Le Belge a une brique dans le ventre. La formule peut sembler éculée, mais elle se fonde sur une réalité tangible: fin 2017, la dette des ménages représentait 60,4% du PIB, selon les chiffres de la Banque nationale (BNB). Les emprunts immobiliers constituent plus des quatre cinquièmes de cette dette.
"La Belgique se distingue en effet des autres pays européens car la dette hypothécaire des ménages a continué à augmenter pendant la crise, explique Eric Dor, directeur des études économiques de l’IESEG Management School. Les régulateurs européens mettent nos autorités en garde à ce sujet depuis plusieurs années."
La mesure macroprudentielle devrait être finalisée dans les semaines à venir et s'appliquer à partir de 2020.
Pour régler le problème, la BNB a par deux fois bandé ses muscles. En 2013, elle a imposé un surcroît de capitaux et augmenté de cinq points de base le minimum de fonds propres exigé aux banques pour mener ce type d’opérations. En 2018, les exigences de fonds propres sont passées à 18%, tandis que le calcul de coefficient de risque a été affiné.
Malgré ces mesures, le marché belge du crédit hypothécaire poursuit son développement. En 2018, le volume de crédits immobiliers a bondi de 6%, alors que la croissance n’atteignait que péniblement 1,4%. Une ardeur qui a une nouvelle fois fait sortir la banque centrale de sa réserve jeudi.
Vulnérabilité accrue
Dans un communiqué de presse succinct, la BNB constate que "la vulnérabilité du marché immobilier belge s’est à nouveau accrue au cours des dernières années". C’est pourquoi elle a "décidé d’établir de nouvelles attentes explicites pour les banques et entreprises d’assurance opérant sur le marché de l’immobilier résidentiel".
Des attentes "explicites", mais qui ne sont pas spécifiées. Elles doivent d’abord être présentées aux acteurs financiers dans les prochaines semaines.
"La dette hypothécaire des ménages belges a progressé pendant la crise."
"Il s’agit en fait de recommandations, précise Geert Sciot, porte-parole de la BNB, qui ne peut pas s’épancher davantage sur celles-ci. Nous n’allons rien imposer aux banques, mais nous voulons ainsi leur mettre un peu de pression."
Parmi ces attentes pourrait figurer l’augmentation du volume des coussins de fonds propres, par lesquels les banques sont censées se protéger face à d’éventuelles pertes. Un conseil qu’elles n’aiment pas vraiment s’entendre susurrer à l’oreille. Cette demande de fonds propres peut en effet décourager les banques à octroyer des prêts alors que le contexte de taux bas rend l’argent très bon marché.
L’efficacité de la mesure reste aussi à démontrer. Selon les données de guide-épargne.be, le montant moyen des prêts est passé de 193.000 euros en 2017 à 201.000 euros sur les premiers mois de cette année, alors même que le coussin contracyclique est censé avoir gonflé l’année passée.
"La BNB s’inquiète en fait que des ménages peu solvables s’endettent, analyse Eric Dor. La concurrence forte entre les banques, les taux bas et les avantages fiscaux attirent beaucoup de monde vers ce type de produits."
Or, les crises immobilières éclatent quand les ménages sont surendettés et que les prix sont surévalués. Ce qui est le cas selon la BNB: l’immobilier est surcoté de 5,9%.
"C’est une position compréhensible, mais les défauts sont relativement rares et on ne peut parler de bulle, estime Eric Dor. La dynamique des prêts est bonne en Belgique."
Une autre recommandation de la BNB pourrait concerner la quotité, soit le montant emprunté par rapport à la valeur du bien acheté. En juin passé, la banque centrale s’inquiétait du fait que près de 40% des prêts octroyés portaient sur des montants dépassant 90% de la valeur de l’habitation.