Malgré les promesses, l'huile de palme continue de détruire la forêt tropicale
Malgré les engagements des grandes marques à découpler la production d’huile de palme de la destruction de forêts primaires, le déboisement se poursuit, dénonce l’ONG Greenpeace après deux ans d’enquête.
La polémique franco-italienne avait défrayé la chronique en 2015: "Il faut arrêter de manger du Nutella, parce que c’est de l’huile de palme", avait plaidé Ségolène Royal sur un plateau de télévision à une heure de grande écoute. Le séisme diplomatique qui s’en est suivi a forcé la ministre française de l’Environnement à retirer son propos: "Mille excuses pour la polémique." Deux ans après, le problème qu’elle épinglait maladroitement reste plus aigu que jamais: malgré la mobilisation générale contre la déforestation annoncée au tournant de la décennie, la filière continue de faire des ravages, dénonce l’organisation internationale de défense de l’environnement Greenpeace. En poursuivant la destruction de forêts primaires, la production d’huile de palme alimente une double crise d’ampleur globale: le réchauffement climatique et la perte de biodiversité. La déforestation est tenue responsable de 12% des émissions de gaz à effet de serre d’origine humaine, et la Nasa estime qu’au rythme actuel de déforestation les forêts tropicales auront disparu en un siècle.
"Il faut arrêter de manger du Nutella, parce que c’est de l’huile de palme."
Greenpeace épingle plusieurs grandes firmes pour leur responsabilité. "Les fournisseurs d’huile de palme des plus grandes marques, dont Unilever, Nestlé, Colgate-Palmolive et Mondelez (Côte d’Or…), ont détruit une surface de forêt tropicale de près de deux fois la taille de Singapour au cours des trois dernières années", affirme l’ONG. Son rapport ("Final Countdown") documente les déforestations pratiquées par 25 producteurs, pour la plupart liés au premier revendeur mondial Wilmar International, responsables de la destruction de plus de 130.000 hectares de forêts et tourbières depuis 2015.
Retrouvez notre éditorial: "Les yeux grands fermés"
Alors que l’écrasante majorité de l’huile de palme passe au travers d’entreprises qui se sont engagées à protéger les forêts tropicales d’Indonésie et de Malaisie, "le lien avec la déforestation n’est pas l’exception, c’est encore la règle", indique Filip Verbelen, spécialiste de la protection des forêts chez Greenpeace Belgique. Car en 2010, dans le contexte de la conférence climatique de Cancun, le secteur s’est engagé à briser sa dépendance à la déforestation pour 2020. "Il ne leur reste qu’environ 500 jours, or notre enquête a montré qu’ils n’ont même pas vraiment commencé à réaliser cette promesse", poursuit Verbelen. Qui ajoute à la liste des multinationales encore trop peu regardantes quelques noms belges, comme le plus grand consommateur d’huile de palme du pays, Vandemoortele (qui n’a pas répondu à notre demande de réaction) ou encore des enseignes comme Delhaize, Colruyt, Aldi, Lidl et Carrefour, qui emploient cette huile pour les produits de leur marque.
"Les fournisseurs d’huile de palme des plus grandes marques ont détruit une surface de forêt tropicale de près de deux fois la taille de Singapour au cours des trois dernières années."
Les cartes de Wilmar
Même si la plupart des marques et grands acteurs du secteur ont adopté des chartes contre la déforestation, ces entreprises échouent largement à les mettre en œuvre, souligne Greenpeace. Elles échouent dans la plupart des cas à identifier les groupes producteurs dans leurs chaînes d’approvisionnement et à les contrôler dans leurs opérations. "Les marques et revendeurs n’ont pas – et n’exigent pas de leurs fournisseurs – de cartes des concessions qui permettraient de voir si les groupes producteurs qui les fournissent respectent leurs politiques NDPE (pas de déforestation, pas de tourbière, pas d’exploitation (sociale)). Sans cette information, ils n’ont aucun moyen de garantir qu’ils ne s’approvisionnent pas en huile de palme auprès de destructeurs de forêts", souligne l’ONG.
"Ils n’ont aucun moyen de garantir qu’ils ne s’approvisionnent pas en huile de palme auprès de destructeurs de forêts."
Le rapport cible par ailleurs les sociétés de consultance qui soutiennent les entreprises dans la mise en œuvre de leurs politiques anti-déforestation, et dont les audits sont très superficiels, selon Filip Verbelen: "Quand nous faisons des études de cas, on constate la plupart du temps que le label n’est pas fiable."
Contrairement à Ségolène Royal en son temps, l’ONG n’appelle pas au boycott de l’huile de palme et ne s’adresse pas directement au consommateur: elle accentue la pression sur les marques dans l’espoir d’atteindre sa cible première: le géant Wilmar.
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