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Bruxelles imposera bientôt un upgrade énergétique tous les 5 ans

Tout le parc résidentiel devrait afficher un PEB "C" en 2050. D’ici là, les propriétaires devront faire des travaux tous les 5 ans pour upgrader leur immeuble. Un plan d’action stratégique a été adopté. Le futur gouvernement bruxellois devra l’implémenter. Comment et avec quels moyens?
©BELGAIMAGE

Le parc immobilier bruxellois étant relativement ancien, la plupart des bâtiments sont de véritables passoires énergétiques, responsables à eux seuls de deux tiers des émissions de gaz à effet de serre.

L’amélioration des performances énergétiques est donc tout sauf un luxe. C’est "la" priorité absolue, sachant que l’Union européenne impose aux pays membres une réduction de 35% de leurs émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030 et veut tendre vers une société bas carbone en 2050. Dans ce cadre, la rénovation du bâti fait l’objet d’une stratégie spécifique au niveau des Régions.

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C’est dans cette perspective que Bruxelles Environnement a présenté un ambitieux plan pour la Région bruxelloise. "La stratégie a été adoptée définitivement. C’est un plan d’action, pas encore une réglementation. Il reviendra au nouveau gouvernement de confirmer ses intentions et de donner le ‘go’", explique Joël Solé, chef de la division Énergie à Bruxelles Environnement, qui voit toutefois mal comment on pourrait faire marche arrière. "La Région n’a pas le choix. Elle doit agir de façon déterminée pour donner une impulsion à la rénovation."

Ce qui est prévu

D’ici 2025, tous les bâtiments bruxellois devront disposer de leur certificat PEB (Performance énergétique des bâtiments), indépendamment de toute transaction immobilière. Actuellement, ce document, qui dresse un diagnostic du potentiel énergétique du bâtiment (et lui octroie une classification de A à G), n’est pas exploité. À l’avenir, il servira de base à l’établissement d’un plan de rénovation personnalisé pour chaque bâtiment.

Cette "feuille de route" comprendra un diagnostic en 5 volets: audit de l’état physique du bâtiment, étude de sa dimension urbanistique et patrimoniale, analyse de la dimension "énergie" et des composantes environnementales (acoustique), et prise en compte de l’usage réel du bâtiment au moment du diagnostic. L’incidence financière des travaux de rénovation devrait être chiffrée.

Il est préférable de faire directement une rénovation complète en mettant le paquet pour être tranquille, et d’affiner éventuellement par la suite.

Fabrizio Trobbiani
Architecte bruxellois

Le propriétaire disposera d’une liste de mesures prioritaires à mettre en œuvre pour améliorer la performance énergétique de son immeuble. Isolation de la toiture, des murs, des sols, remplacement des fenêtres et châssis ou du système de chauffage, production d’énergie renouvelable, etc.

À partir de 2030, le propriétaire devra réaliser une mesure au choix, tous les 5 ans, afin que son immeuble atteigne l’objectif PEB fixé pour sa typologie en 2050. En l’occurrence, "l’objectif pour le résidentiel est d’arriver à la catégorie C du certificat PEB (alors qu’en Wallonie on vise une catégorie A après rénovation). C’est très ambitieux mais faisable sans pour autant devoir envisager de la rénovation très profonde", commente Joël Solé.

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Niveaux actuels

Aujourd’hui, une habitation moyenne décroche un score énergétique D, E, voire moins… Quand on envisage des travaux – que ce soit pour mettre le bien à son goût et/ou pérenniser l’investissement –, il est donc impératif d’intégrer systématiquement la composante environnement.

Mais, selon l’architecte bruxellois Fabrizio Trobbiani, le phasage tel qu’envisagé (tous les 5 ans) n’est pas la stratégie optimale"C’est en effet la méthode la plus coûteuse. Il est préférable de faire directement une rénovation complète en mettant le paquet pour être tranquille, et d’affiner éventuellement par la suite. Les premiers kilowatts épargnés sont très faciles à atteindre. Les 5 premiers centimètres d’isolation, par exemple, sont les plus efficaces. Après, cela diminue", explique-t-il.

