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"La Région ne devra plus supporter, seule, les développements de la Sonaca"

Bernard Delvaux, CEO de la Sonaca, juge bénéfique l’éventuelle entrée au capital du fonds Ergon. ©Anthony Dehez

Le groupe d’Albert Frère, à travers son fonds Ergon Capital, a entamé des discussions avec la Région wallonne pour racheter entre 25 et 30% du capital de la Sonaca. L’opération pourrait rapporter 75 millions d’euros à la Région.

L’opération est menée dans le plus grand secret depuis quelques mois. On trouve autour de la table la Région wallonne qui, à travers la SRIW et ses véhicules financiers Fiwapac et Wespavia, détient près de 97% du capital de la Sonaca. En face, les représentants du milliardaire belge Albert Frère. Les discussions portent sur une arrivée d’Albert Frère, à travers son fonds d’investissement Ergon Capital, dans le capital du spécialiste wallon dans la fabrication des bords d’attaque des ailes d’avion.

Une information confirmée dans la journée par le ministre wallon de l'Economie Pierre-Yves Jeholet. Dans un communiqué, il indique que la perspective de l'entrée d'un partenaire privé minoritaire au sein de l'entreprise "n'est pas nouvelle". "Ce dossier nécessite une expertise pointue et est analysé dans le respect scrupuleux des principes de bonne gouvernance", dit-il. Selon lui, pareille transaction ne pourra toutefois s'inscrire que dans un "traitement équitable" de chacune des parties. "Ce qui prime dans ce dossier, c'est l'intérêt de la Wallonie, de son économie, de l'emploi et des perspectives potentielles de développement de la société".

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Une entreprise de plus en plus internationale

Ce projet d’une ouverture du capital de la Sonaca à un actionnaire privé fut déjà étudié en 2011 par l’ancien ministre de l’Économie Jean-Claude Marcourt. Le socialiste avait mandaté à l’époque la banque d’affaires Rothschild afin de l’aider à trouver l’oiseau rare. La Région wallonne, qui détient 97% du capital de la Sonaca à côté de la Société fédérale de participations et d’investissement (3,02%) et la Sabca (0,01%), a été jusqu’à entamer des négociations avec ACE Management, une société de gestion de portefeuilles spécialisée dans le secteur aéronautique. L’opération a cependant été avortée par crainte de voir une partie de l’activité de la Sonaca quitter Gosselies. Bref, la piste du standalone avait jusqu’ici été maintenue.

"La Sonaca réalise 99,9% de son chiffre d’affaires à l’étranger. Est-ce la vocation de la Région wallonne de rester actionnaire?"

Les choses ont cependant pris une tournure très différente en février avec le rachat par la Sonaca de l’américain LMI Aerospace pour 405,5 millions d’euros avec la reprise de la dette de la société américaine. "La société a changé de dimension", explique un proche du dossier qui confirme les discussions entre la Région wallonne et la galaxie Frère. Un autre interlocuteur qui requiert également l’anonymat est plus catégorique: "La Sonaca n’est pas une entreprise publique. C’est une entreprise commerciale internationale avec 99,9% de chiffre d’affaires réalisé à l’étranger. Est-ce la vocation de la Région wallonne de rester actionnaire? Il s’agit d’une évolution logique d’une entreprise commerciale."

Améliorer la gouvernance

L’arrivée d’un actionnaire privé serait donc une suite logique depuis le renforcement de la Sonaca à l’international. "Nous sommes arrivés à un moment pour avoir au sein du conseil d’administration de la Sonaca un partenaire privé habitué à la gestion de groupes internationaux. Ce partenaire privé renforcerait l’expertise présente au conseil d’administration, confronté au défi d’un doublement de taille du groupe Sonaca", estime-t-on.

C’est dans ce contexte qu’arrivent les émissaires d’Albert Frère. "Il y avait déjà eu des contacts avec Ergon Capital par le passé mais c’est vrai que l’opération aux Etats-Unis a réactivé les intérêts et relancé les discussions avec Ergon qui voit de façon positive l’internationalisation de la Sonaca", confirme un initié.

