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Le secteur bancaire inquiète les marchés après les déboires de Silicon Valley Bank

La filiale de SVB Financial Group a plongé de 60% jeudi à Wall Street, faisant chuter l'indice S&P des banques de 6,6%. ©AFP

Les déboires de la Silicon Valley Bank, un établissement californien proche du secteur technologique, ont fait chuter les valeurs bancaires à travers le monde. Les investisseurs craignent une contagion à d’autres acteurs du secteur.

La Silicon Valley Bank (SVB), pourtant une simple banque régionale américaine, fait trembler les marchés mondiaux et, plus particulièrement, le secteur bancaire. Pour preuve: déjà à la peine jeudi, les trois principaux indices de la Bourse de New York ont ouvert en baisse ce vendredi, pénalisés par la débandade du secteur bancaire outre-Atlantique, et ce, malgré un rapport mensuel sur l'emploi plutôt satisfaisant.

L’action de la maison mère de Silicon Valley Bank, SVB Financial Group , était suspendue ce vendredi, après avoir cédé plus de 60% à la clôture de la Bourse de New York jeudi soir. La banque avait auparavant révélé une perte de 1,8 milliard et indiqué qu’elle cherchait à lever 2,25 milliards de dollars de capitaux frais pour renforcer son bilan, fragilisé par les nombreux retraits de dépôts de ses clients.

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En fin de journée ce vendredi, on apprenait que la société avait été fermée, les autorités bancaires californiennes ayant dû agir rapidement pour protéger les déposants. La Silicon Valley Bank est la première banque assurée par la Federal Deposit Insurance Corporation à tomber en plus de deux ans, la dernière étant l'Almena State Bank en octobre 2020.

Plombées par ces annonces, les banques U.S. évoluaient en forte baisse. L’indice KBW Bank chutait d'environ 2,4% vers 18h, après avoir enregistré sa plus forte baisse depuis près de trois ans jeudi. Ensemble, les quatre plus grandes banques U.S. avaient ainsi effacé 52 milliards de dollars de capitalisation boursière à la clôture jeudi.

"Cela ouvre les yeux des investisseurs sur ce problème qui n'était pas encore dans leur ligne de mire. Si cela peut arriver à une banque américaine, cela peut potentiellement arriver à une banque européenne également."

Fiona Cincotta
Analyste chez City Index

Mais cette marée rouge ne s'est pas arrêtée aux frontières états-uniennes et s’est répandue comme une trainée de poudre à travers l'ensemble du secteur bancaire, les investisseurs craignant que les difficultés de la SVB, un établissement californien proche du secteur technologique, se répandent à d’autres acteurs.

Journée noire pour les bourses européennes

Dès ce vendredi matin, les bourses asiatiques ont bu la tasse, pénalisées par leurs principaux acteurs bancaires, comme Mitsubishi UFJ Financial Group, à Tokyo, et Bank of China, à Hong Kong. Un peu plus tard, c’était au tour des bourses européennes de dévisser. De Londres à Milan, en passant par Bruxelles, les principaux marchés du Vieux continent se sont parés de rouge.

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L’indice Stoxx 600 a chuté d'environ 1,4%, fortement plombé par son indice bancaire, qui a perdu près de 4%. Deutsche Bank, à Francfort, Société Générale, à Paris, ING, à Amsterdam: la plupart des acteurs étaient touchés.   

"Alors que le déploiement de capital-risque a été conforme à nos attentes, la consommation de trésorerie des clients est restée élevée et s'est encore accrue en février, ce qui s'est traduit par des dépôts inférieurs aux prévisions."

Gregory Becker
CEO de SVB

Du côté de la Bourse de Bruxelles, Sofina , qui détient des intérêts dans le secteur technologique américain, a cédé plus de 7,5%, tandis que KBC a abandonné 4,5%.

"Le sentiment à l'égard du secteur bancaire est très fragile après la vente d'actions de SVB qui a alimenté les inquiétudes concernant le risque de capitalisation dans le secteur", souligne Fiona Cincotta, analyste chez City Index. Pour cette dernière, "cela ouvre les yeux des investisseurs sur ce problème qui n'était pas encore dans leur ligne de mire. Si cela peut arriver à une banque américaine, cela peut potentiellement arriver à une banque européenne également".

