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Acheter un bien immobilier, un rêve de plus en plus inaccessible pour les jeunes

Entre crise sanitaire et économique et hausse des prix, les primo-acquéreurs voient leurs rêves d'achat immobilier s’effondrer. La location redevient la première option.
©Tim Dirven

Ils sont (souvent) jeunes, rêvent d’acheter une maison ou un appartement. Leur premier bien sera l’une des grandes étapes de leur vie, comme tous les Belges qui ont, dit-on, "une brique dans le ventre".

Mais les temps sont durs pour ces rêveurs, surtout en temps de pandémie. Le marché  de l’immobilier n’a pas (encore) été touché par la crise, les prix continuent de grimper. D'après les données du baromètre des notaires publiées cette semaine, les prix (pour une maison individuelle) ont grimpé de 4,2% en moyenne en 2020, sur l’ensemble du pays. Rendant le rêve de propriété un peu plus inaccessible pour ceux dont les moyens restent limités.

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Loïc, bruxellois de 30 ans, en témoigne. Depuis six mois, il cherche à acheter un appartement avec sa compagne. "On loue un appartement d'une chambre, on voudrait avoir un enfant, il nous en faut une deuxième. L'idée est d’avoir un projet commun. À nos yeux, être propriétaire, c’est une sécurité pour l’avenir, et un investissement intéressant."

Confronté aux réalités financières du marché, le jeune couple déchante. Prix élevés, budget limité, et une tuile: Loïc a perdu son emploi. "Les prix varient entre  200.000 et 300.000 euros, et la fourchette basse nécessite de gros investissements en rénovation, nous dit le jeune homme. On doit donc apporter 60.000 euros en fonds propres, plus les frais de notaire. On n’a pas suffisamment de côté. On va continuer à économiser."

Ils pourraient demander de l’aide à leurs parents. "Mais on veut s’en sortir seuls." L’autre solution serait de s’éloigner de Bruxelles. "Un jour, il faudra peut-être en tenir compte dans l’équation…"

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Acheter, un privilège de riche?

L’investissement immobilier deviendrait-il réservé aux plus fortunés ou aux investisseurs, laissant de côté les jeunes primo-acquéreurs?  Dans sa dernière étude sur les crédits, BNP Parisbas Fortis (BNPP), l’un des leaders sur le marché du crédit hypothécaire, constate qu’en 2020, les millénials ont été moins actifs sur le marché. En terme de nombre de crédit accordés, on constate une baisse de 32% pour ce segment. BNPP temporise, en pointant l’effet d’aubaine de la suppression du bonus logement  en Flandre, qui a poussé les jeunes à anticiper leur achat fin 2019. Ceci n’explique pas tout. BNPP remarque aussi que la pandémie et l’incertitude économique poussent beaucoup à reporter leurs projets.

Les banques ont aussi durci les conditions imposées aux jeunes en matière d’octroi de crédit. Les prêts dont la quotité empruntée dépasse 100% ne représentent plus que 5% du marché (moitié moins qu’il y a deux ans), octroyés à des tarifs exorbitants. Depuis début janvier 2020, les banques ne peuvent plus ouvrir que 35% de crédits dont la quotités empruntée dépasse les 90% de la valeur du bien, explique le courtier Patrick Segers. Et pour ceux qui travaillent dans l’horeca, ou tout autre secteur frappé durement par la crise, les portes des banques se ferment. "Pour emprunter à plus de 90%, il faut être étiqueté 'valeur sûre': être fonctionnaire ou employé dans un secteur solide", dit le courtier. "Alors que la quotité moyenne des emprunteurs est de 73%, les jeunes, eux, sont en moyenne à 86%."

"Pour emprunter à plus de 90%, il faut être étiqueté 'valeur sûre', être fonctionnaire ou employé dans un secteur solide."

Patrick Segers
Courtier

Patrick Segers constate que sans aide familiale, il est difficile d’emprunter pour toute une catégorie de la population. De nouveaux produits arrivent d’ailleurs sur le marché pour pallier au problème. Des produits où l’emprunteur sera le parent lui-même pour les frais de notaire par exemple, alors que ce sont les enfants qui passent l’acte. "C’est une manière détournée de faire du crédit à 115%", dit le courtier.

Avec son compagnon, Alicia, elle, doit renoncer à ses projets d’acquisition, malgré l’aide proposée par ses parents. Elle cherche depuis six mois, mais les prix sont très élevés pour des biens à rénover. "Nous sommes dans un petit appartement sans terrasse. Le confinement est dur. On rêvait d’avoir, pour l’été, un petit jardin ou une terrasse. Peut-être qu’on le fera en location, ne fût-ce que pour un an."

Les jeunes de moins en moins candidats propriétaires

Rester locataire, pour Jean-Baptiste Van Ex, CEO du fonds d’investissement immobilier Vicinity, n’est pas incongru. Ce serait même dans l’air du temps. "Historiquement, le marché immobilier résidentiel comprenait en Europe 70% d’acquéreurs, contre 30% de  locataire, sauf en Allemagne ou aux Pays-Bas. La tendance évolue vers le marché locatif. Dans les grandes villes, la part des locataires a dépassé celle des propriétaires résidents (51-49)."

Pout l’expert, les raisons sont économiques. "La capacité d’emprunt d'un ménage moyen est d'environ 1.000 euros par mois, soit une valeur d’acquisition entre 175.000 et 200.000 euros. Or, le prix moyen du logement actuel est d’environ 230.000 euros. C’est mathématique..."