Même si le changement de gouvernement et l’arrivée des libéraux en remplacement des socialistes ont ralenti les négociations, les discussions sont bien avancées entre la galaxie Frère et la Région wallonne seule vendeuse d’une partie de ses parts actuellement. On parle d’un rachat de 25 à 30% des 97% détenus par la Wallonie. "Ergon ne veut visiblement pas se limiter à 10%. Mais la Région wallonne ne va pas aller au-delà des 30%." La Sonaca étant valorisée à 250 millions d’euros, ce rachat représente un montant de près de 75 millions d’euros. "Cela correspond plus ou moins au montant injecté par la SRIW dans l’augmentation de capital suite au rachat de LMI", constate un technicien.

Négocier la sortie de Frère

"Cette opération va permettre à la Wallonie de retrouver des moyens pour financer d’autres opérations."

Le futur actionnaire aurait aussi apporté des garanties. "Il a accepté le fait que la Wallonie demeurerait en tout temps actionnaire majoritaire, et le fait que Gosselies continuerait à être le headquarter, le centre principal des activités de recherche et le siège d’activités de productions significatives, fait-on savoir du côté de la SRIW qui précise que si des discussions sont effectivement en cours, elles n’ont pas été finalisées, et aucune précision ne peut être donnée sur leur contenu." La SRIW voit cependant dans cette opération une manière de récupérer "des moyens pour financer d’autres opérations, voire des consolidations ultérieures dans le secteur de l’aéronautique".

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Il reste maintenant aux différentes parties de s’entendre sur les modalités de sortie du fonds d’Albert Frère. Si rien ne filtre du côté des bureaux du milliardaire, l’objectif d’Ergon Capital serait de rester entre 4 et 5 ans dans le capital de la Sonaca. "Il est important de fixer les modalités de sortie dans une convention d’actionnaires afin de permettre au groupe Frère d’empocher une plus-value correcte d’ici quelques années sans mettre à mal les intérêts de la Région wallonne", reconnaît-on en coulisses.

Qu'en pense Bernard Delvaux?

L’entrée au capital de la Sonaca du fonds Ergon ne peut être que bénéfique, lance Bernard Delvaux, CEO de l'équipementier wallon. De telles révélations ont toutefois forcé l'entreprise à réunir d'urgence ce jeudi matin son conseil d'entreprise. "J’ai confirmé les discussions en cours tout en rappelant que le sujet était dans l’air depuis des mois et que rien n’est encore signé. On verra d’ici quelques semaines si l’actionnaire public et le fonds Ergon arrivent à se mettre d’accord en fin de parcours ou pas."

Il voit toutefois des éléments positifs à l'éventuelle arrivée d'un actionnaire privé:

->  "Elle apporte une autre dynamique dans la gouvernance et au conseil d’administration, même si le public reste majoritaire notamment en matière d’expertise."

-> "Elle apporte aussi une ressource financière. La SRIW nous a bien aidé dans le cadre du rachat de l’américain LMI et avec l’entrée du privé, elle va pouvoir récupérer des moyens financiers qu’elle pourra consentir ailleurs ou nous aider encore dans des investissements technologiques. Les finances publiques étant ce qu’elles sont, ce sera plus agréable pour la Région wallonne de ne plus supporter, seule, nos développements futurs et de le faire avec un privé à ses côtés."

-> Alors que la consolidation du secteur va se poursuivre dans les deux ans à venir, le groupe Sonaca doit être en mesure de saisir les opportunités qui pourraient se présenter.

Que dire de l’échéance sur la sortie du fonds Ergon? "Ces éléments font partie de la discussion entre la Région wallonne et les dirigeants d’Ergon. Comme la Région a décidé de garder le contrôle de l’entreprise, il faudra discuter de ces aspects sur les différentes conditions. Je ne doute pas que tout se fera dans l’intérêt de l’entreprise et du personnel", conclut Bernard Delvaux. 

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