Imaginez un candidat-acheteur qui souhaite acquérir un bien en Wallonie d’une valeur de 260.000 euros. En réalité, il devra débourser bien davantage, à savoir 296.000 euros si l’on tient compte des droits d’enregistrement, des honoraires du notaire et des frais d’acte.
En règle générale, les banques exigent que les frais – soit 36.000 euros dans notre exemple – et une partie de la valeur du bien soient financés par l’acheteur. La banque veut bien entendu éviter de prêter davantage que la valeur du bien pour parer à l’éventualité où elle devrait le revendre suite à un défaut de paiement de l’emprunteur. Jusqu’à il y a peu, les banques se montraient plus souples et il était possible d’emprunter une quotité plus importante pouvant aller dans certains cas jusqu’à 125% du prix d’achat. "Aujourd’hui, ce n’est plus possible. Vous ne pourrez jamais emprunter plus de 105% de la valeur d’un bien. La norme est plutôt de 90%", explique John Romain du bureau de conseil indépendant Immotheker. Cela signifie que les acheteurs doivent couvrir eux-mêmes les frais et au moins 10% du prix d’achat.
La Banque Nationale de Belgique (BNB) a récemment mis en garde contre l’assouplissement des conditions de crédit constaté depuis 2014. "Entre 2014 et 2018, le nombre de crédits dont le montant est supérieur à 80% de la valeur du bien est passé de 41 à 53% de la nouvelle production. Cette hausse concernait surtout des crédits dont la quotité se situait entre 90 et 100%, tandis que les crédits affichant un ratio supérieur à 100% restaient limités."
"La quotité standard est fixée à 80% depuis des années chez BNP Paribas Fortis. Dans des cas exceptionnels, nous prêtons plus de 100% du prix d’achat. Les conditions sont très strictes."
"Nous avons également observé un assouplissement des conditions sur le plan de la durée des crédits, poursuit la BNB. La proportion des emprunts de plus de 20 ans est passée de 29% en 2016 à 39% en 2018. Dans le même temps, une part importante des nouveaux crédits sont encore caractérisés par une charge mensuelle élevée par rapport au revenu mensuel disponible de l’emprunteur." En règle générale, les banques considèrent que les emprunteurs peuvent consacrer un tiers de leurs revenus au remboursement de leur emprunt hypothécaire. "Entre 2014 et 2018, ce ratio était supérieur à 50% dans plus de 20% des nouveaux dossiers de crédits."
Continuer à épargner
"Ces limites ne sont pas un luxe, car il est important de continuer à disposer d’une marge de manœuvre pour pouvoir épargner", souligne John Romain. Chez BNP Paribas Fortis, les remboursements mensuels ne peuvent dépasser 40% du revenu disponible. "Ce pourcentage peut varier en fonction de la situation du client, du revenu disponible et d’autres paramètres, explique la porte-parole Hilde Junius. Un dossier dont la quotité est supérieure à 90% et dont le ratio remboursement/revenu disponible dépasse 40% est examiné avec plus d’attention et doit être approuvé à un niveau supérieur."
"Chez BNP Paribas Fortis, cela fait des années que la quotité standard a été fixée à 80% de la valeur du bien, poursuit-elle. Dans des cas exceptionnels, nous prêtons plus de 100% du prix d’achat. Une des conditions, c’est que le client dispose de suffisamment de revenus ou puisse donner des garanties. Les règles sont très strictes." L’an dernier, la quotité moyenne chez BNP Paribas Fortis ne dépassait pas 76%. Les emprunteurs ont donc eux-mêmes financé en moyenne 24% du prix d’achat de leur habitation. Si l’on y ajoute les frais, on arrive rapidement à 34% d’autofinancement.
Même son de cloche chez Belfius: "En principe, il est possible d’emprunter jusqu’à 100% du prix d’achat, mais il est très rare que cette quotité soit dépassée, et le cas échéant, les conditions d’attribution sont très strictes", explique le porte-parole Thierry Martiny. Chez KBC, l’objectif est de ne pas dépasser 90% du prix d’achat. "Mais chaque dossier est analysé individuellement et l’apport personnel exigé peut varier d’un cas à l’autre."
Chez Keytrade Bank, qui propose des crédits habitation en ligne, il n’est pas possible d’emprunter un montant supérieur à la valeur du bien. "Notre politique prévoit que le candidat-propriétaire ne peut emprunter plus que ce qu’il pourrait récupérer en cas de revente du bien concerné, explique le porte-parole Roel Vermeire. Cela signifie que l’acheteur doit lui-même financer les frais, comme les droits d’enregistrement ou la TVA."
Taux plus élevé
Plus l’apport personnel est limité, plus le taux augmente. "En cas de quotité supérieure à 80%, le taux est plus élevé", confirme Hilde Junius, qui n’en dira pas davantage. Mais les banques augmentent généralement leur taux de 10 à 20 points de base.
"Les clients qui empruntent au maximum 80% du prix d’achat bénéficient d’un meilleur taux, confirme Thierry Martiny de Belfius. La différence de taux est de 6 points de base pour une quotité entre 80 et 90% et de 12 points de base pour une quotité oscillant entre 90 et 100%."
John Romain cite l’exemple d’une habitation située à Louvain, dont le prix de vente est de 220.000 euros. "Pour un emprunt à 25 ans à taux fixe, et moyennant la souscription d’une assurance solde restant dû et d’une assurance incendie auprès de la banque, le taux est de 2,08% pour une quotité ne dépassant pas 75%. Si la quotité se situe entre 101 et 105%, le taux passe à 2,68%. On passe ainsi de 989,13 euros de remboursements mensuels dans le premier cas à 1.057,67 euros pour le second. Dans une autre banque et avec une autre formule (taux variables 10-5-5), le taux pour la quotité supérieure peut monter à 4,10%."