Mariage, cohabitation, séparation de fait, divorce, décès… Les choix et aléas de la vie qui impactent votre situation familiale peuvent avoir une influence significative sur le montant de votre pension légale et même sur votre droit à une partie de la pension complémentaire de votre partenaire. De façon générale, c’est le fait d’être marié qui a le plus d’implications (positives). Voyons cela en détail.
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La pension légale
Pour avoir des droits sur la pension légale de son partenaire, de son vivant, en cas de divorce ou de décès, la règle est assez simple: il faut être marié.
- La pension de ménage
Lorsqu'un couple est marié, les services de pension calculent d’office ce qui est le plus avantageux quand tous deux sont retraités. Concrètement, ils vérifient si la somme des deux pensions d'isolés est plus importante qu'une pension de ménage (+25%) qui serait octroyée à l’un des conjoints. S’ils divorcent ensuite, les époux toucheront chacun une pension d’isolé.
Les cohabitants légaux perçoivent toujours chacun leur pension au taux isolé, sur la base de leur propre carrière.
Les fonctionnaires n’ont pas accès à la pension au taux ménage. Ils ont uniquement droit à la pension d’isolé, et ce même si leur conjoint ne perçoit pas de pension personnelle.
Les régimes de pension des salariés et des indépendants ont été adaptés pour leur permettre de bénéficier d'une pension au taux ménage avec réduction de la pension de fonctionnaire du conjoint.
2. La pension de divorcé(e)
La pension de divorcé(e), réservée aux ex-époux salariés ou indépendants (l'ex d'un fonctionnaire ne peut y prétendre), est un apport bienvenu pour le conjoint qui ne s’est donc constitué personnellement que peu ou pas de droits à la pension.
Ce droit n’est valable qu’à partir du moment où vous atteignez l’âge légal de la retraite (anticipée). Pour toutes les années qu'a duré le mariage, la pension de divorcé est calculée comme si l’ex avait travaillé lui-même et s’était donc constitué des droits à la pension. L'ex-conjoint sur la carrière duquel la pension est calculée, n’y perd rien.
La pension de divorcé(e) peut être cumulée à une pension de retraite propre et reste acquise au décès de l’ex.
Les cohabitants légaux n’ont pas accès à la pension de divorcé.
La pension de divorcé(e) disparaît en cas de remariage du bénéficiaire.
3. La pension de survie (ou de veuf/veuve)
La pension de survie est réservée aux époux et à condition que:
- le couple ait été marié au moins un an avant le décès.
- le partenaire survivant ait atteint un certain âge (qui sera progressivement relevé jusqu’à 50 ans en 2025). Pour 2021, la limite est fixée à 48 ans. Cette condition d'âge ne s'applique pas si vous avez au moins un enfant à charge ou si vous êtes en incapacité de travail (>66%).
S'il ne remplit pas la condition d’âge, le partenaire survivant peut recevoir une allocation de transition pendant au maximum 12 ou 14 mois.
Cette allocation est accordée au conjoint survivant, même si le partenaire prédécédé n’était pas encore pensionné.
La pension complémentaire
Habituellement, le conjoint/coabitant légal est désigné comme premier bénéficiaire de la pension complémentaire (assurance-groupe ou fonds de pension) en cas de décès, ensuite ses enfants. Si le partenaire perd cette qualité suite à un divorce, il cesse automatiquement d'être le bénéficiaire... pour autant qu'il ait été désigné par un terme générique et pas nommément dans le contrat. Le cas échéant, il faudra impérativement modifier pour éviter toute mauvaise surprise.
Environ 80% des actifs se constituent une pension complémentaire. Dans la majorité des cas, son montant est, hélas, fort limité. Si la réserve acquise moyenne d’un travailleur proche de l’âge de la retraite (les 55-64 ans) est de 56.057 euros, on constate une solide différence entre celle des hommes (71.171 euros) et celle des femmes (33.210 euros), selon les données (au 1er janvier 2020) collectées par DB2P, via Mypension.be. Quant à la réserve médiane pour cette catégorie, elle n’est que de 9.118 euros. Dans certains cas, il s’agit quand même d’un joli magot: le dirigeant d’entreprise, par exemple, dispose en effet d’une réserve moyenne de 84.258 euros. C’est donc loin d’être le pactole pour tous.
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Raison de plus pour qu’en cas de divorce, si l’un des conjoints a sacrifié sa carrière pour garder les enfants et/ou permettre à l’autre de réaliser pleinement la sienne, une compensation soit prévue. Jusqu'ici, les propositions de loi qui ont été déposées en vue de systématiser l'octroi à l'ex-conjoint d'un droit sur une partie de l’assurance-groupe de son partenaire ont cependant toutes avorté (lire encadré).
La situation semblait pourtant avoir décanté et évolué en 2020, deux nouvelles propositions de loi ayant été déposées, l'une en janvier (émanant de l'ex-sp.a, devenu Vooruit) et l'autre en avril (émanant du CD&V, mais reprise d'une autre proposition de 2014).
"La première est celle dont le parcours est le plus abouti puisqu'elle a été soumise pour avis à la fois au Conseil d'État et au Conseil national du travail (CNT)", explique Me Corinne Merla, spécialiste des pensions. Le texte a soulevé de nombreuses critiques et questions.
