Et soudain, le nucléaire belge redevint beau aux yeux d'Engie
La mort du gazoduc Nord Stream 2 et l'explosion des prix du gaz mettent l'énergéticien français Engie sous pression. Au point de le forcer à revoir sa copie sur la prolongation du nucléaire belge?
Et si Engie n'arrivait pas si fort qu'annoncé dans les négociations avec le gouvernement belge sur la prolongation éventuelle de deux réacteurs nucléaires ? En effet, le 18 mars prochain, l'exécutif devra décider si les récents bouleversements géopolitiques doivent mener au maintien de l'atome, étant donné leur impact sur la sécurité d'approvisionnement en énergie et les niveaux de prix observés dans le pays.
Le "Plan A", et la sortie complète de l'atome, a effectivement perdu de sa superbe depuis quelques semaines, et il y a peu de doute que la décision du 18 mars visera à renforcer l'indépendance énergétique du pays, à travers la prolongation d'au moins deux réacteurs nucléaires. Mais pour pouvoir actionner cette modification in extremis du programme, il faudra pouvoir compter sur le bon-vouloir du propriétaire et exploitant des centrales, l'énergéticien français Engie, qui a répété depuis belle lurette que la décision du gouvernement arrivait trop tard et que la prolongation ne faisait plus partie de ses plans. Mais ça, c'était avant la guerre.
Nord Stream 2 et flambée du gaz
À Paris, au quartier général d'Engie, l'heure est à l'inquiétude profonde. Depuis le début de la guerre en Ukraine, le titre du groupe a chuté de près de 20%. Et pour cause, Engie entretient des relations étroites avec la Russie pour assurer son approvisionnement en gaz.
D'abord, rappelons que le groupe avait misé gros sur Nord Stream 2, le projet de pipeline hautement controversé censé acheminer le gaz russe vers l'Allemagne, depuis suspendu et visé par des sanctions européennes empêchant sa mise en service. Ce gazoduc, Engie l'a financé à hauteur de 987 millions d'euros à travers sa participation dans Nord Stream 2 AG, le consortium chargé de son opération et mené par le géant Gazprom, aujourd'hui en passe de déposer le bilan.
Mais en plus de perdre sa mise sur Nord Stream 2, Engie risque d'être impacté par d'éventuelles sanctions additionnelles sur les infrastructures russes ou, pire, par une éventuelle fermeture des robinets par Vladimir Poutine. Comme le révèle le quotidien français Les Echos, Engie détient aussi 9% des parts du gazoduc Nord Stream 1 qui, s'il ne fait pas encore l'objet de sanctions, présente tout de même un risque significatif de mise à l'arrêt.
En outre, le spectre d'une rupture soudaine des approvisionnements russe plane sur le groupe, puisqu'il le mettrait en situation de devoir se fournir en urgence en gaz sur les marchés de gros, qui connaissent une explosion inédite actuellement. Toujours selon Les Echos, le surcoût pour Engie pourrait alors s'élever entre 3 et 5 milliards d'euros.
Recentrage stratégique
La guerre et la flambée des prix du gaz semblent dès lors heurter de plein fouet le plan de "recentrage stratégique" initié par le président du conseil, Jean-Pierre Clamadieu, et démarré par la directrice générale, Catherine MacGregor, l'an dernier. Par ce plan, Engie devait devenir un véritable champion énergétique, centré sur le gaz, les renouvelables et les infrastructures, débarrassé des services annexes et... du nucléaire belge.
Le gouvernement, de par son incapacité à décider et à respecter les échéances industrielles, avait offert une voie royale à Engie (et une bonne excuse) pour se débarrasser de l'atome.
Malmené par les indisponibilités, cadenassé par le gouvernement belge et plombé par les coûts du démantèlement, le nucléaire belge était passé, aux yeux de la direction d'Engie, de vache à lait du groupe à un véritable canard boiteux dont on souhaite se séparer. Et le gouvernement, de par son incapacité à décider et à respecter les échéances industrielles, lui avait offert une voie royale (et une bonne excuse) pour se débarrasser de l'atome.
Sauf que voilà, le monde a changé. Et, alors que tous les observateurs s'accordaient pour dire que le gouvernement devrait "se mettre à quatre pattes" pour convaincre Engie de prolonger ses unités, les récents coups durs connus par l'énergéticien pourraient bien équilibrer les négociations.
Qualifiée d'"impossible techniquement" par la direction du groupe il y a quelque mois à peine, il semblerait que la prolongation du nucléaire ait regagné en crédibilité. Jusqu'à un nouveau bouleversement de l'ordre mondial?
- L'énergéticien français Engie est fortement impacté par la guerre en Ukraine et la flambée des prix du gaz.
- Ces risques sur son segment "gaz" pourrait bien influer sur sa position dans les négociations avec le gouvernement belge sur la prolongation du nucléaire.
- La décision de prolongation ou de sortie complète de l'atome est attendue pour le 18 mars prochain.
Les plus lus
- 1 Paul Magnette (PS): "Le budget de l'Arizona est une supercherie"
- 2 Trump brouille les cartes sur d'éventuelles négociations de paix en Ukraine, avant de rencontrer Poutine
- 3 La mathématicienne belge Daubechies reçoit la plus haute distinction scientifique américaine
- 4 L’attribution de la carrière du Bay Bonnet cassée par le Conseil d’État
- 5 CES 2025: Nvidia et la Belgique en tête d'affiche à Las Vegas