Tout qui – propriétaire, acheteur ou courtier professionnel – doit estimer ou fixer le prix d’un logement le fait encore aujourd’hui de manière aléatoire et trop subjective. Il y a bien quelques repères objectivables, notamment dans les quartiers où les transactions sont fréquentes et les biens mis en vente comparables. Mais cela reste un exercice où l’indice d’erreur est bien trop important.
Régulièrement, des acteurs concernés, professionnels ou politiques, insistent sur la nécessité de mettre au point une plateforme de référence fiable, un cadastre détaillé des biens existants, avec trace des échanges voire même des loyers négociés.
Cela existe d’ailleurs depuis des décennies déjà outre-Atlantique et, depuis moins longtemps, chez nos voisins européens. Les Pays-Bas et le Royaume-Uni, par exemple, ont opté pour pareil système centralisé. Et en avril dernier, même nos voisins français ont lancé une carte de France interactive dévoilant progressivement les prix des transactions immobilières récentes.
Alors pourquoi pas chez nous? Outre l'inertie de ceux qui détiennent des bribes d’information et les valorisent – le savoir étant le pouvoir –, l’exception belge tient notamment à notre système cadastral et fiscal très particulier.
Sans plus attendre les pouvoirs publics
Expert immobilier en matières civiles et judiciaires depuis plus de 10 ans, François Kaiser (CoKoon Expertises) peste lui aussi depuis des années de ne pas disposer d’un outil transparent et précis quand il doit fournir des valorisations de biens, notamment à des assureurs ou des banquiers sollicités pour l’octroi de prêts hypothécaires. "Chacun, à l'instar des notaires, a sa petite base de données dans son coin. Certains en tirent des tendances globales, mais cela reste parcellaire, flou et peu transparent: les points de comparaison sont donc peu fiables ou trop rares. Rien à voir avec ce qui existe en termes d’exhaustivité au Canada, par exemple, avec un outil comme la plateforme Centris", motive-t-il.
"Avec une moyenne de 35 à 50 biens par membre par an, on disposera rapidement d’une base de données suffisante pour affiner les expertises partout en Belgique."
Las d’attendre une décision politique, il a donc pris le taureau par les cornes et a conçu lui-même l’outil qui fait cruellement défaut sur le marché belge. Mis au point durant des mois, il vient d’être finalisé. Il s’agit d’une plateforme de points de comparaison en ligne réservée aux professionnels au sens large capables d’interpréter et de nuancer les données encodées. "Chaque membre affilié insère ses transactions dans le système sans révéler l'identité de ses clients. Il a accès aux données encodées par les autres professionnels, agents ou experts. Chaque bien est détaillé sur 34 critères différents, dont 17 fondamentaux (notamment la composition du gros œuvre, la toiture, le chauffage ou les châssis). Avec une moyenne de 35 à 50 biens par membre par an, on disposera rapidement d’une base de données suffisante pour affiner les expertises partout en Belgique", avance François Kaiser, qui veut faire de ce nouvel outil un label de qualité et de transparence pour tout professionnel du secteur au profit de ses clients.
Pour l’instant, la plateforme a atteint une vitesse de croisière suffisante sur son premier micro-marché liégeois. Les concepteurs visent le seuil des 200 membres avant la fin de l’année et comptent rendre rapidement l’outil opérationnel pour l’ensemble du pays, en commençant par Bruxelles et la Wallonie. L’encodage des biens a déjà commencé un peu partout, y compris en Flandre, où des agences pilotes adhèrent déjà au concept.
Masse critique
"Plusieurs fédérations, dont Fédéria (courtiers francophones) ou le SNPC (propriétaires), soutiennent déjà l’initiative."
Avec 600 membres actifs, le système pourrait compter sur quelque 20.000 nouvelles références par an. Pour étendre rapidement sa toile, Immoversus a notamment signé des accords de partenariat avec les principaux logiciels de gestion d'agences immobilières. "Cela permettra de faire remonter directement l'information technique une fois le prix de vente fixé par compromis ou contrat de vente (neuf). Plusieurs fédérations, dont Fédéria (courtiers francophones) ou le SNPC (propriétaires), soutiennent déjà l’initiative", détaille le promoteur immobilier Serge Lejeune (H-3D), partie prenante au projet.
Pour devenir rentable, la plateforme Immoversus fonctionnera sur la base d’une redevance annuelle. Au plus le membre alimentera la base de données, au plus il bénéficiera d’avantages.