Canal Nord-Sud | "CD&V Victrix", au grand dam de Bart De Wever
À l’issue des élections, nous suivons l’évolution du paysage politique et les négociations gouvernementales dans l’autre partie du pays. Dans une chronique hebdomadaire, nos collègues du Tijd reviennent sur les événements les plus marquants en Flandre.
Roma Victrix. C'est par cette locution latine sentencieuse que le bourgmestre d'Anvers, Bart De Wever, a entamé son discours dimanche soir à la discothèque Ikon, où s'étaient rassemblés les militants de la N-VA pour fêter sa victoire électorale éclatante dans la cité portuaire.
Un peu avant, son entrée triomphale avait rappelé aux plus anciens les péplums qui faisaient la fortune des cinémas de quartier de l’après-guerre. Fier comme un César de retour de lointaines guerres des Gaules, De Wever était précédé de son fils portant une "aquila", une perche surmontée d'un aigle romain, et des lettres SPQA, signifiant "Senatus Populusque Antverpiensis", une variante locale de SPQR ("Senatus Populusque Romanus"), les quatre lettres qui ornent encore aujourd'hui de nombreux bâtiments à Rome.
La N-VA, qui comptait 55 bourgmestres avant les élections, pourrait voir sous peu ce nombre passer sous la barre des 50.
De Wever n'est pas le vainqueur incontesté du 13 octobre
De Wever, tellement fasciné par les Romains qu'il a rebaptisé le duel contre les communistes du PVDA "Rome contre Moscou", voit dans ces quatre lettres le symbole originel de la démocratie.
Un triomphe pour le moins immodeste. Bart De Wever n’est, en effet, pas le vainqueur incontesté du 13 octobre au nord du pays. Son parti a perdu trop de maïorats au-delà de son pré carré anversois pour s’afficher en empereur de Flandre. La N-VA, qui comptait 55 bourgmestres avant les élections, pourrait voir sous peu ce nombre passer sous la barre des 50.
Noir, rose, bleu, rouge, vert: des couleurs politiques pâles, voire effacées
Qui alors pour mériter les lauriers communaux en Flandre?
Certes, le Vlaams Belang entre dans l'histoire en conquérant Ninove et accédant ainsi au pouvoir pour la première fois. Mais cette percée symbolique n’est nullement le fruit d’une progression plus large. En 2018, le parti d’extrême droite était arrivé en tête dans deux communes flamandes: Ninove et Denderleeuw, toutes deux situées dans la vallée de la Dendre. En 2024, il n’en a pas ajouté une troisième dans son escarcelle.
Vooruit? Le parti a repris l'écharpe maïorale à Ostende, Saint-Trond, Zottegem, Herentals et Turnhout. Mais en dehors de cette remontée dans les villes moyennes, la Flandre n’a connu aucune vague rose. Les socialistes ne forment le premier parti que dans 20 communes sur 285, là où il bénéficiera donc de la priorité – selon les nouvelles règles flamandes – pour tenter de former une coalition dans les deux semaines à venir. Et le président Conner Rousseau a vu filer sous son nez la cerise sur le gâteau: il ne deviendra pas bourgmestre de Sint-Niklaas, qui reste le fief de la N-VA.
Les libéraux? L'Open Vld reste le deuxième plus grand parti au niveau local. Dans 51 communes, les libéraux auront bientôt une bonne chance de fournir le bourgmestre, même s’ils l’obtiendront généralement grâce à une liste de cartel. Mais le parti a déjà eu 66 bourgmestres et à Anvers, il est rayé de la carte. Littéralement: le conseil communal de cette ville - 55 sièges - ne compte plus un seul libéral.
Le PVDA? Le parti marxiste (pendant du PTB) a perdu la mère des batailles communales à Anvers. Rome a terrassé Moscou. Et les communistes pourraient également quitter la coalition à Zelzate. Le parti rouge pourrait ne rester en place que dans le district anversois de Borgerhout.
Groen? Les écologistes sont arrivés en tête dans deux seules petites localités. Pour sauver la face, à défaut des meubles, le parti ne peut espérer que monter dans la coalition gantoise du bourgmestre Mathias De Clercq.
Le parti flamand qui sort renforcé des élections communales sera donc la plus petite des cinq formations appelées à former la coalition Arizona au Fédéral.
Le plein dans les campagnes pour le CD&V
Non: le grand vainqueur du 13 octobre est le CD&V. Sur les 285 communes flamandes, les démocrates-chrétiens ont raflé une majorité relative de suffrages dans 119 d'entre elles. Le parti domine la Flandre-Occidentale et le flanc adjacent de la Flandre-Orientale, ainsi que le Limbourg et la Campine anversoise. La carte flamande affichant les principaux partis par commune se teinte surtout d’orange.
Les démocrates-chrétiens restent donc maîtres des clochers à la campagne, reprenant même une douzaine d’écharpes maïorales à la N-VA. Mais le CD&V conserve également son "canal historique", Bruges, troisième ville de Flandre après Anvers et Gand. Le bourgmestre Dirk De fauw y a obtenu 38% des voix. Une autre grande ville, Genk, reste pavoisée d’orange, alors que la ministre flamande Zuhal Demir (N-VA) voulait la repeindre en jaune et noir pour mettre un terme à un règne ininterrompu des démocrates-chrétiens depuis la Seconde Guerre mondiale.
Roma victrix? À Anvers, nihil obstat. Mais à l’échelle de la Flandre, c'est "CD&V victrix" qui s'impose. Ainsi, lorsque les négociations pour la formation de la coalition Arizona reprendront au Fédéral, le parti flamand qui sort renforcé des élections communales sera donc le plus petit des cinq à la Chambre: les démocrates-chrétiens flamands.
L'actualité sur les élections communales 2024 avec la rédaction de L’Echo. Les acteurs et enjeux dans chaque grande ville du pays.
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