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Les tokens ont commencé à remplacer les actions

Un des atouts de la finance décentralisée est qu'elle permet de fractionner le prix des titres. On pourrait donc acheter pour un euro de tokens de l'action Tesla, par exemple. ©Bloomberg

La finance décentralisée pourrait bouleverser la façon dont les titres sont traités. Mais ce système basé sur la blockchain se heurte à la réglementation.

Les nouvelles technologies secouent le monde de la finance. Au lieu de détenir des actions, des obligations ou des parts de fonds d’investissement sur un compte-titres, les investisseurs détiendront-ils bientôt des "tokens" dans un portefeuille numérique? Depuis quelques jours, ces contrats informatiques basés sur la "blockchain", technologie qui permet de transmettre des informations de manière sécurisée sans centralisation des données, sont utilisés par Binance, la plus grande plateforme d’échange de cryptomonnaies au monde, pour proposer des investissements en actions sans passer par les intermédiaires traditionnels.

Binance permet déjà d’investir dans des tokens des actions Tesla et Coinbase . Lundi, elle a annoncé le lancement d’autres tokens, sur Apple et Microsoft notamment. Mais la Financial Conduct Authority (FCA), le régulateur financier britannique, s’interroge sur la réglementation applicable à ces nouveaux instruments, a révélé le Financial Times la semaine dernière. Autrement dit, comme souvent, la technologie progresse plus vite que les règles légales.

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"Il existe un débat sur la qualification juridique des tokens."

Thibault Verbiest
Avocat spécialisé dans la fintech et le numérique

Toute la question est de savoir si un token est assimilable à un titre financier, soumis à une lourde réglementation européenne exigeant la publication d’informations à destination des investisseurs. Les tokens sont des jetons numériques réputés infalsifiables grâce à la technologie de la blockchain. Dans le cas des tokens d’actions, ces jetons sont liés à des actions sous-jacentes. Leur valeur suit très précisément le cours de bourse de ces titres sous-jacents. Pour que Binance puisse proposer des "actions tokenisées" aux investisseurs, elle s’est associée à la société suisse Digital Assets, spécialisée dans la "tokenisation", ainsi qu’à la société de gestion allemande CM-Equity, qui détient le portefeuille d’actions sous-jacentes.

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La loi belge va plus loin

Le gros avantage de l’investissement en actions via des tokens réside dans l’absence d’intermédiaires. Comme la blockchain fait tout le travail de suivi et de sécurisation des transactions, les frais habituellement prélevés par les plateformes de transactions boursières sont réduits à zéro.

Reste à voir à quelles règles ces tokens doivent répondre. Tout dépend de leur qualification juridique. "Depuis au moins cinq ans, il existe un débat sur la qualification des tokens", explique Thibault Verbiest, avocat spécialisé dans la fintech et le numérique. "Pour qu’un token puisse être qualifié de titre financier, il faut généralement changer la loi, afin de permettre l’émission de titres financiers depuis une blockchain. Ce changement législatif a déjà eu lieu en France, au Luxembourg ou encore en Allemagne il y a deux mois à peine."

"Il y a une véritable difficulté réglementaire à créer un marché secondaire des titres tokenisés en Europe."

Thibault Verbiest
Avocat spécialisé dans la fintech et le numérique

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En Belgique, la loi n’a pas été modifiée, mais son articulation avec le droit européen pourrait faire entrer les tokens dans la catégorie des titres financiers. "En droit européen, un token peut être qualifié de titre financier dans la mesure où il donne droit à des dividendes ou à la possibilité de voter aux assemblées générales", explique Thibault Verbiest. "La loi belge va plus loin: un instrument de placement donnant droit à un retour sur investissement est considéré comme un titre financier." Même si les tokens sont émis depuis l’étranger, les règles européennes et belges s’appliquent dès lors qu’ils sont proposés aux investisseurs belges.

Tiers de confiance

Mais la tokenisation d’actions pose un autre problème. En principe, une plateforme de transactions telle que Binance doit, selon le droit européen, avoir un statut de MTF (multilateral trading facility). "C’est un statut très lourd sur le plan réglementaire", précise Thibault Verbiest. "En droit européen, les MTF sont obligés de passer par des CSD (central securities depository, NDLR), tels qu’Euroclear ou Clearstream, qui sont chargés du règlement et de la compensation lors des transactions. Ces CSD font en sorte que l’acheteur paie et que le vendeur délivre le titre."

La blockchain permet de se passer de tiers de confiance tels qu'Euroclear ou Clearstream.

La blockchain bouscule ce mécanisme classique puisqu’elle permet la réalisation des transactions sans passer par ces tiers de confiance. "Mais même si la technologique permet d’autres mécanismes, la loi prévoit que tout MTF doit faire équipe avec un CSD", souligne Me Verbiest. "Il y a donc une véritable difficulté réglementaire à faire, en Europe, un marché secondaire des titres tokenisés. C’est pourquoi les Suisses ont modifié leur loi pour le permettre. Les Britanniques vont aussi dans ce sens-là." Reste à voir ce que feront les Européens. En attendant, malgré ce flou juridique, les tokens d’actions sont bel et bien disponibles pour les investisseurs.

"L'eldorado de la blockchain"

L’enjeu des tokens d'actions est énorme. "On met là le pied dans ce que beaucoup considèrent comme l’eldorado de la blockchain", explique Thibault Verbiest. "La 'defi' (decentralized finance, ou finance décentralisée, soit la finance utilisant la technologie de la blockchain, NDLR) ne représente encore qu’une part infime de la finance traditionnelle. Beaucoup d’observateurs disent que la blockchain va révolutionner la finance traditionnelle, car elle permet potentiellement, sous réserve des réglementations applicables, de rendre l’émission et la négociation de titres financiers plus liquides, plus accessibles et moins chères." L’avantage de la "defi" est d’offrir une plus grande automatisation avec un haut niveau de sécurité. Elle permet aussi de fractionner les titres: on pourrait ainsi acheter pour un euro de Tesla, alors qu’en bourse, une action du constructeur automobile vaut plus de 700 dollars.

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