Aucun modèle d'e-commerce alimentaire n'est rentable
Livraison à domicile, retrait des courses en magasin, drive-in… impossible pour la distribution alimentaire de gagner de l’argent avec l’e-commerce, affirme une étude de l’École Solvay.
Selon Comeos, l’e-commerce représente 6,5% de la distribution en Belgique, mais moins de 1% dans l’alimentaire contre 3% en France et en Angleterre. La forte densité du réseau commercial est une des principales explications avancées.
Ce chiffre n’est pas près de progresser si on en juge par le mémoire rédigé par Jill Rolland, ingénieur de gestion de la Solvay Brussels School, sous la direction du professeur Claude Boffa. Cette étude fouillée, réalisée au sein des enseignes, arrive à la conclusion que, quelle que soit la formule (livraison à domicile, retrait en magasin, drive-in…) aucun modèle n’est rentable.
Aujourd’hui, Carrefour , Delhaize , Colruyt , Match, Cora et Wink (le système pure player développé par Louis Delhaize) proposent ce type de service.
Coût du personnel
L’explication tient avant tout aux frais de personnel: "L’heure prestée coûte entre 25 et 30 euros, explique Claude Boffa. Dans ces formules, c’est le distributeur qui fait le travail du client. Or, préparer un panier peut prendre une demi-heure. Faites le compte. Ce ne sont pas les 5 à 6 euros demandés pour ce service qui vont permettre de rentabiliser l’affaire. Dans certaines formules le personnel affecté à cette transaction coûte jusqu’à 7 fois plus cher." Certains dans le secteur rétorquent que la préparation des commandes permet d’occuper le personnel en période creuse.
Pas faux, mais le plus souvent, comme le relève l’étude, le service est gratuit pour les gros achats (+ de 100 voire + de 150 euros), lesquels présentent 70% des commandes.
En outre l’e-commerce alimentaire bannit l’achat d’impulsion, ce produit auquel on n’avait pas pensé mais qui figure en promotion en tête de gondole….
Actuellement, la demande des Belges n’est pas assez forte pour diminuer les coûts fixes. Or, pour un retrait en magasin, il faut du personnel, une caisse, un container, un surgélateur, etc. Tous ces coûts ont été pris en compte dans l’étude.
Pour rentabiliser l’affaire, il faudrait soit de plus gros volumes, soit faire payer le service à son coût réel – difficile en période de guerre des prix – soit encore faire des offres spéciales sur des produits à plus forte marge, ou qui ne font pas partie de l’offre habituelle des magasins, voire des produits saisonniers.
La question est évidemment de savoir pourquoi les chaînes poussent de plus en plus ce genre de service: "C’est une question d’image, estime Claude Boffa, à l’heure du tout au web, on n’imagine pas les distributeurs ne pas prendre le train de la modernité. Certains pensent que c’est une manière de se différencier et d’accroître leur part de marché dans un marché saturé."
Schizophrénie
La distribution se trouve donc dans une situation paradoxale. Elle ne peut pas passer à côté des progrès technologiques à même de faciliter la vie des clients. Mais dans le même temps, non seulement ces services lui coûtent cher mais, en les développant, elle risque de s’aliéner ses fournisseurs. Ceux-ci pourraient très bien se dire qu’avec les technologies, ils pourraient se passer d’elle et, eux aussi, vendre leurs produits en direct. Vous avez dit schizophrénie?
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