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Spadel et Chaudfontaine se livrent-ils une guéguerre verte?

L'usine d'embouteillage de Chaudfontaine est désormais neutre en émissions grâce, entre autres, à de la géothermie. ©Valentin Bianchi

Les deux producteurs d'eau minérale naturelle multiplient les annonces de réduction des émissions. Se livrent-ils pour autant une lutte sur ce terrain? Ou s'agit-il d'autre chose...

Assiste-t-on à une guéguerre sur le terrain de la communication "verte" entre les producteurs d'eau minérale Spadel et Chaudfontaine en Belgique? À une sorte de course à qui sera le plus durable? On peut se poser la question au vu de leurs récentes annonces... Selon les intéressés, toutefois, il n'en serait rien, toutes les entreprises ayant intérêt, désormais, à batailler ferme... contre elles-mêmes pour réduire leurs émissions. De l'avis d'un expert du secteur de la publicité, cette impression de lutte concurrentielle trouve son explication ailleurs: dans le champ lexical des "minéraliers", par définition très étroit.

Le site d'embouteillage de Chaudfontaine, qui appartient au groupe Coca-Cola Europacific Partners (CCEP) et qui y soutire l'eau minérale naturelle dans le cadre d'un accord de franchise conclu avec Coca-Cola Company, est désormais neutre en émissions de gaz à effet de serre. Il a obtenu la certification ad hoc selon la norme PAS 2060, une norme internationale par la British Standards Institution, pour ses émissions directes (Scope 1, dans le jargon) et ses émissions indirectes liées à l'énergie (Scope 2), mais pas encore pour ses autres émissions (Scope 3), ce qui l'empêche pour le moment de se déclarer neutre carbone au niveau de ses marques. Il entend bien poursuivre ses efforts de réduction, de manière à atteindre ce Graal d'ici 2040.

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Deux semaines plus tôt, son concurrent belgo-belge Spadel faisait savoir qu'il avait décroché le très disputé label B Corp, qui garantit qu'il est vertueux en termes sociaux, environnementaux, de gouvernance et de transparence. Le groupe familial coté avait déjà obtenu, auparavant, le statut de neutralité carbone pour ses marques et ce, aux trois niveaux: Scope 1, 2 et 3. Ajoutons que les deux fabricants compensent encore le trop-plein d'émissions par rapport aux mesures prises, mais qu'ils continuent tous les deux à viser le vrai niveau zéro d'émission à terme.

Heureux de viser le même objectif

Les deux producteurs opèrent en Wallonie au départ de sources naturelles, dans des localisations qu'ils contribuent à protéger, et sont directement concurrents sur le marché. D'où l'idée qu'ils auraient porté leur lutte compétitive sur le terrain de la com' en cherchant à se montrer plus "vert" que l'autre - que les autres.

Achmed Boumrah, le directeur du site de Chaudfontaine, réfute l'analyse: "Non, dans ce cas précis, on doit parler de collègues plutôt que de concurrents car nous faisons tous partie de la solution, dit-il. Nous nous réjouissons que d’autres embouteilleurs se positionnent dans la même direction que nous. Tout le monde est conscient aujourd’hui du problème climatique et nous voulons tous le régler."

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"Dans ce cas précis, on doit parler de collègues plutôt que de concurrents car nous faisons tous partie de la solution."

Achmed Boumrah
Directeur du site d'embouteillage de Chaudfontaine

Chez Spadel, Christophe Scharpé, responsable "corporate affairs", partage cet avis: "C’est une question de perception, mais ce n’est pas notre vision. Si nos concurrents se lancent dans pareilles initiatives, c’est très positif. C’est mieux pour la planète et l’environnement. Nous ne regardons pas ce que font les concurrents, nous avons notre stratégie, mais si d’autres font la même chose, c’est tant mieux. Ces dernières années, un changement est intervenu au niveau des entreprises quant à l’impact environnemental de leurs activités et à leur communication : elles en parlent davantage. Nous, chez Spadel, nous l’avons toujours fait. Tout cela est positif, il n'y a pas de jalousie entre nous!"

"Nous ne regardons pas ce que font les concurrents, nous avons notre stratégie, mais si d’autres font la même chose, c’est tant mieux. "

Christophe Scharpé
Head of corporate affairs, Spadel

Le consommateur en embuscade

Il est aussi de bonne guerre, entre entreprises, de ne pas s'accuser mutuellement ni de dire du mal l'un de l'autre. Rien ne vaut, dès lors, l'avis d'un expert tiers, pour vérifier les arguments des uns et des autres. Pour Eric Hollander, fondateur et président créatif de l'agence de publicité Air, il faut aligner trois éléments de réponse pour se faire une religion.

