Les Belges à la redécouverte de la Tunisie
Après trois années moroses dues au terrorisme, le tourisme repart en Tunisie. Les touristes, belges notamment, remplissent les plages du plus petit pays du Maghreb. Pourtant, les problèmes structurels persistent et empêchent la République de se sentir tirée d’affaires.
Soleil, mer, prix et sécurité: c’est le quarté gagnant de la Tunisie pour attirer de nouveau les touristes sur son littoral, et notamment les Belges. Les nuitées enregistrées par les hôtels ont bondi de près de 40% au premier semestre par rapport à 2017. Surtout, cette tendance s’accentue depuis juin, départ de la cruciale saison estivale. Le mois dernier, la Tunisie a accueilli 74% d’Européens en plus, dont une hausse vertigineuse de 163% pour les Belges. Ils devraient être 50.000 provenant du plat pays à (re) découvrir l’ancienne Carthage cette année, deux fois plus que l’an dernier.
"Le risque zéro n’existe pas mais nous sommes très bien préparés."
"Ce sont incontestablement de beaux chiffres qui donnent une tendance positive pour les mois de juillet et août, se félicite Mouna Ben Halima, dirigeante d’hôtels de luxe et en charge de la communication au sein de la Fédération tunisienne de l’hôtellerie (FTH). La principale raison est la levée d’interdiction de voyager de certains pays européens." Après les attentats de 2015 à Tunis et à Sousse qui a coûté la vie à 59 étrangers, dont deux Belges, de nombreux pays ont durci leurs recommandations de voyage.
5e destination estivale
En Belgique, aux Pays-Bas et au Royaume-Uni, par exemple, les tours opérateurs (T.O.) avaient alors supprimé leur offre tunisienne jusqu’à l’assouplissement des restrictions de voyager à partir de 2017. Or ces trois pays sont de gros pourvoyeurs de touristes adeptes des séjours tout compris, spécialité de la Tunisie. Les principaux T.O. réalisent 60% des réservations des hôtels tunisiens et ont quasiment rempli leur quota pour cet été.
En Belgique, la Tunisie est redevenue la 5e destination estivale avec des vols quasiment pleins pour tout l’été. "Nos clients sont très fidèles au pays pour trois raisons: les prix attractifs, la francophonie et l’exotisme à proximité", explique-t-on au siège belge de la société TUI. Chez son concurrent, Thomas Cook/Neckermann, c’est "le rapport qualité/prix imbattable" qui explique cette ruée. La chute continuelle du dinar par rapport à l’euro – qui est passé de 1,88 dinar en 2010 à 3,08 dinars aujourd’hui – maintient les prix attractifs pour les Européens.
Les hôteliers ont quand même dû s’adapter, notamment niveau sécurité. Les images de la plage ensanglantée de l’hôtel Imperial Marhaba le 26 juin 2015 dans la région de Sousse sont encore dans les têtes. "Les hôteliers ont travaillé ensemble pour sensibiliser les pouvoirs publics sur le renforcement de la sécurité. Des experts européens sont venus pour nous aider en termes de procédures, de méthodologie, etc. Le risque zéro n’existe pas mais nous sommes très bien préparés", assure Jalel Henchiri, propriétaire de l’hôtel Meninx sur l’île de Djerba et représentant régional de la FTH. Il se réjouit que les années noires soient derrière. Le tourisme représente généralement 7% du PIB tunisien.
Sécurité renforcée
Les professionnels paient au ministère de l’Intérieur la présence 24 heures sur 24 de policiers, les seuls habilités à porter une arme, sur leur plage. Les établissements, souvent collés les uns aux autres, communiquent dorénavant par talkies-walkies en cas de mouvements anormaux. Les contrôles aux entrées des zones touristiques et des hôtels sont minutieux, les coffres des voitures sont quasi systématiquement ouverts. "Cela fait paramilitaire comme vision, mais les touristes sont rassurés", confie un animateur dans la région de Hammamet.
Jusqu’ici tout va bien mais la reprise est fragile. Le 8 juillet, la mort de six agents de police à Ghardimaou, au nord-ouest du pays, à la frontière avec l’Algérie, dans une embuscade d’un groupe se réclamant de AQMI (Al-Qaïda au Maghreb islamique) a fait ressurgir le spectre du terrorisme. Une peur aussitôt atténuée par le lieu de l’attaque, à plusieurs centaines de kilomètres des plages et déjà considéré comme zone à risque par les chancelleries.
Mais c’est surtout économiquement que les Tunisiens doutent de leur modèle de tourisme de masse en séjour tout inclus. Les prix ont un peu augmenté, de l’ordre de 10%, mais c’est insuffisant juge la FTH pour couvrir la chute du dinar, l’inflation et les dettes accumulées par les hôtels ces trois dernières années.
Plus de touristes, moins de devises
La pression des tours opérateurs est très forte pour maintenir les prix bas. En dépit de l’embellie, certains séjours proposés par les mastodontes du secteur coûtent pratiquement moins chers cette année que l’an dernier à dinar constant. Thomas Cook/Neckermann précise qu’en moyenne le voyageur dépense 715 euros pour un séjour de 8,5 nuits en service tout compris.
Ce relatif faible apport en devises ralentit la modernisation des hôtels les plus en difficultés, ceux dont la survie dépend du tourisme de masse européen. Certains n’ont d’ailleurs toujours pas rouvert leurs portes. Mouna Ben Halima estime ainsi à près de 20% la baisse de la capacité hôtelière du pays. Le nombre de nuitées en 2018 reste un tiers inférieur à 2010, année de référence touristique.
La principale revendication de la FTH est la mise en place de l’Open Sky qui permettrait l’arrivée des compagnies aériennes low-cost pour faire concurrence aux charters des T.O. Mais la ratification de l’accord, signé le 11 décembre 2017, pourrait prendre du temps au niveau de l’Union européenne à cause du Brexit. La sortie du Royaume-Uni de l’UE oblige une redéfinition des frontières de l’Open Sky avant l’arrivée de tout nouvel acteur. Ironiquement, c’est aussi le Royaume-Uni qui est un des moteurs de cette prometteuse saison estivale avec un retour massif des touristes anglais, plus de 978% en un an, entre juin 2017 et juin 2018.
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