tribune

Les droits d’auteur ne sont pas éternels

Avocat chez DALDEWOLF

Si la loi impose à l’employeur de rémunérer l’exploitation d’une œuvre réalisée par un salarié, la durée de cette obligation pose question. Une décision du tribunal du travail de Liège y apporte une réponse.

Le créateur d’une œuvre et l’inventeur sont les propriétaires de leurs œuvres ou de leurs inventions et l’exploitation susceptible d’en être faite par des tiers justifie qu’une rémunération leur soit payée. Notre système juridique structure très clairement les relations susceptibles d’exister entre les uns et les autres.  Pour diverses raisons, le sujet fait à nouveau la une de l’actualité politique.

Si le créateur ou l’inventeur sont des travailleurs salariés, l’exploitation que l’employeur peut faire de leur œuvre ou de leur invention est rémunérée.

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Dans quelle mesure?

Dans un jugement du 12 septembre 2022 (R.G. 21/223/A), le Tribunal du travail de Liège division de Huy a examiné la question de la durée de l’obligation faite à l’employeur de rémunérer l’œuvre d’un de ses salariés.

Un journaliste salarié

Les articles des journalistes sont traités comme des œuvres justifiant l’application de la législation relative aux droits d’auteur.  Celle-ci prévoit la possibilité pour l’auteur de disposer de ses droits et donc de les céder. Généralement, les contrats de travail de journalistes prévoient de telles cessions et leur valorisation, qui entraine le paiement des droits leur revenant en complément de leur rémunération.

Le journaliste licencié estimait que, ses articles restant accessibles sur le site du journal, son employeur en retirerait un profit justifiant la poursuite de la rémunération.

Un journaliste, qui avait été licencié moyennant le paiement d’une indemnité de rupture, revendiqua la poursuite du paiement des droits d’auteur lui revenant au-delà - et sans préciser de limites - de la période couverte par l’indemnité de rupture.

Il défendait la thèse que ses articles resteraient accessibles au public sur le site du journal et que, dès lors, son employeur en retirerait un profit justifiant une rémunération.

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Le Code de droit économique

Les règles en la matière sont prévues par les articles XI.165 et suivants du Code de droit économique qui prévoit aussi que les droits d’auteur se prolongent pendant 70 ans après le décès de l’auteur. Les droits peuvent aussi être cédés notamment dans le cadre d’un contrat de travail. Par ailleurs, des accords particuliers peuvent être conclus par convention collective d’entreprise.

En l’occurrence, une telle convention existait et réglait tous les aspects de la cession des droits d’auteur.  Cette convention était renouvelée chaque année.

Pour l’éternité?

Non pas pour l’éternité, mais pour 70 ans au moins, le jugement ne le précise pas. 

Le tribunal estima que les droits de l’intéressé avaient été cédés et, qu’en contrepartie de ceux-ci, il avait reçu les droits tout au long de l’exécution de son contrat de travail.

Le tribunal débouta le journaliste et rejeta son argumentation inventive.  Malgré un texte clair, celui-ci défendait la thèse que la présence persistante de ses articles sur le site du journal justifiait que celui-ci poursuive le paiement des droits d’auteur au-delà de la période couverte par l’indemnité de rupture, et ce, au titre d’une sorte « d’abonnement ».

Le tribunal ne le suivit donc pas et précisa que les droits de l’intéressé avaient été cédés une fois pour toutes et, qu’en contrepartie de ceux-ci, il avait reçu les droits tout au long de l’exécution de son contrat de travail.  Le journal était donc devenu titulaire des droits, et ce, jusqu’à l’expiration du délai de 70 ans après le décès du journaliste.

La cession était instantanée et ne justifiait pas la poursuite de paiements après la fin du contrat de travail.

Déraisonnable et abusif?

Manifestement très meurtri par son licenciement, le journaliste réclamait également une indemnité pour licenciement manifestement déraisonnable et considérait que son licenciement avait été abusif.

Le tribunal ne le suivit pas pour sa première demande, considérant qu’il n’apportait pas la preuve qu’il aurait été licencié pour des raisons « inavouables » en invoquant des éléments périphériques non pertinents tandis que le journal produisait des documents démontrant que le licenciement était bien lié au comportement du journaliste.

En revanche, le tribunal alloua au journaliste une indemnité de 5.000 euros pour licenciement abusif en raison du caractère subi, qu’il qualifia de brutal, du licenciement à un moment où les parties étaient en train de réfléchir ensemble à l’évolution de la carrière du journaliste, et ce, en raison du fait qu’aucune lettre d’avertissement préalable ne lui avait jamais été adressée et qu’aucun rapport d’évaluation n’était produit.

Par Robert De Baerdemaeker, avocat chez DALDEWOLF.

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