L'attitude surprenante d'Umicore à l'égard de Nyrstar
L’interview de Monsieur Grynberg paru dans le quotidien De Tijd du 5 décembre 2014 contraste avec le silence total du représentant de Umicore en assemblée la veille, où il aurait émis un vote d’opposition.
Ce vote portait sur l’entérinement – imposé par le Code des Sociétés – de garanties octroyées dans le cadre du " Plan stratégique de financement " et parfaitement connues par les prospectus liés aux opérations intervenues en août/septembre 2014 et même prévisibles selon les débats et résolutions des assemblées extraordinaires de mai et août derniers.
C’était un vote crucial cependant car, à défaut d’approbation, tout le plan déjà instrumenté capote, avec des conséquences financières et de notoriété catastrophiques pour Nyrstar qui a déjà mobilisé partie des fonds levés, conformément au Plan. Prendre un tel risque, avec un poids susceptible d’influencer l’issue du vote, seulement " pour que sa voix soit entendue " comme l’exprime le CEO de Umicore ? Qu’il soit permis d’en douter.
Quand Umicore brillait par son absence
Car Umicore n’a en tous les cas jamais émis une quelconque opinion ou vote lors des trois assemblées extraordinaires (sans compter celles de carence de quorum) tenues depuis décembre 2013 jusqu’à août 2014 ni à l’assemblée ordinaire d’avril 2014. Pour une seule et même raison : elle a toujours brillé par son absence !
Beaucoup d’autres actionnaires aussi sont restés passifs puisque ces assemblées se sont tenues avec seulement 3 à 4 % du capital représenté. Et donc Umicore, avec 3,09 % du capital, pouvait y emporter la décision, qui bien souvent exigeait une majorité des trois-quarts.
Parmi les administrateurs de Nyrstar il en est un qui – s’il est devenu " administrateur indépendant " par l’effet du temps – n’en était pas moins Président du Conseil d’Administration de Umicore (et précédemment CEO) quand celle-ci a offert les actions Nyrstar au public à 20 euros en octobre 2007, un cours " sportif " (selon les termes de divers analystes) qui chuta de 30% avant la fin de l’année. Si lui-même ou d’autres administrateurs n’ont pas été écoutés au Conseil d’administration de la société, les actionnaires en sont restés ignorants.
Pourquoi donc ce réveil tardif mais tonitruant par sa diffusion alors que cette ancienne maison-mère pouvait en temps et heure exprimer et même imposer cette voix qu’elle veut aujourd’hui entendue mais n’exprimait pas par un vote, sauf à réduire sa participation jusqu’à environ 5% en moins d’une année après l’offre de 2007 et la laisser ensuite être diluée à 3,09 % ; niveau qui, en d’autres lieux, serait souvent considéré insignifiant. L’interview laisse le lecteur sur sa faim !
Vu le risque extrême, Umicore s’est-elle assurée, avant d’ainsi voter ce 4 décembre, qu’exceptionnellement assez d’autres actionnaires soutiendraient les résolutions ? Ou avait-elle prévenu la direction de Nyrstar ? Cette dernière assemblée a en toute manière connu une mobilisation surprenante de l’actionnariat, avec la présence de 15,8 % du capital soit quatre fois plus que la moyenne récente. Elle aurait encore pu doubler si le nouvel actionnaire dominant, Trafigura, n’était pas absent.
D’autant que Umicore entretient vraisemblablement encore des relations commerciales avec Nyrstar, que des concurrences entre elles ne sont pas exclues, que d’autres actionnaires sont aussi des partenaires commerciaux de Nyrstar, un souci particulier de distinction des rôles s’impose à tous.
Un oiseau pour le chat
S’il est indéniable que des erreurs de stratégie et de gestion commerciale et financière sont intervenues, les derniers mois ont permis de franchir une étape importante, sans pour autant écarter tous dangers.
Les conditions de marché subies par la société ont été dures ; elles ont permis l’irruption d’un nouvel actionnaire dominant. Qu’il ait pu le faire au prix " d’un oiseau pour le chat ", c’est la loi du marché. En se manifestant autrement et plus tôt, les autres actionnaires importants auraient sans doute pu éviter une telle dégringolade. Est-ce bien à celui qui s’est envolé avec le fromage de faire la leçon – énigmatique- aux autres ?
Pour ma part, au sein de ces multiples récentes assemblées, j’ai activement suscité le débat au-delà des informations spontanément diffusées. S’il est ainsi porté au dehors de ce lieu, je m’autorise à interroger et à y prendre part.
Par André de Barsy,
analyste financier.
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