"Il est en effet essentiel de penser la rénovation globale à chaque étape", confirme Joël Solé. "Si vous refaites la toiture pour l’isoler, sans tenir compte du fait que dans dix ans vous referez la façade, vous risquez d’être confronté à des ‘lock-in’ techniques."

Que les propriétaires qui ont prévu de faire des rénovations à brève échéance se rassurent. Les techniques et matériaux utilisés aujourd’hui sont déjà aux normes. Ils seront donc tranquilles jusqu’en 2050, assurent les experts qui recommandent toutefois de se faire accompagner par des professionnels pour éviter les déconvenues.

Impact sur le marché immobilier

Les maisons qui sont aux normes seront très prisées tandis que le prix de celles qui sont restées dans leur jus risque de chuter.

Fabrizio Trobbiani

Cet ambitieux programme de rénovation ne sera pas sans incidence sur le marché immobilier, poursuivent les spécialistes.

"Soyons honnêtes, aujourd’hui, on est bien plus sensible au charme d’une maison qu’à son éventuel piètre PEB ‘G’. Mais, le jour où le certificat PEB sera contraignant, cela aura clairement une influence sur les prix immobiliers", prédit Fabrizio Trobbiani. "L’acheteur se rendra compte des investissements qu’il devra faire à plus ou moins brève échéance et mesurera l’ampleur du budget à prévoir en plus du prix d’achat. Les maisons qui sont aux normes seront très prisées tandis que le prix de celles qui sont restées dans leur jus risque de chuter", explique l'architecte.

L’instauration de règles et de normes plus complexes jouera en faveur des investisseurs professionnels qui maîtrisent mieux le sujet que le petit propriétaire lambda, et surtout qui ont une force de frappe financière supérieure, explique en substance l’architecte.

Les autorités sont conscientes de la nécessité de prévoir un accompagnement et un encadrement des particuliers. Il va falloir mettre le paquet! Les dispositifs d’aide existants seront sérieusement amplifiés: primes énergie, primes à la rénovation, guidance assurée par Home Grade, le Réseau habitat ou des guichets communaux. "Le prêt vert sera étendu à davantage de bénéficiaires et c’est une très bonne chose car cela permettra à certains de faire tous les travaux en une fois plutôt que de phaser", réagit Fabrizio Trobbiani. Un dispositif spécial sera également prévu pour les copropriétés.

L’offensive sera appuyée par une campagne d’information sur les avantages de la rénovation. Saviez-vous, par exemple, que l’isolation d’une toiture est amortie en 3 ans?

Fiscalité à revoir

Les pistes envisagées

Dans une lettre ouverte publiée le 20 juin, 150 promoteurs et investisseurs immobiliers (Union Professionnelle du Secteur Immobilier, UPSI-BVS) mettent en garde: "Nous ne pourrons jamais réaliser cet objectif ambitieux sans faire évoluer la fiscalité et la politique en matière de permis!" À ce sujet, Bruxelles Environnement avance quelques pistes intéressantes:

  la modulation des droits d’enregistrement, de donation et/ou de succession conditionnée à la réalisation de travaux économiseurs d’énergie dans un certain délai;

 une exemption/réduction temporaire du précompte immobilier en cas de rénovation énergétique ambitieuse (plusieurs recommandations du certificat PEB réalisées simultanément);

 la mise en place d’incitants fiscaux novateurs: par exemple une réduction d’impôt pour épargne-rénovation, à l’instar de ce qui se fait pour l’épargne-pension.

Les promoteurs immobiliers suggèrent de leur côté:

 d’encourager les nouvelles constructions en abaissant le taux de TVA à 6% (contre 21% actuellement), alors que les droits d’enregistrement sur les habitations plus énergivores s’élèvent à 12,5% à Bruxelles, comme en Wallonie, et à 7% en Flandre;

 d’améliorer la politique en matière de permis de construire et la sécurité juridique en rendant des avis rapidement.

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