Joe Biden, la dégringolade
Donné favori pendant des mois, l’ex-vice-président qui jouait la carte "Obama" constate que sa stratégie ne fonctionne pas. En tout cas pas partout: il a encore des chances de l’emporter au Nevada et en Caroline du Sud, grâce au vote des minorités.
Dans les soirées électorales de Bernie Sanders, Pete Buttigieg et Amy Klobuchar, l’heure était aux explosions de joie, mardi, à l’issue de la primaire du New Hampshire. Les partisans de Joe Biden, eux, ont dû se contenter d’un livestream du discours de leur candidat, déjà en Caroline du Sud après avoir déguerpi sans attendre les résultats.
L’ex-vice-président le savait: un bide l’attendait. "S’il arrive à la cinquième place, ça sera très, très difficile pour lui", estimait lundi le politologue Dante Scala, de l’Université du New Hampshire. C’est bien le scénario qui s’est produit, après un score déjà médiocre dans l’Iowa. Ni lui ni Elizabeth Warren n’ont obtenu les 15% nécessaires pour décrocher un délégué en vue de la convention de juillet.
« Je pense que nous allons gagner la Caroline du Sud. Je sais que je suis censé le dire. Mais en fait, je n’en sais rien. »
Le démocrate est donc allé chercher un peu d’amour auprès d’un électorat qui lui semble plus favorable: les Afro-Américains, communauté clé en Caroline du Sud. "J’espère que vous m’aimez autant que je vous aime! A ma mort, j’aimerais être ressuscité à Charleston", a-t-il lancé au sujet de la petite ville côtière du sud. Pas sûr que la formule soit bienvenue - d’autant plus qu’il parlait depuis la capitale, Columbia - pour le septuagénaire dont les performances laissent craindre un effondrement total.
Les prochaines échéances - le Nevada le 22 février et la Caroline du Sud le 29 février - sont censées lui être plus favorables. La population y est moins homogène, contrairement à l’Iowa et au New Hampshire très blancs. Or l’ex-vice-président, qui se targue d’être l’héritier de Barack Obama, compte sur le vote des minorités.
Le vote noir n’est pas acquis
La tâche s’annonce complexe. Bernie Sanders, désormais en tête de la course, a déjà démarré un travail de terrain pour convaincre les Latinos et les Noirs démocrates de voter pour lui. "Nous avons plus d’un tour dans notre sac en vue du Nevada ", a prévenu sa compagne. Quant au soutien des Afro-Américains, rien n’est acquis, selon Quentin James, chef d’un comité politique soutenant les candidats noirs. "Les électeurs noirs sont en train de le délaisser désormais, a-t-il déclaré au site Politico. L’une des principales raisons de leur soutien tenait au fait qu’ils jugeaient que Biden était la meilleure personne pour battre Trump. Et ils pensaient cela en partie car il avait le soutien des Blancs. Ils ont désormais vu sa piètre performance auprès des Blancs et il semble qu’il ne soit plus le candidat le plus à même de gagner."
Ni Joe Biden ni Elizabeth Warren n’ont obtenu les 15% nécessaires pour décrocher un délégué en vue de la convention de juillet.
Joe Biden a encore d’autres obstacles sur sa route. Dans son propre camp, celui des démocrates modérés, il a été écrasé dans les urnes. Le jeune Pete Buttigieg est arrivé à moins de 1,5 point d’écart de Bernie Sanders mardi. "Mon second choix serait Buttigieg si Biden n’y arrivait pas, estime Matt Stenborn, un supporter de 26 ans à l’enthousiasme relatif, interrogé lundi dans le New Hampshire. Je le vois comme un nouvel Obama." Et la sénatrice du Midwest Amy Klobuchar a frôlé les 20 % des voix, soit plus du double du score de Joe Biden. Sans oublier le milliardaire Michael Bloomberg, qui mise sur sa fortune et une dispersion du vote pour chambouler la course.
En public, la campagne de celui qui faisait figure de favori se montre optimiste: "tout n’est pas perdu, laissez-nous un peu de temps", semble implorer son équipe. En privé, elle est en pleine crise. "C’est affreux. Nous sommes effrayés", déclarait un de ses conseillers à Politico mardi soir. "Je pense que nous allons gagner la Caroline du Sud. Je sais que je suis censé le dire. Mais en fait, je n’en sais rien."
Arrivée troisième dans le New Hampshire, la sénatrice Amy Klobuchar mise sur son expérience et sa capacité à trouver des compromis pour être élue.
Elle a pris son temps mais les résultats commencent à payer. Amy Klobuchar, sénatrice du Massachusetts, a créé la surprise mardi soir en décrochant la troisième place de la primaire du New Hampshire. Avec un score plus qu’honorable, près de 20% des voix. Sa campagne a d’ores et déjà annoncé qu’elle renforçerait ses effectifs.
Comme Pete Buttigieg, elle mise sur son ancrage dans le Midwest. Elle répète qu’elle a été élue dans des territoires républicains, ce qui ferait d’elle la meilleure candidate. "Hello l’Amérique, je m’appelle Amy Klobuchar et je vais battre Donald Trump", a-t-elle lancé à ses supporters, mardi. Son autre atout, selon elle, est son expérience: sénatrice depuis 2007, elle a l’habitude de faire des compromis avec des élus de l’autre bord. "Elle représente un obstacle à surmonter pour Pete Buttigieg", analyse le politologue Dante Scala selon qui "avec un vice-président issu des minorités, Amy Klobuchar pourrait être une alternative viable" à Joe Biden.
Pendant des mois, la candidate centriste était en milieu voire bas de tableau. Sa campagne est montée en puissance petit à petit, avec une percée lors du dernier débat démocrate, vendredi. Elle avait alors accusé Pete Buttigieg de se la jouer "cool nouveau venu" au mépris du travail et de l’expérience de ses rivaux. Son expérience à Washington n’est toutefois pas irréprochable: la sénatrice a la réputation d’être odieuse avec son staff. Des anecdotes ne devraient pas manquer de refaire surface dans les prochains jours.
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