TVA à deux vitesses sur les baux professionnels dès 2019
La Belgique restait un des seuls États européens où la location d’un bien immobilier professionnel est en général exemptée de TVA. L’effet direct est que le prix des loyers est structurellement poussé à la hausse. Cette situation de fait va cesser dès le 1er janvier.
Ce n’est pas le sujet de rentrée le plus évident à expliquer ni le plus excitant à lire. Mais il pourrait rapidement rapporter des centaines de millions d’euros aux sociétés concernées et à l’économie belge.
Invité il y a quelques jours par l’Union professionnelle du secteur immobilier, Didier Reynders (MR) avait d’ailleurs (re)mis la puce à l’oreille des quelque 200 patrons et cadres présents lors du traditionnel déjeuner-débat de l’Upsi: le projet de loi cadrant l’application de la TVA sur les baux professionnels est enfin tout proche d’un vote en plénière. L’ex-ministre des Finances n’a pas manqué de rappeler au passage l’importance de cette mesure, dont l’absence déforce depuis longtemps notre pays face à ses voisins directs.
Quand?
Plusieurs fois reporté et retouché, le nouveau régime optionnel en question est donc en passe de devenir réalité. Le 19 septembre dernier, la commission des Finances et du Budget de la Chambre a en effet approuvé le projet de loi (ré-)introduit par le gouvernement. Après adoption en plénière, le nouveau régime entrera donc bien en vigueur dès le 1er janvier 2019.
Qui?
"Bailleur et locataire pourront décider conjointement de soumettre leur contrat de bail à la TVA. S’ils optent pour le nouveau régime, le bailleur facturera la TVA sur le montant du loyer et pourra ainsi déduire la TVA payée en amont sur le coût des travaux de construction et de rénovation. Le locataire, s’il est assujetti à la TVA avec droit à déduction, pourra lui aussi la déduire. Ainsi, la mesure sera neutre pour les deux parties avec une substantielle économie de 21% sur le budget global des travaux concernés", détaille Stéphanie Houx, avocate chez Allen & Overy. Pas de mesure favorable toutefois sans plusieurs mesures compensatoires: le délai de révision passe à 25 ans (au lieu des 15 actuels) et, sauf quelques exceptions, les contrats de bail doivent dépasser 6 mois.
Quoi?
Pour l’immobilier commercial et de bureaux, le nouveau régime ne sera applicable qu’aux bâtiments nouvellement construits ou rénovés – ceux dont les travaux de construction (ou rénovation en profondeur) seront effectués à partir du 1er octobre 2018. Cette condition n’est pas applicable aux entrepôts, qui bénéficient de ce nouveau régime qu’ils soient anciens ou nouveaux.
Attention aux pièges!
Selon Stéphanie Houx, la mesure est globalement une excellente nouvelle. Mais il sera, pour tous les acteurs du secteur de l’immobilier et de la construction, essentiel de maîtriser en profondeur les contours du nouveau cadre légal, qui n’est pas exempt de pièges. Et l’avocate met en garde les futurs bénéficiaires: "Certaines incertitudes juridiques et difficultés d’application – par exemple pour les contrats locatifs long terme déjà en cours – sautent aux yeux, notamment dans le secteur logistique. Il faudra en outre vérifier que certaines mesures d’accompagnement ne soient pas en contradiction avec le droit européen", précise-t-elle déjà.
"Le nouveau cadre légal pénalise certains types de projets pourtant cohérents."
Mesure à deux vitesses
En outre, toujours selon la juriste spécialisée, les critères choisis par le Fédéral pour déterminer les immeubles qui pourront bénéficier de la mesure pénalisent certains développeurs. En première ligne, ceux qui ont privilégié, comme les pouvoirs régionaux le demandent, la densification dans les villes, la rénovation et les projets mixtes, qui sont par définition des projets requérant un plus long délai de construction. "Plutôt que de prendre comme critère de sélection la date de début du chantier de construction, très aléatoire selon le type de permis demandé, il aurait suffi de réserver le nouveau régime TVA aux bâtiments dont la première occupation ou la première utilisation aura lieu à partir du 1er janvier 2020: cela aurait mis tous les professionnels sur le même pied, sans favoriser ceux qui construisent des entrepôts dans des champs de patates", pose Stéphanie Houx.
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