C’est une rengaine que l’on entend souvent. "OK pour rouler en voiture électrique, mais c’est beaucoup trop cher". Il s’avère pourtant que pour les bénéficiaires de voitures de société, un marché qui représente un véhicule neuf sur deux en Belgique, c’est de moins en moins le cas. Il faut d’abord savoir qu’aujourd’hui, le véhicule électrique ce n’est plus seulement Tesla. La Renault Zoé, la Jaguar I-Pace, la BMW i3 ou la Hyundai Kona EV ne sont que quelques exemples de véhicules électriques qui existent sur le marché à l’heure actuelle.
Si vous vous arrêtez au prix catalogue, souvent très élevé, le choix du véhicule électrique n’est pas une option. C’est tout bonnement trop cher. Mais le prix catalogue ne veut pas dire grand-chose pour un véhicule de société. Ce qui vous intéresse, c’est le loyer de la voiture et la contribution personnelle que vous devrez débourser pour votre véhicule. Et là, le véhicule électrique a des arguments.
Moins chère qu’une "premium"
Le coût du leasing d’une Nissan Leaf sur directlease.be (filiale du groupe néerlandais Van Mossel) débute à 482,05 euros hors TVA par mois pour un contrat de 60 mois (10.000 km/an). Une Nissan du même segment C, une Pulsar, débute à 349,94 euros. C’est certes plus cher, mais toujours nettement moins qu’une voiture de type "premium" que l’on retrouve majoritairement dans les voitures de société. À titre de comparaison, le loyer d’une BMW Serie 2 Active Tourer débute à 444,82 euros par mois sur directlease.
Chez Hyundai Lease, pour un contrat plus court de 48 mois, la Kona électrique, un véhicule à 40.000 euros hors TVA, le loyer est de 797,04 euros par mois contre 552,98 euros pour une version essence automatique du même véhicule. "La différence est encore importante, mais on ne donne pas de remises sur la version électrique", pointe William Meerschaut, patron de la communication pour Hyundai Belux. La version essence bénéficie de 17% de remise. L’électrique pas, dans la mesure où "la demande est plus grande que l’offre." Tout ceci avant de calculer les incitants fiscaux.
KBC Autolease a calculé un "coût mensuel net" pour la Nissan Leaf de 501 euros par mois jusque fin 2019, puis de 531 euros ensuite (pour 20.000 kilomètres par an, frais, services, taxes et déductibilité compris). Elle se situe en milieu de classement dans la catégorie "moyenne compacte berline". Elle est plus chère qu’une Opel Astra ou qu’une Skoda Octavia, mais moins qu’une Audi A3 berline diesel ou une BMW Série 1 essence. Dans la catégorie SUV, la Hyundai Kona électrique se situe chez KBC en milieu de classement à 622 euros par mois net et est donc également une solution compétitive.
Les voitures électriques sont déductibles à 120% des bénéfices (100% à partir de 2020) et le carburant sera évidemment bien moins cher que l’essence ou le diesel. Des solutions techniques comme la facturation directe de l’électricité à l’employeur existent déjà.
3 à 4 euros pour 100 km
On en sait quelque chose chez Lampiris, le fournisseur d’énergie vert liégeois racheté par Total il y a deux ans et demi. L’entreprise a prévu de rouler entièrement à l’électrique d’ici 2021 et a déjà 21 voitures entièrement électriques dans sa flotte de 90 véhicules. "On est finalement arrivé à une neutralité budgétaire pour passer aux véhicules électriques. Le coût mensuel d’une Leaf était de 5% en moins pour le véhicule avant taxe, et de 17% en moins avec la déductibilité", détaille Nicolas Paris de chez Lampiris. "Rouler à l’électricité nous coûte 3 à 4 euros pour 100 km contre 10 euros en carburant thermique. Évidemment, nous avons 14 bornes chez nous et au domicile de nos employés que nous avons financées. Après 4 ans et l’amortissement des bornes, on aura un gain net par 100 km", ajoute celui qui est en charge du développement du véhicule électrique chez Total Gas & Power Belgium (la marque B2B de Lampiris).
