La fin de la "kaasroute" semée d'embûches parlementaires
L’obligation d’enregistrer les actes de donation passés devant un notaire étranger n'entrera sans doute pas en vigueur comme prévu le 1er décembre.
Actuellement, la donation de certains biens mobiliers en pleine propriété (somme d'argent, portefeuille-titres, œuvres d'art) peut se faire avec ou sans intervention d'un notaire.
Pour les donations avec réserve d’usufruit ou de parts de sociétés non cotées, en revanche, un acte notarié est obligatoire.
"Le texte vise à étendre l’obligation d’enregistrement à tous les actes de donation de biens mobiliers, quel que soit le pays."
Si la donation mobilière est réalisée auprès d’un notaire belge, elle est automatiquement enregistrée et des droits de donation doivent être payés (3% en Flandre et à Bruxelles, 3,3% en Wallonie en ligne directe et entre conjoints).
Par contre, si la donation mobilière est faite devant un notaire étranger – souvent aux Pays-Bas, d’où l’appellation ‘kaasroute’, mais aussi en Suisse –, ce qui est tout à fait légal, elle ne doit pas être présentée à l’enregistrement. L’opération n’implique donc pas obligatoirement le paiement de droits de donation belges.
Enregistrement obligatoire généralisé
Une entourloupe à laquelle entendait mettre fin une proposition de loi (CD&V, Groen-Ecolo). Le texte vise à étendre l’obligation d’enregistrement à tous les actes de donation de biens mobiliers, que ce soit en pleine propriété ou avec réserve d’usufruit, quel que soit le pays.
Lire aussi: Combien coûte une donation?
La fameuse "kaasroute" qu’empruntent volontiers les contribuables belges – notamment au nord du pays où les notaires et les autorités fiscales déplorent cette concurrence et la perte de rentrées fiscales - devait ainsi être fermée au 1er décembre prochain à l’issue de son parcours parlementaire. Comprenez que cette démarche n’aurait alors plus aucun intérêt.
Soulignons toutefois que cette mesure sera sans aucune incidence sur les dons manuels et bancaires qui pourront toujours être réalisés sans être enregistrés et donc sans payer de droits de donation. Avec le risque, rappelons-le, qu’en cas de décès du donateur dans les 3 ans (délai qui va être porté à 4 ans en Flandre pour les dons effectués à partir du 1er juillet 2021), des droits de succession seront dus.
L'avis du Conseil d'État
Lors de la discussion de la proposition de loi en séance plénière, un amendement précisant que ce texte devait être voté à une majorité spéciale (selon une jurisprudence constante de la Cour constitutionnelle) a été déposé. C'est à cette occasion que l'avis du Conseil d’État a été sollicité.
"Dans son avis du 14 septembre 2020, la plus haute juridiction distingue deux volets au sein de la proposition de loi", observe Grégory Homans, avocat associé au cabinet Dekeyser & Associés.
1. L’extension de l’obligation d’enregistrement
Le Conseil d’État estime qu’en étendant l’obligation d’enregistrement aux donations passées devant un notaire étranger, la proposition de loi élargit la matière imposable des droits d’enregistrement. Or une telle extension requiert une majorité spéciale à la Chambre et au Sénat. "Au regard des lourdeurs de cette procédure, il n’est pas exclu qu’elle puisse mettre un certain temps pour aboutir (si elle aboutit…). Ce qui risque de provoquer le report de l’entrée en vigueur de la loi", commente l’avocat spécialiste des matières fiscales.
2. Les formalités liées à l’enregistrement
Ce deuxième volet de la proposition de loi peut être approuvé selon une procédure uniquement devant la Chambre à la majorité simple.
Selon le Conseil d’État, la proposition de loi devrait ainsi être scindée en deux, chacune étant alors soumise à sa propre procédure législative. Son adoption risque donc d’être relativement laborieuse.
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