Il prévoyait en effet une répartition obligatoire 50/50 de toute pension complémentaire entre époux en cas de divorce et ce quel que soit leur régime matrimonial (!) ainsi qu'entre cohabitants légaux si leur cohabitation prend fin. Une disposition qui va très loin et crée une exception pour des couples n'ayant aucun patrimoine commun, constate l'avocate spécialiste des pensions.
Sans compter qu'il ne serait possible de déroger à cette règle qu'au moment de la signature du contrat de mariage/de cohabitation légale, en prévoyant un "opt-out". Aucune modification ultérieure ne serait autorisée, ce qui est également contraire à l'esprit même du contrat de mariage, a souligné le Conseil d'État. Si l'idée qui sous-tend cette exception est de protéger le conjoint le plus faible, c'est en effet aussi la vocation du contrat de mariage qui autorise une grande souplesse pour répondre aux besoins et souhaits du couple, et peut de surcroît être adapté en cours de route. L'idéal serait donc de privilégier les solutions ouvertes, et des opt-in et opt-out plus souples.
On en est là. Depuis, le dossier est une nouvelle fois au point mort et apparemment loin du compte.
"Bref, si la question revient régulièrement sur la table et si tout le monde est conscient qu'il conviendrait de la régler, elle bloque systématiquement, pour des raisons philosophiques - selon que l'on considère la pension complémentaire comme une rémunération ou de la prévoyance sociale, le traitement de la question diffère- , mais aussi en raison des innombrables problèmes pratiques qu'une répartition pose aux assureurs (complexité de gestion, coûts, etc.)", explique Corinne Merla, avocate spécialiste des pensions (Younity).
Une anomalie du 1ᵉʳ pilier qui se répercute sur le 2ᵉ pilier
Mais avant toute chose, la ministre des Pensions, Carine Lalieux (PS), souhaite s'attaquer à une "anomalie" du premier pilier (pension légale) qui n'est pas sans répercussions sur le partage de la pension complémentaire. Voici pourquoi.
"Le statut d'agent statutaire ne prévoit pas de partage de la pension légale en cas de divorce. Une anomalie qui bloque le partage de la pension complémentaire."
En matière de pension légale, le régime des fonctionnaires constitue en effet une exception: sous le statut d'agent statutaire, il n'y a pas de partage de la pension légale en cas de divorce. "Prenons le cas le plus 'injuste', celui d'un couple fonctionnaire-salarié. S'ils divorcent, le fonctionnaire conserve sa pension légale (qui est bien plus élevée que celle d'un salarié ou d'un indépendant, NDLR) et le partenaire salarié n'a droit à rien, alors que lui doit partager à la fois sa (plus maigre) pension légale et son éventuelle pension complémentaire (qu'il a constituée pour compenser)", explique l'avocate. Cette disparité des régimes légaux pose donc problème pour l'éventuelle répartition du deuxième pilier.
Au cas par cas
Quand la question du partage se pose, elle se règle donc toujours au cas par cas. Soit le tribunal nomme un expert qui propose un calcul, soit les parties se mettent d’accord sur une somme. Un calcul nécessairement subjectif et aléatoire. Pourvu qu’il satisfasse les parties.
Les experts invités à donner leur avis sur la proposition de loi (lire encadré) ont d'ailleurs fait valoir qu'il était compliqué et pas forcément opportun d'avoir une législation trop stricte. Ce serait sans doute contreproductif compte tenu de la multitude (des spécificités) des plans de pensions et des situations personnelles.
Dans le régime de la communauté des biens et le régime légal, le capital de l’assurance groupe est considéré comme un revenu d’activité professionnelle et fait à ce titre partie du patrimoine commun. "Il n'y a que peu de jurisprudence sur le sujet. Le cas échéant, la plupart des juges préconisent le partage. Celui-ci peut se faire de manière forfaitaire et équitable (surtout lorsqu'il est difficile d'évaluer le capital constitué avant le mariage), ou selon l'octroi d'une valeur nette au moment du partage. Encore faut-il déterminer cette valeur nette: pour certains, le montant inclut les cotisations sociales et les impôts", constate Me Merla.
En pratique
Ça, c'est la théorie. Car comment valoriser un montant que l'on ne touchera souvent que (bien) plus tard, et à supposer que l'on soit encore en vie? Sur quels critères se basera-t-on pour fixer la valeur d'un contrat à contribution définie avec garantie de rendement qui varie chaque année? En outre, c'est en principe la valeur nette de la pension complémentaire qui devrait être prise en compte lors du partage. Mais quel sera le niveau de taxation (qui varie en fonction d'une série de critères) lorsque le contrat sera liquidé? Rien n'est simple.
Et même une fois la question du montant réglée, reste à savoir quand et comment l'ex qui y a droit le percevra. "Cela peut se faire sous forme de compensation dans le cadre du partage, lors du divorce." Mais encore faut-il être capable de sortir ce montant, car l'assureur ne peut consentir une avance sur la pension complémentaire. "Une solution consiste à scinder le compte au moment du divorce et verser la partie réservée à l'ex sur un compte auquel il n'aura accès qu'à la retraite", explique Corinne Merla. Le partenaire peut également proposer de payer son dû à son ex lorsqu'il touchera son assurance-groupe et éventuellement l'inscrire comme deuxième bénéficiaire du contrat en stipulant qu'à la liquidation de celui-ci, il/elle aura droit à X% du capital. Ces charges administratives pour l'assureur engendreront évidemment des frais.