L’avantage fiscal du troisième pilier des pensions, l’épargne-pension individuelle, s’est transformé en perte fiscale pour certains contribuables. D’après des chiffres obtenus auprès du service public fédéral des Finances, 2.742 personnes ont versé un montant compris entre plus de 960 euros et 1.152 euros dans leur épargne-pension en 2018, ce qui leur vaudra une réduction d’impôt plus faible que s’ils avaient limité leur versement à 960 euros maximum.
94% des contribuables qui ont choisi de cotiser davantage à l’épargne-pension ont choisi de verser le montant maximum, à savoir 1.230 euros.
L’an dernier, sous l’impulsion du ministre des Finances de l’époque, Johan Van Overtveldt (N-VA), le gouvernement fédéral avait ajouté un nouveau plafond à l’épargne-pension: les contribuables pouvaient désormais y verser jusqu’à 1.230 euros par an, contre maximum 960 euros auparavant.
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Ce dernier plafond restait toutefois en vigueur, l’avantage fiscal de l’épargne-pension étant désormais calculé à l’aide de deux taux différents: les versements annuels jusqu’à 960 euros donnaient droit à une réduction d’impôt de 30% du montant versé, tandis que les versements supérieurs à 960 euros et de maximum 1.230 euros donnaient droit à une ristourne fiscale de 25% de la somme affectée à l’épargne-pension.
Ristourne fiscale réduite
Tous les contribuables qui ont versé plus de 960 euros mais moins de 1.152 euros se trouvent dans ce cas de figure où l’avantage fiscal se transforme en perte.
Cette méthode de calcul engendrait un effet pervers: si un contribuable versait plus de 960 euros mais pas au moins 1.152 euros, sa réduction d’impôt, calculée au taux de 25%, serait plus petite que s’il avait limité son versement à 960 euros, montant donnant droit à l’avantage fiscal calculé au taux de 30%. Par exemple, celui qui a cotisé à l’épargne-pension à hauteur de 1.000 euros en 2018 bénéficiera d’une réduction d’impôt de 250 euros (25% de 1.000 euros). Or, s’il avait limité son investissement à 960 euros, il aurait droit à une ristourne fiscale de 288 euros (30% de 960 euros). En augmentant sa cotisation à l’épargne-pension de 40 euros, ce contribuable a donc perdu 38 euros…
Tous les contribuables qui ont versé plus de 960 euros mais moins de 1.152 euros se trouvent dans ce cas de figure où l’avantage fiscal se transforme en perte; autrement dit, ils sont tombés dans le piège fiscal de l’épargne-pension.
Contribuables peu séduits
L’ex-ministre des Finances Johan Van Overtveldt (N-VA) avait toujours minimisé les conséquences du piège fiscal. "L’interprétation qui a été faite de cette mesure et qui donne l’impression que les épargnants pourraient être désavantagés travestit la réalité", affirmait-il encore à la Chambre fin 2017. Néanmoins, sur les 76.267 personnes qui ont décidé d’affecter plus de 960 euros au troisième pilier des pensions en 2018, on recense tout de même 2.742 cas de contribuables piégés, soit 3,6%.
On observe une légère diminution du nombre de cotisations à l’épargne-pension.
Par ailleurs, les données fournies par le SPF Finances montrent que la possibilité de verser davantage dans l’épargne-pension a très peu séduit les Belges. Les 76.267 contribuables qui ont décidé de cotiser à concurrence de plus de 960 euros représentent à peine 2,9% du nombre total d’épargnants, à savoir 2,62 millions de personnes. Parmi ceux qui ont franchi le pas, les contribuables ont, en très grande majorité, à savoir 94% d’entre eux, choisi de verser le maximum de 1.230 euros.
Les statistiques de l’administration fiscale montrent encore que le nombre de cotisations à l’épargne-pension a légèrement diminué l’an dernier, le nombre de fiches fiscales liées à ce placement étant passé de 2,64 millions en 2017 à 2,62 millions en 2018 (-0,9%). Cette année, avec l’indexation, les deux plafonds de l’épargne-pension passent à 980 et 1.260 euros. Et pour éviter le piège fiscal, il faudra verser plus de 1.176 euros.
Le nombre de contribuables tombés dans le piège fiscal de l’épargne-pension est trop faible pour compenser les montants supplémentaires que l’État devra débourser en faveur de ceux qui n’y sont pas tombés.
On se rappellera que, l’an dernier, le gouvernement fédéral avait considéré l’ajout d’un nouveau plafond à l’épargne-pension comme une mesure neutre sur le plan budgétaire.
Une source gouvernementale nous avait confié que cela signifiait que l’exécutif comptait sur le fait que suffisamment de contribuables tombent dans le piège fiscal, et perdent donc une part de leur avantage fiscal, pour financer le supplément de réduction d’impôt de ceux qui éviteraient le piège. Cet aspect budgétaire de la mesure avait été confirmé par une note de la Cour des comptes dévoilée par nos confrères du journal Le Soir.
Mais aujourd’hui, d’après les statistiques obtenues auprès du SPF Finances, il apparaît que cet effet de vases communicants n’a pas eu lieu, du moins pas suffisamment.
En effet, dans l’hypothèse la plus favorable au budget fédéral, c’est-à-dire en supposant que les contribuables qui sont tombés dans le piège fiscal ont tous versé le montant qui leur cause la perte fiscale la plus élevée, on aboutit à un bénéfice d’environ 130.000 euros pour l’État; et quand on calcule le coût de l’avantage fiscal des contribuables qui ont évité le piège en versant le maximum de 1.230 euros, on arrive à une dépense fiscale supplémentaire de 1,4 million d’euros à charge du Trésor.
La différence représente donc un trou budgétaire de 1,27 million d’euros pour l’État fédéral. Au minimum, car il s’agit là de l’hypothèse la plus favorable. En plus d’avoir convaincu peu de Belges, le nouveau plafond de l’épargne-pension est donc sous-financé.