Barrière psychologique…
En entreprise, plus qu’une question de prix, c’est surtout une question d’état d’esprit. Les travailleurs doivent dépasser leurs craintes de la voiture électrique. Si certaines barrières réelles persistent, rouler à l’électrique est devenu compétitif et réaliste en Belgique, nous revient-il des entreprises qui ont passé ce cap. Il s’agit d’expliquer et de convaincre non seulement le travailleur, qui souvent doit également convaincre son ou sa conjointe de passer à l’électrique.
Joachim Doerr, un ingénieur allemand de chez Audi qui a développé tout le train de transmission sur le nouveau SUV électrique de la marque nous expliquait à ce titre que même lui avait eu difficile de convaincre sa femme de passer à l’électrique. Une technologie souvent synonyme de crainte pour les travailleurs. "On a un point de recharge rapide sur l’autoroute vers chez ses parents à 400 km, mais malheureusement, il n’est pas encore fini", dit-il.
De nombreux clients ont un blocage avec l’électrique, revient-il de chez Nissan. Mais on y estime aussi que ce n’est pas rationnel. Cependant, les choses changent. La nouvelle Nissan Leaf a déjà été immatriculée à 863 reprises cette année, ce qui en fait le premier modèle électrique du royaume devant Tesla et avant l’arrivée de la très attendue Model 3 l’année prochaine. Sur les onze premiers mois de l’année, 3.305 véhicules électriques ont été immatriculés contre 2.412 sur la même période en 2017.
…mais solutions créatives
En Belgique, la question des distances parcourues est de moins en moins un problème avec des véhicules qui proposent des autonomies de 300 à 480 kilomètres. Si vous avez un point de recharge chez vous ou chez votre employeur, c’est suffisant pour l’essentiel de vos trajets. Les points de recharge sur autoroutes se développent rapidement et pallient les situations où l’on ne peut pas recharger au départ ou à destination. Il est également devenu monnaie courante d’avoir des contrats de leasing des voitures électriques dans lesquels des voitures thermiques sont prévues pour un nombre défini de jours par an.
D’autres solutions existent. Chez Lampiris, un système d’échange des véhicules entre collègues a également été mis en place.
"En roulant en véhicule électrique, on devient plus sensible à son empreinte carbone."
Une fois que les employés ont fait le pas, toutes ces craintes disparaissent rapidement selon Nicolas Paris. "On devient plus sensible à son empreinte carbone. C’est visible quand on passe à l’électrique. C’est un changement sur le plan personnel qui dépasse le choix du véhicule. On se demande par exemple ‘est-ce que je ne peux pas produire mon électricité moi-même?’ Ça devient une fierté", dit-il.
Sans compter que pour l’employé, l’avantage de toute nature (ATN) est réduit à son montant minimum quand il roule à l’électrique (109,17 euros).
Quid du réseau électrique?
La question de la barrière psychologique n’est pas présente que chez l’employé. De grosses entreprises dans lesquelles vous travaillez peut-être ne sont juste pas ouvertes aux véhicules électriques. Les flottes de véhicules au diesel y sont devenues une habitude et tout changement paraît devenir un problème insurmontable. En plus d’un a priori sur le prix des véhicules, la grosse crainte se situe souvent au niveau de la capacité réseau de l’employeur. Aura-t-il des cabines à haute-tension en suffisance?
Chez Engie, on explique que les cas où les capacités électriques sont prises en défaut sont rares. "Au niveau des clients résidentiels, la problématique du véhicule électrique n’est pas différente de celle du photovoltaïque. Il y a des congestions à prévoir si toute une rue ou un quartier entier installe des véhicules électriques. Dans ce cas précis, on peut par exemple doubler son câble ou changer le transformateur vers un transformateur dynamique", explique Michael De Koster, patron de l’innovation en mobilité électrique chez Engie. Des solutions à moindre coût donc.