"Un, la réduction des émissions est devenue un argument majeur pour le consommateur, dit-il. Et c’est une bonne nouvelle par rapport au dernier avertissement lancé par le Giec sur l’urgence climatique. Ces marques vont donc dans le bon sens, quelles que soient leurs motivations. Les consommateurs ont toujours de l’avance sur les marques ; si celles-ci n’empruntent pas les bonnes démarches, les consommateurs les boycotteront."

Deux, il faut évaluer le degré de sincérité de leurs discours. "Si elles racontent qu’elles font un trajet vers la réduction, il faut qu’elles le fassent réellement. Le consommateur ne sera pas dupe et si elles sont prises en flagrant délit de green-washing, le retour du bâton sera immédiat: boycott des produits, etc."

Trois, parler d’eau s'avère toujours compliqué. "Les écologistes et les environnementalistes se demandent si nous avons besoin d’acheter de l’eau en bouteille - en verre ou en plastique ? Ce problème d’emballage interpelle en termes d’environnement. Les marques sont dès lors obligées de montrer patte blanche à la production et de prouver leur valeur ajoutée, de montrer pourquoi leur eau est préférable à l’eau du robinet."

Déplacement du discours

Ce dernier point explique entre autres pourquoi Spadel et Chaudfontaine déploient de tels efforts. On retiendra par exemple les bouteilles en plastique chez ce dernier, qui sont désormais fabriquées en plastique 100% recyclé (rPET) dans une autre usine du groupe en Flandre. Soit une économie de carbone de plus de 44% par rapport à l'utilisation de nouveaux plastiques.

On en arrive à l'essentiel: l'étroitesse du discours commercial possible. "Quand vous parlez d’eau, vous êtes vite dans le fondamental: l’hyper-naturalité, les fondamentaux de la vie (pensez aux bébés des publicités d'Evian…), la revendication de pureté, souligne Eric Hollander. Le champ lexical autour de l’eau est très commun. Tout le monde raconte la même histoire de la nature qui filtre l’eau. Il est difficile de montrer des différences."

"Le champ lexical autour de l’eau est très commun. Tout le monde raconte la même histoire de la nature qui filtre l’eau."

Eric Hollander
Fondateur et creative chairman, agence Air

On n'assisterait donc pas tant à une guerre livrée sur le terrain de la durabilité, qu'au déplacement du discours vers ce domaine. Déplacement qui se produit plus ou moins au même moment, d'où cette impression de parallélisme.

Géothermie et électricité dans les plans de Chaudfontaine

Durement touché par les inondations de juillet 2021, le site de Chaudfontaine a nécessité cinq semaines de travaux avant d'être à nouveau opérationnel. "Mais cela a aussi été une opportunité pour notre plan d'actions de réduction des émissions, souligne son directeur Achmed Boumrah: on a accéléré le remplacement de certains équipements, tels que nos compresseurs, pour des alternatives plus durables."

L'usine a aussi bénéficié des possibilités géothermiques offertes par ses sources. "Après un trajet de plus de 60 ans sous terre et un passage à 1.600 mètres de profondeur, notre eau de source émerge à une température de 37 degrés. En la refroidissant, nous utilisons les calories pour chauffer le hall de production et l'ensemble des bâtiments."

Parmi les autres mesures prises, l'unité achète de l'électricité 100% verte, produit aussi sa propre énergie à l'aide de panneaux solaires, utilise moins de machines au gaz ou en diesel en production. "On a réduit notre consommation d'énergie par litre de produit de 55% et celle de carburant de plus de 65% entre 2006 et 2020."

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L'entreprise compense le solde de ses émissions en soutenant un programme de reboisement à Orinoco, en Colombie, avec la certification de Gold Standard (WWF et consorts).

Ceci dit, le combat se poursuit. "Nous allons continuer de réduire au maximum nos émissions, conclut Achmed Boumrah. Dans nos plans d'actions futures, nous allons notamment adopter des chariots élévateurs électriques: un poste qui fera une belle différence. Et convertir tous nos camions et véhicules en motorisation électrique également."

Le résumé

  • Assiste-t-on à une guéguerre sur le terrain de la communication "verte" entre les producteurs d'eau minérale Spadel et Chaudfontaine en Belgique, tous deux certifiés neutres en émissions?
  • Selon les intéressés, il n'en serait rien, toutes les entreprises ayant intérêt, désormais, à batailler ferme... contre elles-mêmes pour réduire leurs émissions.
  • De l'avis d'un expert du secteur de la publicité, cette impression de lutte concurrentielle trouve son explication ailleurs: dans le champ lexical des "minéraliers", par définition très étroit.
  • Ils se retrouvent tous aujourd'hui poussés vers la communication sur la durabilité, d'où cette impression de parallélisme.

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