chronique

Canal Nord-Sud | Après l'Arizona, le désert pour de vrai?

À l’issue des élections, nous suivons l’évolution du paysage politique et les négociations gouvernementales dans l'autre partie du pays. Dans une chronique hebdomadaire, nos collègues du Tijd reviennent sur les événements les plus marquants en Flandre.

Alors que les négociations sur la coalition Arizona ont mordu la poussière au terme d'un énième affrontement entre les cow-boys (le centre droit) et les Peaux-Rouges (Vooruit) du paysage politique belge, les libéraux flamands reviennent au-devant de la scène en éventuels ultimes porteurs d'eau du formateur Bart De Wever. Un scénario cousu de fil trop bleu?

Au vrai, l'attelage des cinq partis appelés jusqu'à récemment à former la nouvelle majorité fédérale – N-VA, CD&V et Vooruit côté flamand, et MR et Les Engagés côté francophone – penchait, dès le début des discussions, un peu trop à droite pour plaire à Conner Rousseau et à ses troupes. Ils s'en sont vite rendu compte lorsque le libéral Georges-Louis Bouchez a sorti son flingue dès que les premières nouvelles taxes sur le capital sont apparues dans l'épure du formateur.

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"Bart De Wever est désormais pris en otage par le MR."

Frank Vandenbroucke
Négociateur pour Vooruit

Depuis lors, bien conscients qu'ils n'étaient là que pour faire l'appoint au Parlement, les socialistes de Vooruit n'ont cessé de traîner les pieds tout au long de ces derniers mois, se sentant trop isolés pour rapprocher, à leur avantage, les deux versants d'un gouffre idéologique qui a tout d'un Grand Canyon à l'échelle belge.

Mais aujourd’hui, la situation s'est inversée: Bart De Wever est désormais pris en otage par le MR, estime l'un des ténors et négociateurs de Vooruit, Frank Vandenbroucke.

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Le petit monde belge à l'envers

C'est ce qui fait tout le sel, et l'originalité, de cette crise fédérale. Traditionnellement, la Flandre de centre droit avide de réformes structurelles se heurte à une Belgique francophone de centre gauche rétive à tout changement en profondeur. Un blocage qui, par le passé, a souvent abouti, en guise de porte de sortie honorable, à une nouvelle réforme de l'État.

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Mais aujourd'hui, c'est le monde à l'envers. Des Flamands, certes de gauche, refusent d'engager des discussions sur un texte, proposé par un nationaliste candidat au poste de Premier ministre, que le MR et Les Engagés acceptent comme base de négociation. On se consolera de ce nouvel échec en pointant que, pour une fois, les dissensions communautaires ne viennent pas empoisonner la formation du gouvernement fédéral.

Une crise flamando-flamande

L'épicentre de la crise fédérale se situe donc au nord du pays. La presse flamande se passionne depuis des années pour la "bromance" entre le grand patron de la droite, Bart De Wever, et le wonder boy de la gauche, Conner Rousseau. Un tandem jugé capable de gouverner ensemble, malgré leurs différences idéologiques.

Et c'est bien ce qu'ils réussissent à faire à différents échelons de pouvoir. Au gouvernement flamand, ils forment une coalition avec le CD&V, le partenaire "junior" de la majorité. À Anvers, où Bart De Wever est toujours bourgmestre, les socialistes restent dans sa coalition. Sur les 13 grandes communes flamandes, Vooruit pourrait bientôt faire partie de 11 majorités. Il n'y a qu'à Alost qu'ils ont été éjectés. À Courtrai, la bataille se poursuit.

En ce sens, Rousseau a déjà engrangé un bon butin. Au niveau local, il lui reste surtout à sortir gagnant de la bataille en cours à Gand. Le cartel libéral-socialiste Voor Gent y a conclu un accord de coalition avec la N-VA, que les militants socialistes ont rejeté lors d'un congrès dimanche. Un véritable camouflet pour la direction du parti socialiste, que la N-VA n'a cependant pas trouvé amusant. Les écologistes gantois s'efforcent à présent de monter dans une majorité avec le cartel rouge-bleu, même si les relations entre les trois partis – qui ont gouverné ensemble ces six dernières années – se sont fort dégradées.

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Seul coin de ciel bleu?

C'est ainsi que, pour la première fois, la possibilité d'une alternative à l'Arizona est envisagée sérieusement. C'est en tout cas l'aspiration de Georges-Louis Bouchez d'écarter Vooruit au profil de l'Open Vld, ce qui ferait de la famille libérale la plus importante de la coalition.

Les libéraux flamands ne semblent pas vouloir mordre à l'hameçon, renâclant à remettre en selle un De Wever qui, sur le plan électoral, leur a tondu la laine sur le dos. Cette nouvelle configuration n'aurait, de surcroît, qu'une majorité de 76 sièges, ce qui donnerait à chaque député un droit de veto. Et le CD&V n'est pas preneur.

Les configurations alternatives à ce scénario "tout bleu" ressemblent à autant de mirages dans ce désert politique sorti de la séquence Arizona.

Sans compter que Bart De Wever devrait expliquer à ses partisans qu'il fait le choix, vu comme un sacrilège par les nationalistes flamands, de diriger un gouvernement fédéral qui ne serait pas soutenu par une majorité flamande à la Chambre.

Et pourtant, c'est peut-être le seul point d'eau qui se dessine à l'horizon, si le roi accepte la démission de De Wever mardi prochain. Car les configurations alternatives à ce scénario "tout bleu" ressemblent à autant de mirages dans ce désert politique sorti de la séquence Arizona.

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