L’évolution sociologique mènerait aussi progressivement vers la solution locative. "Nos modes de vies actuels exigent davantage de flexibilité, dit-il. La propriété, aujourd’hui, est vue par certains comme une entrave à la mobilité professionnelle, ou un souci dans un contexte familial très évolutif, où les divorces et les recompositions de famille viennent casser les schémas traditionnels. En étant locataire, on suit plus facilement les variations de sa situation de vie."

« Nos modes de vies actuels font que l’on a besoin de davantage de flexibilité. Les gens ne souhaitent plus nécessairement être contraints à la propriété."

Jean-Baptiste Van Ex
CEO de Vicinity

L’économiste Philippe Defeyt constate lui aussi cette évolution sociologique. Selon lui, il n’y aura pas nécessairement moins de propriétaires dans l’avenir, mais le temps moyen passé à louer tout au long de la vie va augmenter.  L’économiste Etienne de Callataÿ (Orcadia), reste sceptique. À ses yeux, le fait d’être locataire impose de payer une "prime de risque" au propriétaire, prime qui se traduit dans un surloyer, ce qui n’est pas optimal.

"On mesure mal les coûts que représentent le fait d’être propriétaire, précise Philippe Defeyt. Quand on vit jusque 90 ans, ces coûts d’entretien deviennent lourds, il faut remplacer la chaudière, la toiture. Il y a le coût de la mise aux normes, des taxes aussi. Beaucoup de personnes âgés vendent et redeviennent locataire pour ne plus avoir la responsabilité lourde de la propriété, et retrouver un peu de pouvoir d’achat  à consacrer aux loisirs."

Quand on évoque cette question de pension, Etienne de Callataÿ estime que la propriété reste la meilleure garantie de se prémunir de la pauvreté. "Cela reste une protection sociale de très bonne qualité. C’est un capital qu’on n'est pas tenté de manger, contrairement à celui rapporté par un placement.» À moins, ajoute Jean-Baptiste Van Ex, d’investir dans un fonds immobilier. Le CEO étudie d’ailleurs la question de rendre le fonds Vicinity accessible aux locataires eux-mêmes. "Cela permettrait aux jeunes d’avoir un logement accessible, tout en se constituant un bas de laine pour la pension."

Que faire pour faciliter l'accès à la propriété?

Pour revenir au cœur du problème, que peut-on faire, alors, pour faciliter l’accès des primo-acquéreurs à la propriété?  "On ne peut envisager de jouer sur les taux d’intérêts pour éviter une trop grande flambée des prix", estime Etiennne de Callataÿ. Ni se servir du levier fiscal: "Les cadeaux fiscaux se transforment souvent en hausse des prix, et cela ne résout rien", dit-il.

"Les cadeaux fiscaux se transforment souvent en hausse des prix, et cela ne résout rien."

Etienne de Callataÿ
Economiste et administrateur d'Orcadia

À ses yeux, c’est par le biais de l’offre du marché immobilier qu’on pourra réguler les choses, en encourageant la construction, la rénovation, voire la division de biens (sans pénaliser fiscalement la division d’un bien en appartement au travers de revenus locatifs multipliés), ainsi qu’en luttant contre le vide locatif.

Pour l’économiste, encourager la mobilité  au travers de la portabilité des droits d’enregistrements, à défaut de pouvoir les supprimer totalement, irait aussi dans la bonne direction. "Faire en sorte qu’on ne reste pas éternellement dans des maisons surdimensionnées serait une bonne chose, aussi d’un point de vue énergétique", conclut-il.

Les aides à l’acquisition pour les primo-acquéreurs

Crédit hypothécaire

  • Aide bruxelloise

Le Fonds du logement accorde des crédits hypothécaires destinés aux ménages disposant de revenus inférieurs à certains plafonds. Le taux varie selon les revenus et est compris entre 2 et 2,5%, dont il faut déduire 0,10% par personne à charge, et 0,10% si les emprunteurs ont moins de 40 ans. La quotité peut atteindre 120%.

  • Aides wallonnes
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Le crédit jeune à 0 % est destiné à financer les frais d’achat d’un premier logement (droits d’enregistrement, honoraires du notaire, TVA dans le cas d’une construction, etc. ) pour les jeunes (moins de 35 ans) qui ont au moins 3 enfants et dont les revenus sont inférieurs à 97.700 euros. Le montant maximal est de 60.000 euros.

L’accesspack est un prêt destiné aux emprunteurs ayant minimum trois enfants à charge. Le taux est dégressif en fonction des revenus et de la composition du ménage. Il varie entre 0,75 et 1,15%.  La quotité peut dépasser 100%.

Fiscalité

  • Région bruxelloise 

Ceux qui achètent une habitation propre et unique (de 500.000 euros maximum) ne paient pas de droits d’enregistrement sur la première tranche de 175.000 euros lors d’une acquisition. Soit un avantage fiscal de 21.875 euros.

  • Région wallonne

Ceux qui achètent une habitation propre et unique ne paient pas de droits d’enregistrement sur la première tranche de 20.000 euros. Soit un avantage fiscal de 2.500 euros. Ces mêmes acheteurs peuvent également bénéficier, sous conditions, du chèque-habitat, un crédit d’impôts valable pendant 20 ans. 

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Logements abordables

  • Région bruxelloise

Citydev produit des logements neufs vendus à prix abordables. Pour y accéder, l’acheteur (dont les revenus ne peuvent pas dépasser un certain plafond) s’engage à respecter une série de conditions.

  • Région wallonne

Les SLSP (Société de logement de service public) créent des logements acquisitifs dans le cadre des ancrages communaux, et la SWL (Société wallonne du logement) crée de tels logements dans  le cadre de partenariats publics-privés sur ses terrains. Ces logements rentrent dans la politique d’accès à la propriété pour les ménages répondant à certaines catégories de revenus.

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