Les taux d'intérêt négatifs se propagent en Belgique. Après avoir déjà touché les comptes d'entreprises et de clients institutionnels, les taux inférieurs à zéro s'appliquent désormais aussi à certains particuliers fortunés. Il y a un an, Puilaetco avait annoncé qu'elle appliquerait un taux négatif aux dépôts supérieurs à cinq millions d'euros. Début octobre, c'était au tour de Triodos d'annoncer un taux de 0% sur l'épargne de ses clients et -0,5% au-delà de 500.000 euros. ING Belgique suit désormais le mouvement en appliquant ce même demi-pourcent négatif aux avoirs supérieurs à deux millions d'euros.
Ce taux de -0,5% n'est pas sorti de nulle part: c'est la même pénalité que celle qu'applique la Banque centrale européenne (BCE), qui est en quelque sorte la "banque des banques", aux montants excédentaires que les banques commerciales, telles qu'ING, placent sur sa facilité de dépôt. Les taux négatifs se répandent aussi à cause du programme d'achats d'actifs de la BCE, qui s'élève à 1.350 milliards d'euros. A ce stade, il n'a été utilisé qu'à hauteur de 580 milliards d'euros. La poursuite des achats de la BCE pourrait donc bien faire baisser les taux encore davantage, d'autant que les économistes s'attendent à une augmentation de la taille de ce programme.
Si les taux de plus en plus bas voire négatifs affectent les investisseurs, y compris désormais de riches particuliers, ils ont aussi un impact sur d'autres segments de la finance belge. Grâce aux taux négatifs de ses obligations, l'Etat belge peut emprunter sans devoir payer d'intérêt et même, au contraire, en devant rembourser moins, à l'échéance, que ce qu'il a reçu. Lundi, l'Agence de la dette a placé des obligations gouvernementales à dix ans à un taux moyen de -0,399%, un plancher record.
Crédits hypothécaires
Mais les taux des crédits hypothécaires qui dépendent de ce rendement belge à dix ans ne risquent pas, pour l’instant, de tomber à zéro. Néanmoins, après une pause due au confinement, ces taux sont repartis à la baisse depuis la mi-mai. Fin juin, Argenta passait sous le seuil de 0,9% pour un taux fixe négocié à 20 ans. Désormais c’est Belfius qui détient le dernier record pour le crédit à 20 ans fixe, en ayant offert un taux de 0,84% à un client en septembre.
Mais les banques le rappellent, ces taux ont été accordés à des clients présentant un excellent dossier. Il ne faut donc pas s’attendre systématiquement à recevoir de tels taux pour chaque dossier. En outre, les banques, qui doivent quand même engranger un bénéfice et tenir compte d’une série de coûts (prime de liquidité, couverture contre les défauts de paiement, etc.), n’ont plus de marge de manœuvre pour répercuter la baisse des taux sur les crédits hypothécaires. Enfin, le montant emprunté influencera toujours le taux accordé, tout comme le profil de l’emprunteur. Les quotas de la Banque nationale de Belgique appliqués depuis le 1er janvier et la crise sanitaire étant passés par là, les banques sont de moins en moins "généreuses" devant les dossiers à risques.
Edito | La valeur du temps
Il est donc peu probable que les taux hypothécaires tombent à zéro et inimaginable qu’ils arrivent en territoire négatif puisque dans ce cas, les clients ne rembourseraient pas l’intégralité de la somme empruntée.
Pension complémentaire
De leur côté, les assurances groupe et les fonds de pension sont en situation difficile depuis longtemps. La loi sur les pensions complémentaires (LPC) impose une garantie de rendement annuel minimum de 1,75% pour la pension complémentaire d’entreprise. Si l’assureur ou le fonds de pension n’atteint pas ce taux, l’employeur doit combler la différence.
"L’environnement de taux confronte les fonds de pension à des obligations plus importantes, alors qu’ils sont contraints d’investir dans des actifs à taux bas."
"Nous sommes attentifs à l’impact des taux sur l’évolution de nos produits de branche 21. Le taux minimum fréquent dans nos contrats est de 0,50%. En 2019, nous avons offert un rendement ( participation bénéficiaire incluse) de 2%. Pour 2020, nous prévoyons 1,75%, indique Benoit Halbart (AG Insurance, Employee Benefits). Pour les fonds de pension et la branche 23, tout dépend de l’allocation des actifs choisie par l’employeur. Les rendements pourraient être moindres qu’en 2019…"
Selon l’association belge des fonds de pension d’entreprises, PensioPlus, le rendement moyen en 2019 était de 16,11% et sur une période de 35 ans, le rendement annuel après inflation est de 4,70%. Pour les 6 premiers mois de 2020, il est de -2,46%. Mais la prudence reste de mise. "L’environnement de taux confronte les fonds de pension à des obligations plus importantes, alors qu’ils sont contraints d’investir dans des actifs à taux bas." Toutefois, "lors des stress tests de 2019, les fonds de pension belges se sont classés 2e d'Europe au niveau du degré de couverture. Les tampons sont bien suffisants", souligne Philip Neyt, président de PensioPlus.