Dans le volet "Une politique innovante d’accès à la propriété" de sa déclaration de politique générale, le gouvernement bruxellois dit sa volonté de "moderniser et simplifier le régime des droits de succession afin de mieux le faire correspondre aux évolutions des structures familiales." Dans ce cadre, les situations des personnes non-parentes, des cohabitants de fait et du saut de génération seront analysées.
De quoi s’agit-il? Quels sont les enjeux? Quelle est la situation actuelle? Quelles sont les perspectives de changement au regard (aussi) de la situation dans les autres Régions?
Les cohabitants de fait
Les cohabitants de fait n’ont aucune vocation successorale et sont soumis aux droits de succession les plus élevés.
Des cohabitants de fait n’héritent pas l’un de l’autre. Et surtout, à la (grande) différence des couples mariés et des cohabitants légaux, il ne bénéficient pas de l’exonération totale des droits de succession sur la part de l’habitation familiale qui leur revient en cas de décès de leur partenaire. S’ils vivent dans une maison qu’ils ont achetée ensemble et s’ils n’ont rien prévu, en cas de décès, la moitié du logement familial reviendra aux héritiers légaux du cohabitant de fait décédé.
Il est évidemment possible de corriger cette situation en rédigeant un testament. Mais un testament est révocable n'importe quand et, surtout, la fiscalité est confiscatoire. Les cohabitants de fait sont assimilés à des "étrangers" et sont à ce titre soumis aux droits de succession les plus élevés. Au-delà de 175.000 euros, ils sont déjà soumis à des taux de… 80%, alors que le taux le plus élevé qui s’applique aux époux et cohabitants légaux est de 30% (au-delà de 500.000 euros)!
En Région flamande, "il suffit de cohabiter de fait depuis un an pour profiter des taux de droits de succession les plus avantageux (ceux appliqués en ligne directe) et depuis au moins trois ans pour bénéficier de l’exonération du logement familial", explique Martin Vanden Eynde, licencié en notariat et expert patrimonial.
En outre, si les cohabitants de fait sont des frères et sœurs, ils peuvent également profiter de cette exonération.
Elle ne s’applique, par contre, pas si les cohabitants sont ascendants ou descendants (une mère et son fils, par exemple).
Personnes non-parentes
A Bruxelles, les droits de succession (progressifs, par tranches et par catégories d'héritiers) sont calculés sur l’ensemble des biens meubles ET immeubles recueillis par les héritiers de la catégorie "autres", c’est-à-dire les étrangers sans aucun lien familial. Le montant global des droits de succession est ensuite divisé entre tous les héritiers concernés.
Ce mode de calcul - qui s’applique également aux oncles, tantes, neveux et nièces - est évidemment moins favorable que pour les autres catégories d’héritiers (en ligne directe, époux et cohabitants légaux, frères et sœurs).
En Région flamande, pour les frères, sœurs, autres personnes en ligne collatérale et les "étrangers", les biens mobiliers et immobiliers sont taxés ensemble. Depuis l'année dernière, le taux maximum (qui s'applique à partir de 75.000 euros) a été ramené à 55% contre 65% auparavant.
Ensuite, si les frères et sœurs sont imposés séparément, pour les autres héritiers, les droits de succession sont imposés globalement sur la part qui leur revient ensemble, puis divisés entre chaque héritier.
Saut de génération
Aujourd’hui, nous vivons de plus en plus vieux et héritons donc de plus en plus tard de nos parents, à un moment où nous sommes déjà bien installés dans la vie, alors que la troisième génération (nos enfants) aurait précisément besoin d’un coup de pouce car, elle, se lance dans la vie.
Le saut de génération offre une solution, mais elle reste très peu utilisée. Le parent doit en effet renoncer à la totalité de son héritage. Il ne peut en conserver une partie. En plus, à Bruxelles, "la taxation s’opère comme si l’héritier renonçant avait effectivement hérité. Les droits de succession sont donc dus sur la totalité de l’héritage. La multiplication des bénéficiaires effectifs (petits-enfants) ne permet donc même pas de profiter de la progressivité des droits de succession", constate Me Grégory Homans, avocat au cabinet Dekeyser & Associés.
Lorsque la Région bruxelloise dit qu'elle va analyser le saut de génération, faut-il comprendre qu’elle envisage, à l’instar de la Flandre et de la Wallonie, d’instaurer un saut de génération partiel?
En Flandre le saut de génération partiel existe déjà depuis 2018. La Wallonie vient de l'instaurer.
Le principe? L’héritier touche son héritage, paie l’intégralité des droits de succession dus, mais il a ensuite la possibilité d’en faire donation, en tout ou partie, à la génération suivante, sans devoir payer le moindre droit de donation.
Une condition toutefois: en Wallonie, la donation doit intervenir au plus tard dans les 90 jours qui suivent le dépôt de la déclaration de succession. Comptez donc 7 mois. En Région flamande, la donation doit intervenir au plus tard un an après.
Donation-héritage et travaux économiseurs d'énergie
Le gouvernement bruxellois entend également "saisir au mieux l’opportunité que constitue le moment des transferts de propriété pour entreprendre des rénovations ambitieuses."
Un coup de pouce sera donné en vue d’inciter à l’amélioration des performances énergétiques du bien, "via un abattement des droits d’enregistrement, une réduction des droits de succession ou de donation, conditionnés à la réalisation d’une rénovation énergétique globale, dans un délai donné, après analyse de la PEB (performance énergétique du bâtiment) et l’élaboration d’une stratégie d’amélioration."
Il est intéressant de noter qu'on retrouve trace d'intentions similaires dans le Plan d’action stratégique présenté au printemps par Bruxelles Environnement:
- la modulation des droits d’enregistrement, de donation/succession, conditionnée à la réalisation de travaux économiseurs d’énergie dans un certain délai;
- une exemption/réduction temporaire du précompte immobilier en cas de rénovation énergétique ambitieuse (plusieurs recommandations du certificat PEB réalisées en même temps);
- des instruments fiscaux novateurs, par exemple une réduction d’impôt pour épargne-rénovation à l’instar de ce qui existe pour l’épargne-pension.
La Région bruxelloise pourrait à cet égard s’inspirer des exemples wallon et flamand.
En Wallonie
La personne qui hérite d’un bien immobilier ou le reçoit par donation et qui s’engage à y réaliser des travaux économiseurs d’énergie, bénéficie d’une réduction des droits de succession ou de donation.
En l’occurrence, une restitution des droits perçus à hauteur de 25% du montant des dépenses effectuées en vue d’économiser l’énergie dans l’habitation reçue par donation ou lors d’un héritage, avec un maximum de 2.500 euros.
Condition: l’héritier ou le donataire doit établir sa résidence principale dans l’habitation dans l’année qui suit l’acte de donation ou la succession et y demeurer pendant trois ans minimum.
En Flandre
La Région flamande a considérablement abaissé le coût des donations de biens immobiliers au 1er janvier 2015. Le taux maximum des droits de donation est de 27% en ligne directe et de 40% pour toutes les autres catégories d’héritiers. Ce taux d’applique au-delà de 450.000 euros.
Si des travaux visant à économiser l’énergie sont effectués sur le bâtiment donné, le tarif sera encore plus avantageux: respectivement 18% et 31% au-delà de 450.000 euros. Le bien concerné doit être situé en Région flamande.