La Fed plombe la banque de la Silicon Valley

La panique généralisée autour du secteur bancaire provient d'une annonce de SVB mercredi. La société, depuis longtemps considérée comme la banque des start-ups technologiques américaines, va lancer une augmentation de capital de 1,75 milliard de dollars afin de consolider son bilan. Ces fonds devraient ainsi permettre de compenser la perte de 1,8 milliard de dollars causée par la vente de son portefeuille obligataire, composé essentiellement de bons du Trésor américain d'une valeur de 21 milliards de dollars.

Si l'on prend un peu de hauteur, la débâcle de SVB trouve, plus précisément, son origine dans la politique monétaire agressive menée par les banques centrales, et ce, pour deux raisons. Premièrement, afin de combattre la flambée inflationniste, la Réserve fédérale américaine (Fed) s'est retrouvée dans l’obligation de relever très rapidement son taux directeur, ce qui fait mécaniquement grimper le rendement des obligations, mais baisser la valeur de celles-ci. En conséquence, les titres de dette de la banque ont été vendus avec une lourde perte, car leur valeur a sévèrement chuté. Le portefeuille de SVB lui procurait ainsi un rendement moyen bien inférieur au rendement actuel des bons du Trésor à 10 ans, qui est d'environ 3,9%.

"La question est donc maintenant de savoir quelles autres banques pourraient subir des pressions parce que leurs marges nettes d'intérêt se sont contractées."

Christian Parisot
Analyste d’Aurel BGC

Deuxièmement, si la forte baisse de valeur des obligations n’est pas nécessairement un problème pour le secteur bancaire, elle devient inquiétante quand les banques se voient, justement, obligées de vendre leurs actifs pour couvrir des retraits. Or, SVB a connu une baisse des dépôts cette année, car ses clients, qui sont principalement des start-ups technologiques et des sociétés de capital-risque, ont particulièrement souffert de ladite hausse des taux. "Alors que le déploiement de capital-risque a été conforme à nos attentes, la consommation de trésorerie des clients est restée élevée et s'est encore accrue en février, ce qui s'est traduit par des dépôts inférieurs aux prévisions", a expliqué le CEO de SVB, Gregory Becker, dans une lettre adressée aux investisseurs.

Ces derniers redoutent désormais que la levée de fonds de SVB soit insuffisante compte tenu de la détérioration de la trésorerie de nombreuses start-ups technologiques que la banque finance. Pire: certains investisseurs en capital-risque auraient conseillé aux start-ups de retirer leur argent de la SVB, ce qui pourrait encore aggraver les déboires de la banque de la Silicon Valley.

Contagion

Pour l'analyste d’Aurel BGC Christian Parisot, "la question est donc maintenant de savoir quelles autres banques pourraient subir des pressions parce que leurs marges nettes d'intérêt se sont contractées". En effet, d’aucuns redoutent, désormais, que le fameux "bank run" dont est actuellement victime la banque californienne ne se propage à l’ensemble du secteur. D'autant que les banques sont interdépendantes, comme l'ont illustré la crise financière de 2008-2009 et la faillite de la banque américaine Lehman Brothers.

"La chute des crypto-monnaies semble être en grande partie due au marché des actions."

John Toro
Responsable des transactions à la bourse d'actifs numériques Independent Reserve

Mais la plupart des experts se veulent plutôt rassurants. Ainsi, Market Watch n’a identifié que 10 banques susceptibles de connaître des difficultés après la débâcle SVB. Christian Parisot fait, d’ailleurs, une analyse similaire et estime que "le risque bancaire reste limité à de très petites banques et sur un nombre restreint". En ce qui concerne le Vieux continent, le broker Exane pense qu'il ne devrait pas y avoir de contagion ou de répercussion sur les banques européennes. Pour ce dernier, "le système reste robuste et sain".

Les cryptos touchées

La chute de Silicon Valley Bank a fait une autre victime: le marché des cryptomonnaies. Ainsi, le Bitcoin perdait plus de 6,5% vers 17h40, évoluant autour des 20.000 dollars. Dans son sillage, les autres grandes monnaies numériques au monde, comme l'Ethereum ou le BNB, cédaient aussi du terrain. Pour John Toro, responsable des transactions à la bourse d'actifs numériques Independent Reserve, "la chute des cryptomonnaies semble être en grande partie due au marché des actions".

Depuis jeudi, l'ensemble du marché des cryptomonnaies a désormais perdu environ 70 milliards de dollars, également plombé par l'annonce de la mise en liquidation de la petite banque américaine Silvergate.

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