Une spacieuse villa "vintage" sur un beau terrain idéalement situé vient d’être vendue. Quelques jours après, la voilà à terre sous les coups de boutoir d’un bulldozer. Les déchets sont évacués par container. Faire place nette pour ériger une nouvelle maison totalement au goût du jour et du propriétaire est rapide et "facile".
La méthode peut toutefois susciter des questions, voire heurter. Était-ce bien nécessaire? Et surtout, combien cela va-t-il coûter? Démolir complètement un bâtiment pour reconstruire n’est pas forcément aussi "incompréhensible" qu’il pourrait y paraître de prime abord. Mais pas toujours possible ni souhaitable non plus. La situation doit s’apprécier au cas par cas. "Lorsqu’une démolition est envisagée, une étude de faisabilité doit être réalisée pour mettre les options en balance", explique l’architecte Philippe Meilleur.
Normes énergétiques contraignantes
Compte tenu de l’avènement ces dernières années de normes énergétiques particulièrement contraignantes (énergie, isolation thermique et acoustique, ventilation, etc.), la plupart des bâtiments existants nécessitent des rénovations. "Jadis, on faisait souvent faire des travaux assez minimalistes avant d’emménager ou même après, éventuellement soi-même. Aujourd’hui, on se lance directement dans de plus lourdes et coûteuses rénovations avant de s’installer", observe l’architecte liégeois.
TVA: taux réduit
"Lorsque vous démolissez un bâtiment et que vous y reconstruisez une habitation privée, vous pouvez bénéficier du taux de TVA réduit à 6% dans 32 communes/villes belges. Que le bâtiment soit situé dans un chancre urbain ou dans un autre quartier de la ville ne joue aucun rôle.
Par contre, la démolition et la reconstruction subséquente doivent constituer une même opération et être conjointes. Après les travaux, le bâtiment d’habitation doit être utilisé exclusivement ou principalement comme logement privé", lit-on sur le site du SPF Finances.
Les travaux de finition du bâtiment peuvent bénéficier du taux réduit de 6%, "pour autant que le moment où la TVA devient exigible (à la fin des travaux, ou lors du paiement) a lieu au plus tard le 31 décembre de l’année de la première occupation du bâtiment".
"On peut entreprendre une rénovation énergétique à prix correct en isolant un bâtiment par l’extérieur (bardage, crépi). Mais cela implique évidemment une modification des façades, ce qui est inenvisageable pour une maison rurale de caractère ou une maison de maître avec une façade ouvragée par exemple, poursuit Philippe Meilleur. D’un point de vue urbanistique, ce serait dommage et probablement refusé. Cela défigurerait l’esthétique du bâtiment".
Dans ces cas plus délicats, "on travaille par l’intérieur, ce qui est tout aussi coûteux en termes techniques, mais efficace car on obtient des ponts thermiques (points de jonction où l’isolation n’est pas continue et qui provoquent des pertes de chaleur), au niveau des planchers et des murs, qui sont difficiles à combattre".
Emplâtre sur une jambe de bois
Il arrive même qu’une rénovation revienne à mettre un emplâtre sur une jambe de bois. "Il y a des bâtiments dont on se rend compte qu’ils ne sont pas isolables, concède Philippe Meilleur. J’ai été approché par une dame qui souhaitait restaurer une maison de vacances du début du siècle dernier, avec de grands débordants de toiture, une toiture complexe, des poutres extérieures apparentes: une série de ponts thermiques impossibles à gérer. Au final, ce sont malheureusement des bâtiments qui, selon moi, ne peuvent pas être gardés. Au contraire de bâtiments de type rural parfois plus anciens, mais avec des volumes assez simples sur lesquels on peut intervenir."
"Une démolition ne nécessite pas de demande préalable. Cela figure dans le permis d’urbanisme et on précise ce qui sera réalisé à la place."
Tout raser
Voilà pourquoi l’option la plus radicale est parfois la plus économique. Si c’est pour refaire les fondations, une chape, isoler les murs, le plancher et le toit, changer l’installation électrique, placer de nouveaux châssis, installer le chauffage central et éventuellement modifier certains volumes, le verdict semble s’imposer.
Le calcul doit cependant être fait par l’architecte. "Si une rénovation lourde s’impose, on peut envisager de raser une partie du bâtiment ou de ne conserver que sa structure", suggère Philippe Meilleur, ajoutant que raser complètement un immeuble reste assez exceptionnel. Sauf s’agissant de bâtiments publics. "À moins qu’ils aient une valeur patrimoniale ou symbolique, s’ils ne conviennent plus, on a tendance à les démolir".
Le coût d’une démolition dépend du bâtiment. Un devis devra être établi par un démolisseur. "La difficulté d’accès au bâtiment et la présence de certains matériaux — l’amiante en particulier — peuvent vite faire grimper la note", précise l’architecte.
Une démolition ne nécessite par contre pas de demande préalable. "Dans le permis d’urbanisme, on dresse l’état existant du bien et si on a décidé que tout ou partie est à démolir, on le mentionne en précisant ce qui sera réalisé à la place. La démolition est prévue dans les formulaires administratifs", conclut Philippe Meilleur.