espace commun" et qui ne deviendra jamais un "lac de l'Otan", a ainsi martelé la diplomatie russe sur Telegram.

Quel est l'impact de cette adhésion sur la politique de défense et de sécurité de la Suède?

L'adhésion de la Suède à l'Otan a entraîné un durcissement du discours de ses dirigeants en matière de défense et de sécurité. Des déclarations récentes du commandant en chef des forces armées suédoises, Micael Byden, indiquent que le pays se prépare mentalement à la guerre avec la Russie. "À titre individuel, vous devez vous préparer mentalement. C'est une situation très sérieuse, et la clarté hier était indéniable. Il s'agit maintenant de passer des mots et de la compréhension à l'action", a-t-il affirmé au début de l'année.

"Beaucoup l'ont dit avant moi, mais laissez-moi le dire avec la force de mon poste – il pourrait y avoir une guerre en Suède", avait déjà prévenu Carl-Oskar Bohlin, ministre suédois de la Défense civile.

Du côté de la population suédoise, selon un sondage de la radio SR diffusé vendredi, une majorité de citoyens admettent que la sécurité de la Suède s'est renforcée avec cette adhésion, tout en estimant que leur pays a fait de "trop de sacrifices" pour devenir membre de l'Otan. En outre, la Suède a signé début décembre un accord autorisant les États-Unis à avoir accès à 17 bases militaires sur son sol.