Attention, les frais érodent le rendement. Tout le monde en est conscient ou l’a au moins déjà entendu dire. Cela vaut bien sûr pour les frais d’entrée, de gestion et de garde liés aux produits financiers que vous "achetez", et également pour les tarifs des conseils que dispense votre banquier. Mais faut-il forcément payer (et combien?) pour bénéficier de conseils d’investissement ou pour déléguer carrément la gestion de son portefeuille?
Ces dernières années, les taux d’intérêt misérables sur les comptes d’épargne ont poussé de nombreux clients à passer un cap pour se risquer dans l’investissement. Un contexte qui a fait le succès des formules d’investissement progressif en fonds notamment, surtout auprès des investisseurs débutants (qui souhaitent tester le concept) ou qui ne disposent pas d’un patrimoine conséquent. Certains investissent "en roue libre" via des plateformes en ligne auprès de petites banques qui ne dispensent aucun conseil, alors que les clients des établissements bancaires classiques ont le choix de se faire accompagner ou non dès cette étape en sollicitant des conseils en agence ou online.
Pour ceux qui ont une capacité d’investissement plus "confortable" et qui ont donc intérêt à (faire) gérer plus activement leur portefeuille, les banques traditionnelles proposent une vaste palette de services de base gratuits puis — pour certaines d’entre elles — payants, selon le niveau de prestations, d’accompagnement et de conseil souhaité.
Il faut dire que la Directive européenne MiFID2 – entrée en vigueur le 1er janvier 2018 — impose aux banques de se conformer à une série de nouvelles réglementations dans leur relation avec leurs clients investisseurs. Du travail supplémentaire qui amène les établissements financiers à un repositionnement commercial (plus ou moins important).
Quels conseils personnalisés peut-on attendre de son banquier? A partir de quel niveau de patrimoine? A quel coût? Explorons ce qu’il en est dans le segment "moyen".
BNP Paribas Fortis: Priority ou Priority Exclusive
Chez BNP Paribas Fortis, chaque client de la banque et titulaire d’un compte-titres bénéficie déjà de services gratuits (conseil ponctuel, accès à une gamme de produits financiers sélectionnés et suivis par des experts, un accès multicanal, des outils d’investissement, newsletters, etc.). Les clients qui détiennent au moins 85.000 euros basculent dans la catégorie "Priority". Un statut qui leur ouvre l’accès à une série de services et privilèges.
"L’offre de base ‘Priority banking’qui convient à beaucoup de nos clients restera gratuite. Seuls ceux qui souhaitent une gestion plus active devront payer 19,90€/mois à partir du 1er janvier 2019."
Le client "Priority", lui, a accès aux services d’un conseiller dédié (par téléphone, en agence, par vidéo-conférence) pour ses investissements, ses assurances et ses crédits. Il bénéficie d’un check-up annuel de sa situation financière, et son portefeuille d’assurances est scanné tous les 3 ans par un expert. Le client est convié à des sessions d’infos, a accès à des avantages exclusifs (événements culturels, sportifs, etc.). Et depuis le mois d’avril, il reçoit un conseil en investissement ponctuel (Easy Investment Advice) sur la base de produits sélectionnés pour la clientèle Priority.
Mais voilà, BNP Paribas Fortis a annoncé une modification des tarifs à partir du 1er janvier 2019. Certains services et avantages pourraient devenir payants, ce qui a suscité émoi et confusion parmi la clientèle "Priority", étonnée face à l’ampleur des frais qu’elle pensait devoir supporter à l’avenir pour pouvoir continuer à bénéficier d’un conseil et d’un suivi personnalisés de son patrimoine. "Pas de panique!", nous assure-t-on toutefois chez BNP Paribas Fortis.
"L’offre de base du Priority qui convient à beaucoup de nos clients qui se contentent en général d’investir dans une sélection de fonds adaptés à la stratégie de la banque restera gratuite", explique Stéphanie Gryssolle, Head of Pricing RPBB chez BNP Paribas Fortis.