Il rappelle au passage que, selon lui, les voitures électriques ne sont pas vraiment un problème au niveau de la consommation électrique dans son ensemble.U ne autre rengaine que l’on entend souvent consiste à dire que "si tout le monde roule à l’électrique, on n’aura pas assez d’électricité".
"Si on doit alimenter un parc d’un million de véhicules électriques d’ici 2030, on aura besoin de seulement 3% d’électricité en plus", estime De Koster. Le réseau pourrait par contre connaître un problème si tous ces véhicules se chargeaient pendant les heures de pointe. "Si un million de véhicules devaient recharger en même temps, on aurait besoin de 3 gigawatt, soit trois tranches nucléaires. C’est l’équivalent de la puissance installée en solaire en Belgique", ajoute De Koster.
Il peut donc s’avérer intéressant d’implémenter des solutions de charge intelligentes, idéalement avec un tarif dynamique pour recharger les véhicules. On pense à des solutions logicielles qui permettent de recharger les voitures en fonction des besoins des clients, au moment le plus opportun pour le réseau, voire en fonction de la production d’énergie verte du client.
Les installations électriques des entreprises sont souvent suffisantes à l’adoption de flottes électriques, surtout dans les zones industrielles, revient-il d’Engie. Dans certains cas, tout particulièrement dans les immeubles de bureaux en ville, il se peut qu’il faille néanmoins installer un nouveau transformateur. Un investissement d’une centaine de milliers d’euros.
Installer un système de recharge intelligent peut permettre de lisser sa consommation électrique. Pour votre entreprise, la puissance prélevée a un coût. La structure de tarifs est proportionnelle à la puissance et à la pointe de consommation. Les clients ont donc tout intérêt à réduire leur pointe. "Un de nos clients a décidé de convertir toute sa flotte de centaines de voitures. S’il ne faisait rien, il devait avoir 6 MW. Si on installe les solutions qu’on lui a offertes, on peut réduire la puissance nécessaire à 1 MW pour recharger les véhicules", détaille encore De Koster.
Investissement contre charges
Les fleets managers sont habitués à payer des loyers mensuels pour la mobilité avec des cartes essence. Leur demander des investissements à plus long terme dans l’infrastructure électrique n’est donc pas chose aisée, car ils travaillent d’habitude avec des charges courantes. Pour régler ce problème, la société de leasing ALD Automotive propose une offre complète, "avec un leasing sur les voitures, mais aussi le financement pour les bornes ou les cabines à haute tension", nous dit le patron d’ALD en Belgique, Miel Horsten.
"Quand on parle à un fleet manager d’investissements à deux millions d’euros, il peut être refroidi. Si on lui propose une solution à 70 euros par mois par voiture, ça lui parle davantage"
Engie aussi propose ce type de financement avec du "charging as a service". "C’est une solution clé sur porte. Quand on parle à un fleet manager d’un investissement de deux millions d’euros, il peut être refroidi. Il travaille en Opex et pas en Capex. Si on lui propose une solution à 70 euros par mois par voiture, ça lui parle plus, lui qui a l’habitude de payer 200 euros de diesel par mois par voiture", explique De Koster. La société veut montrer l’exemple avec la volonté de compter 20% de véhicules électriques dans ses utilitaires légers et 15% dans ses voitures de société d’ici 2020.
Enfin, la sphère privée commence aussi à s’intéresser de plus en plus au véhicule électrique. Les clients particuliers sont moins habitués à calculer le coût réel de leur véhicule par mois ou kilomètre parcouru. Certains font tout de même l’exercice, ce qui explique sans doute que 31% des Nissan Leaf achetées en 2018 l’ont été par des clients particuliers.