Meilleur rendement pour les fonds d'épargne-pension depuis dix ans
Avec un rendement moyen de 15,3%, les fonds d’épargne-pension ont connu une année exceptionnelle. Comment expliquer ces rendements exceptionnels et que pouvons-nous attendre en 2020?
Les 1.600.000 Belges qui économisent pour leurs vieux jours via un fonds d’épargne-pension ont vu la valeur de leur cagnotte augmenter sensiblement cette année. Avec un rendement moyen de 17%, les fonds dynamiques et neutres – qui investissent au moins la moitié de leur portefeuille en actions – affichent les meilleurs résultats, grâce à une hausse de plus de 20% des actions européennes et américaines. La perte de 8,9% enregistrée l’an dernier est ainsi totalement effacée.
L’excellente santé des marchés d’actions s’explique par une combinaison de facteurs. Les banques centrales européenne et américaine ont réduit leurs taux, l’accord commercial partiel conclu entre les Etats-Unis et la Chine a réduit le risque d’un nouveau ralentissement de l’économie mondiale, et la victoire éclatante du parti conservateur britannique a éliminé plusieurs incertitudes liées au Brexit.
Avec un rendement moyen de 17%, les fonds dynamiques et neutres affichent les meilleurs résultats.
Les fonds d’épargne-pension défensifs, qui investissent surtout en obligations, ont réalisé un rendement moyen de 10,4%. Les marchés obligataires ont eux aussi profité de l’assouplissement de la politique monétaire des banques centrales. Les cours des obligations souveraines et d’entreprises ont augmenté, même si la hausse n’est pas aussi spectaculaire que celle des actions.
D’après les chiffres de la Beama, l’association belge des gestionnaires de fonds, les Belges qui épargnent via un fonds d’épargne-pension disposaient fin 2018 d’un capital moyen de 11.333 euros. Grâce au rendement de 15,3% obtenu cette année, ils se sont enrichis en moyenne de plus de 1.700 euros. Ces moyennes cachent bien entendu de grandes disparités. Les citoyens plus âgés ayant déjà accumulé un capital plus important ont, en chiffres absolus, davantage profité de ces résultats.
Le fonds d’épargne-pension d’Argenta arrive en tête avec un rendement de 20,5%. "Nous avons bien démarré l’année en augmentant fin janvier nos positions en actions, explique Johan Van Geeteruyen de Degroof Petercam, le gestionnaire en charge du fonds. Nous nous attendions à une reprise après la correction boursière de fin 2018. Jerome Powell, le président de la banque centrale américaine (Fed), a fait basculer la situation en réduisant les taux à trois reprises. Au cours de l’été, nous avons pris des positions plus défensives. Notre sélection d’actions s’est également avérée judicieuse, car seul un nombre limité d’entreprises que nous avions en portefeuille ont publié un avertissement sur résultats. Les actions représentent aujourd’hui 68% du portefeuille, soit un peu plus que les 65% habituels."
Johan Van Geeteruyen ajoute que le volet obligataire a également contribué aux excellents résultats du fonds: "Nous avons pris la bonne décision en achetant des obligations souveraines italiennes à long terme après la hausse du taux italien à long terme. Ce taux a ensuite baissé après la formation du nouveau gouvernement." Plus l’échéance d’une obligation est longue, plus son cours augmente en cas de baisse des taux.
La gestion délicate de l’obligataire
D’après Bart Van Poucke, gestionnaire des fonds de BNP Paribas Fortis, le rendement supérieur à la moyenne de ses fonds s’explique par deux facteurs. "Nous avons une stratégie à long terme qui consiste à miser sur les petites capitalisations européennes. Plus encore que les grandes entreprises, les actions des petites capitalisations ont affiché d’excellentes performances boursières. De plus, nous avons assez bien investi en actions. Dans notre fonds dynamique, elles ont représenté au moins 70% du portefeuille tout au long de l’année."
Le volet obligataire du fonds a fait un peu moins bien. "Nous avons préféré nous montrer prudents et opter pour des échéances courtes. C’est ce qui explique que nous ayons moins profité de la baisse des taux. Mais depuis fin août, le taux à long terme est en hausse et nous avons rattrapé une partie de notre retard."
Candriam, le gestionnaire des fonds de Belfius, souligne que les échéances courtes des obligations de son portefeuille sont la cause principale de leur rendement relativement faible. "Au début de l’année, nous avons décidé d’opter pour une politique obligataire prudente parce que nous nous attendions à une hausse des taux", explique le gestionnaire Jiri Baert. Les obligations à court terme résistent mieux lorsque les taux montent. Baert souligne que Candriam a depuis lors modifié sa stratégie et augmenté la duration de son portefeuille obligataire. "La fin des rachats d’obligations par la Banque centrale européenne n’est pas pour demain. C’est ce qui explique que les taux restent bas."
