Les statistiques sont unanimes: l’absentéisme au travail - quelle que soit sa durée d’ailleurs -, ne cesse d’augmenter et a tendance à se prolonger. Or, les chiffres montrent aussi que plus un arrêt de travail se s'éternise, moins le travailleur a de chance de réintégrer un jour son poste de travail.
Une étude publiée mercredi par le groupe de services RH Acerta, en a montré que l'absentéisme de moyenne durée (entre un mois et un an) a continué à progresser l’an dernier, malgré l’instauration en 2016 d’une loi visant à favoriser la réintégration des malades de longue durée.
Benoît Caufriez, directeur d'Acerta Consult, estime que si la loi manque sa cible, c'est précisément "parce que l'employeur ne peut lancer formellement le processus de réintégration que lorsque l'employé est en congé maladie depuis 4 mois. "Mieux vaut réparer activement le lien dès que le travailleur se sent prêt et non uniquement au bout des 4 mois prescrits par la loi".
La ministre de la Santé, Maggie De Block (Vld) a réagi ce matin, le disant favorable à ce que le trajet de réintégration pour les malades de longue durée soit entamé plus tôt, bien que la question relève de la compétence du ministre de l'Emploi, Kris Peeters (CD&V). Elle rappelle également que les employeurs peuvent déjà entreprendre des démarches pour rester en contact avec un employé malade.
L'objectif du trajet de réintégration
Concrètement, il s’agit d'évaluer s'il est possible de remettre ces travailleurs malades en selle sans tarder mais en douceur, en leur permettant d'effectuer un travail adapté ou un autre travail, à titre temporaire ou définitif. Passer dans un autre service, faire un travail moins lourd ou moins stressant, prendre un mi-temps... L'idée est qu'ils reprennent ainsi contact avec la vie professionnelle, qu'ils gardent confiance en eux, mais aussi de leur éviter de sombrer dans l'isolement.
A partir de quand?
En théorie, deux mois après la déclaration de l'incapacité de travail (IT) à la mutuelle, le médecin-conseil est censé examiner le dossier médical du patient pour évaluer si un trajet de réintégration est opportun. Mais ce n’est pas encore systématique. Pour rendre son verdict, le médecin-conseil tiendra compte de la pathologie du patient, de son état de santé, de ses capacités et du type de travail/fonction qu'il exerce. S'il estime qu'une reprise du travail est possible, moyennant certains aménagements, le dossier passera dans les mains du médecin du travail de l'entreprise.
L'employeur peut demander un trajet de réintégration pour tout membre de son personnel qui est en incapacité depuis au moins 4 mois, ou en incapacité définitive mais dans ce cas, la demande débouche assez logiquement sur le constat qu'une réintégration est inenvisageable... et donc sur une procédure de fin de contrat pour force majeure médicale. Mais cette façon de procéder a soulevé l’indignation des syndicats car l'employeur n'est alors pas tenu de payer une prime de licenciement puisqu'il ne s'agit pas d'un licenciement!
La demande de trajet de réintégration peut également émaner du travailleur. Mais il est prudent qu’il en discute préalablement avec son généraliste ou avec le médecin-conseil de la mutuelle.
5 scénarios
Le médecin du travail qui hérite du dossier va évaluer les solutions de réintégration qui sont envisageables, sur la base d'un examen médical, de contact avec le médecin traitant/conseil, etc. "La procédure peut cependant s'arrêter net à ce stade si le travailleur ne se présente pas à la convocation du médecin-conseil. Il n'a aucune obligation de le faire et aucune sanction n'est prévue" note Kathy Dillies, conseillère juridique au Centre de connaissance de SD Worx.
Sinon, 5 constats sont possibles.
1. Le retour à l'ancienne profession est possible à terme et, dans l'intervalle, le travailleur peut exercer un travail adapté ou une autre activité.
2. Le retour à l'ancienne profession est possible à terme mais, dans l'intervalle, un autre travail ou un travail adapté n'est pas envisageable.
3. Le travailleur est définitivement inapte pour le travail convenu dans son contrat, mais il est encore capable d'effectuer un autre travail/un travail adapté.
4. Le travailleur est définitivement inapte et incapable d'effectuer un travail dans l'entreprise où il est sous contrat. On est alors face à un cas de force majeure médicale.
5. Pour des raisons médicales, il n'est pas (encore) opportun d'entamer un trajet de réintégration.
Elaboration d'un plan de réintégration
Lorsqu'un autre travail ou un travail adapté est envisageable, l'employeur doit établir un plan de réintégration détaillant les adaptations à apporter à la fonction, au poste de travail, etc. "Le travailleur devra in fine donner son accord à ce plan. S'il n'y donne pas suite, la procédure s'arrêtera. Et cela arrive plus fréquemment qu'on ne le pense!", souligne la spécialiste de SDWorx. Par exemple parce qu'il n'avait pas bien perçu l'implication du plan sur son salaire, et qu'il n'accepte pas"
Qu'advient-il dès lors? "Le travailleur restera en maladie, son contrat de travail restera inchangé et rien ne se passera aussi longtemps que la mutuelle paiera son incapacité de travail, explique la juriste. L'employeur ne pourra pas mettre fin au contrat pour force majeure médicale. La fin ne peut être décrétée qu'à l'issue d'une procédure menée à son terme!"
Un employeur qui n'établit pas de plan de réintégration, jugeant qu'une réinsertion du travailleur est impossible pour des raisons techniques et objectives ou des raisons fondées, devra fournir un rapport avec des arguments convaincants pour le justifier. Ce scénario pourrait alors déboucher sur la fin du contrat pour force majeure médicale.