"Nous avons toutefois constaté qu’une proportion de clients, beaucoup plus actifs, avaient des besoins plus importants en termes de conseil, de suivi, de diversité de choix de produits (les actions individuelles notamment) ainsi que d’une approche plus large du patrimoine (incluant pension et succession). Ce qui nécessite une gestion spécifique et plus lourde pour garantir la qualité du service". C’est à ces clients-là qu’est destiné le package "Priority Banking Exclusive" qui sera proposé à 19,90 euros/mois à partir du 1er janvier prochain. "Prix, qui inclut le Premium pack (cartes de banque, de crédit, etc.) de 6,25 euros qui est le plus complet, précise-t-elle. Pour ceux qui sont satisfaits du service Priority de base, rien ne change, cela reste gratuit."
Voyons ce qu’il en est dans les autres grandes banques.
De façon générale, quel que soit le montant de son investissement, tout titulaire d’un compte-titres bénéficie de services pour lesquels il ne paie aucun frais, et il peut demander des conseils et s’informer en agence ou online. Il n’aura par contre pas de conseiller attitré et son dossier ne sera évidemment ni suivi ni géré de façon proactive. L’accès à un conseiller dédié est ouvert à partir de certains seuils et pas forcément toujours payant!
KBC 3 nuances de Smart
La politique tarifaire de KBC en matière de conseils d’investissement est relativement complexe.
"Chez nous, le client n’entrera pas dans une catégorie particulière de type ‘Priority’quand ses avoirs dans la banque atteignent un certain montant. Ce qui se rapproche le plus est notre service patrimonial KBC Smart (ou Smart plus)", indique Ingrid Cocquyt, Segment manager chez KBC.
Ceux qui souhaitent confier leurs investissements à un gestionnaire de fonds spécialisé qui assure le suivi ont le choix entre:
- Easy Invest Service (gratuit), avec reporting annuel détaillé du portefeuille;
- Easy Invest Service Extra (242 euros/an) qui offre des conseils pratiques en matière de pension et de planification successorale (comment régler ma succession, protéger mon conjoint survivant, donner un coup de pouce financier aux enfants, etc.) + la carte de crédit Gold.
A partir de 25.000 euros, le client qui souhaite investir sur les conseils d’un expert qui suivra son patrimoine tout au long de l’année peut opter pour le service Smart de base, au tarif de 151,25 euros/an. "L’expert procède à un examen régulier de la composition de son portefeuille, examine les risques et opportunités et fait un reporting annuel", explique Ingrid Cocquyt.
Ceux qui veulent aller au-delà, et qui en ont les moyens — puisque le seuil d’entrée est alors fixé à 200.000 euros, peuvent opter pour les services Smart Plus (363 euros/ans) qui appréhende le patrimoine en incluant les composantes pension et succession et Smart Select (484 euros/an) qui intègre en plus l’investissement en actions.
Smart est aussi disponible via l’app "KBC Invest".
Deutsche Bank service personnalisé dès 150.000€
L’accès à un conseiller attitré est fonction d’un seuil de patrimoine qui varie selon les banques, mais il n’est pas toujours payant.
Chez Deutsche Bank, le DB Personal n’est accessible qu’à partir de 150.000 euros, "avec une certaine marge bien sûr", explique Wim D’Haese, Head of Investment Advice. A ce niveau, et au tarif de 50 euros par trimestre, le client est suivi par un conseiller dédié. "Un expert, puisque tous passent par la Antwerpen Management School".
"Nos conseillers qui sont proactifs sur les fonds, trackers, produits structurés et les assurances contacteront le client au minimum deux fois par an — en moyenne c’est trois – en fonction de l’évolution du marché et de la composition du portefeuille."
La banque souligne à cet égard "sa principale différence avec la concurrence: une architecture ouverte qui offre le choix parmi les 1.800 meilleurs fonds — dont 70 sont plus particulièrement recommandés. La plupart des fonds sont sans frais d’entrée (ou de 1% max., contre 2,5% dans la plupart des banques) ni frais de garde", insiste Wim D’Haese.
Par contre, seule la clientèle "private" — à partir de 1 million d’euros — bénéficiera de recommandations pour les actions et obligations individuelles.