Star Fund, le fonds d’épargne-pension d’ING, qui est géré par la maison de fonds NN IP, est la lanterne rouge des fonds dynamiques et neutres. Le gestionnaire Pierre Nicolas de NN IP explique: "Début 2019, nous n’avons pas anticipé le changement de cap de la Fed et nous possédions peu d’actions cycliques. C’est ce qui explique nos moins bons résultats en 2019, mais en 2018, nous avons mieux résisté que les autres fonds." En janvier, la Fed a décidé de ne pas augmenter les taux comme elle l’avait laissé entendre et les a réduits à partir de l’été.
Le rendement du fonds d’épargne-pension Hermes est aussi relativement bas. "Nous sommes restés plutôt prudents avec les actions, explique Paul De Meyer de Capfi Delen Asset Management, en charge de la gestion du fonds. Notre portefeuille se compose aujourd’hui de 58% d’actions et la duration de nos obligations était assez courte."
On peut s’étonner qu’aucun des gestionnaires contactés n’ait profité du récent changement législatif pour investir directement dans les infrastructures ou le Private Equity (actions non cotées). Les gestionnaires avancent plusieurs raisons: "le Private Equity est trop cher", "les actions non cotées et les infrastructures sont peu liquides", "nous ne disposons pas de l’expertise suffisante dans ce domaine" ou encore "le cadre législatif n’est pas suffisamment clair".
Plusieurs fonds d’épargne-pension soulignent qu’ils investissent indirectement dans le Private Equity et/ou les infrastructures via des entreprises cotées. Le fonds d’épargne-pension d’Argenta détient notamment des actions du groupe de capital à risque 3i, rappelle Johan Van Geeteruyen. Les fonds de Belfius comprennent des actions GIMV et Sofina. Certains gestionnaires n’excluent pas d’investir à l’avenir directement dans le Private Equity ou les infrastructures.
Perspectives 2020
Pour 2020, les gestionnaires s’attendent à ce que les actions se comportent mieux que les obligations. Ils se montrent surtout optimistes pour les trois à six prochains mois. "Le premier semestre devait être positif pour les actions, estime Bart Van Poucke. L’économie mondiale est en croissance, il n’y a pas d’inflation, les banques centrales soutiennent la croissance, la Chine et les Etats-Unis ont conclu un accord, et les risques liés au Brexit se sont fortement réduits. C’est quasiment un scénario de rêve. Mais nous ne pouvons exclure une correction à court terme, vu le long rallye boursier que nous avons connu. Toute correction serait par ailleurs une opportunité pour acheter des actions."
avantage fiscal
Les Belges de 18 à 64 ans peuvent se constituer une épargne pour leur pension en bénéficiant d’avantages fiscaux. Ils peuvent opter pour un fonds d’épargne-pension ou une assurance épargne-pension. L’avantage fiscal s’élève à 30% sur les versements annuels allant jusqu’à 980 euros. L’avantage fiscal est limité à 25% sur les versements annuels compris entre 981 et 1.260 euros. Les fonds d’épargne-pension investissent en moyenne davantage en actions que les assurances épargne-pension. Les rendements des fonds d’épargne-pension ont donc été supérieurs à ceux des assurances lors de la dernière décennie.
Les rendements 2019 des assurances épargne-pension ne sont pas encore connus.
Les gestionnaires se montrent un peu plus prudents sur le long terme. "La politique monétaire a atteint ses limites en Europe. L’économie bénéficiera-t-elle d’une relance de la politique budgétaire et cette politique peut-elle reprendre le flambeau de la politique monétaire?", se demande Pierre Nicolas.
Johan Van Geeteruyen souligne que la campagne présidentielle américaine est susceptible de provoquer de la volatilité à partir du deuxième trimestre.
Plusieurs gestionnaires soulignent que la guerre commerciale et le Brexit restent des risques importants. Washington et Pékin n’ont pas encore trouvé un accord sur tous leurs points de divergence, comme les subsides aux entreprises étatiques chinoises. Au début de la semaine, le négociateur américain Robert Lightizer a également mis en garde que l’important déficit commercial américain avec l’Europe n’était pas tenable. Le risque d’un Brexit dur n’a pas disparu étant donné que le Royaume-Uni et l’Europe doivent trouver un accord d’ici la fin de l’an prochain sur leurs futures relations commerciales.
Malgré ces risques, les fonds continuent à investir davantage en actions que ce que veut la tradition. "TINA ne signifie pas uniquement ‘there is no alternative’, mais aussi que les solutions alternatives sont négatives", explique Baert. Depuis la baisse de taux de l’année écoulée, le rendement de nombreuses obligations est en effet inférieur à zéro.
Le fonds de pension Hermes a réduit les risques obligataires. "Nous avons investi un peu plus en obligations affichant un rating A et moins dans les obligations BBB. Pour réduire davantage les risques, nous nous sommes beaucoup diversifiés dans ces obligations." Paul De Meyer de Capfi Delen AM fait ici allusion à une hausse éventuelle des défauts de paiement. "Dans notre compartiment actions, nous investissons dans des entreprises peu exposées en cas d’intensification de la guerre commerciale."
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