Le client DB Personal aura accès à ses rapports online. Mais, autre différence: "il ne pourra pas comparer son portefeuille à un portefeuille standard (qui n’existe pas chez DB). Par contre, il aura la possibilité de vérifier si la composition de son portefeuille est conforme aux souhaits et objectifs qu’il a lui-même fixés au départ", commente le responsable du conseil en investissements.
Tous les clients qui n’ont pas accès au DB Personal profitent exactement de la même offre de produit mais n’ont pas de conseiller dédié. C’est la seule différence. "Mais l’approche sera forcément moins soutenue et moins personnalisée". Ce client lambda paiera cependant les droits de garde (8€ par ligne, max. 80 euros).
ING conseil gratuit
"Chez ING, l’accès au conseil et aux services est gratuit, seul l’accès aux produits (frais) est payant. Et 100.000 euros est le seuil d’accès au Personal banking", indique Anne-Sophie Tandel, Head of Segment Personal Banking.
"Chez Belfius qui a la meilleure app du marché, le conseil est gratuit et dispensé via tous les canaux, aussi bien en agence qu’en ligne."
Laquelle insiste surtout sur l’approche. "Le premier rendez-vous est l’occasion de faire connaissance. Il est très rare que l’on parle directement d’investissements. Nous commençons par les ‘4P’(patrimoine, pension, protection et projets) avant d’entrer dans le vif du sujet: le profil investisseur du client, son rapport au risque, son horizon de placement, sa situation financière, ses connaissances produits… Et surtout ses objectifs — point sur lequel on insiste de plus en plus —, assure-t-elle: le client souhaite-t-il se constituer un capital pension? Recevoir un revenu régulier? Investir progressivement ou en une fois? Et à partir de là, on propose des solutions."
A l’instar de Deutsche Bank, ING est adepte de l’architecture ouverte et travaille "avec 5 partenaires privilégiés de renom: BlackRock, Amundi, Franklin Templeton, Axa et NN."
"Par contre, en matière de succession ou de donation, on se limite à faire des constats avec le client en mettant des outils à sa disposition pour l’évaluation, mais on ne donne pas de conseil", précise Anne-Sophie Tandel.
Les clients qui ont moins de 100.000 euros n’ont pas de conseiller attitré, c’est la seule différence. Mais de ce fait, leur suivi sera moins systématique et moins personnalisé.
ING cherche toutefois à capter la clientèle qui se rapproche de ce seuil. "Les clients qui ont environ 85.000 euros (donc type ‘Priority’de BNP Paribas Fortis) sont progressivement davantage impliqués et sensibilisés à la gestion de leurs avoirs: on les invite à des events et des conférences, ils reçoivent des infos ciblées ou via des newsletters."
Belfius conseil gratuit et multicanal
"Chez Belfius, le conseil est gratuit. Nous nous positionnons comme une banque de proximité qui est aussi celle qui a la meilleure app disponible sur le marché belge", cadre Marc Hainaut, Responsable des produits d’investissement
Le crédo et le créneau de la banque, c’est le multicanal. "Nous donnons du conseil aussi bien via nos chargés de relations en agence qu’en ligne. Le client bénéficie d’une expérience globale: il peut très bien commencer une session de conseil en ligne et la terminer en agence, y avoir accès via vidéo chat, sur PC, ordi", explique-t-il.
"Nous disposons d’un programme qui permet de définir le profil, la stratégie, le degré de connaissance et d’expérience des produits du client et, munis de ces infos, on rentre dans un environnement de conseil (en agence ou online). En fonction du but poursuivi et de l’horizon de placement."
"En agence, le client qui a 5.000 euros sur son compte d’épargne a évidemment accès à l’ensemble de nos produits et services, mais il ne sera vraisemblablement pas demandeur d’un account manager ou autre", ajoute Marc Hainaut.
Le seuil pour bénéficier des services d’un account manager est d’ailleurs fixé à 100.000 euros (et jusque 500.000). "Il abordera le dossier du client avec une vision à plus long terme, et l’aidera notamment pour la constitution de ses pensions complémentaires", explique Marc Hainaut.
Belfius planche d’ailleurs en ce moment sur le concept pour affiner son offre en matière de planification. "Nous allons formaliser ces aspects pour les inclure dans un plan financier personnalisé. Une formule pilote sera lancée cet été pour tester le marché."