Pourquoi payons-nous encore en cash ?
Les évolutions technologiques nous dirigent de plus en plus vers un monde dans lequel la part de l’argent liquide diminue. Mais le cash a encore des arguments à faire valoir.
Par Olivier Colin
Ingénieur de gestion et économiste
Si vous aimez la Suède, vous avez peut-être eu l’occasion de visiter la petite ville suédoise de Karlshamn, qui n’est pas seulement particulière pour son emplacement stratégique proche de la mer Baltique, mais également pour son église équipée d’un lecteur de carte permettant de faire des dons de manière électronique ! Rien d’étonnant, étant donné que la Suède est un des précurseurs d’une société sans cash et que l’argent liquide n’y représente que 2% du PIB, contre 9% dans la zone euro. Mais notre porte-monnaie a-t-il vraimedigitalisationnt du soucis à se faire ?
Il est certain que les évolutions technologiques nous dirigent de plus en plus vers un monde dans lequel la part de l’argent liquide diminue: les paiements par smartphone ou encore le développement récent des monnaies virtuelles tendent à nous faire penser que le cash a du soucis à se faire.
Les nouveaux magasins Amazon Go, sans véritablement révolutionner les technologies de paiement mais en utilisant le développement de l’intelligence artificielle, nous permettent même de faire nos courses et ressortir en ayant payé et sans avoir touché à notre portefeuille.
Le coût du cash
Par ailleurs, l’arrivée dans notre pays du paiement instantané confirme que la Belgique n’est pas à la traîne en matière de paiement. Et on peut comprendre l’engouement de ces nouvelles évolutions, car le cash a un coût : il faut émettre les billets, les transporter, les sécuriser, ou encore les distribuer. Tout cela coûte environ 100 euros par an et par Européen, un coût supporté par l’État et les banques, et souvent répercuté sur le consommateur final.
Pourtant, les chiffres nous dressent un constat partagé de la situation. Près de 80% des transactions en point de vente sont encore réalisées en cash au sein de la zone euro, représentant 54% en valeur. En outre, malgré les 21 milliards de billets en circulation représentant 1.130 milliards d’euros, la demande de billets en euros continue de croître annuellement à un taux situé entre 6 et 7% depuis 2002.
Parallèlement à cela, on voit également apparaître de nouvelles monnaies complémentaires destinées à favoriser l’économie locale, très souvent sous forme de monnaie papier comme le " Valeureux " à Liège ou le " Ropi " à Mons.
Dès lors, comment expliquer que nous soyons encore aussi attaché au cash ? Plusieurs dimensions nous permettent de répondre à cette question.
La première est d’ordre psychologique : Eric Uhlmann, de l’université de Paris nous parle d’un " sentiment irrationnel " selon lequel l’argent nous appartient davantage lorsque nous le possédons sous forme physique. Cela expliquerait aussi pourquoi l’Allemagne, qui a connu une période d’hyperinflation très douloureuse, est un des pays d’Europe où le cash est le plus important.
Protéger la vie privée
Par ailleurs malgré une garantie bancaire en Europe (à concurrence de 100.000 euros pour un compte épargne), la crise de 2008 est toujours bien dans nos têtes. A côté de cela, la protection de la vie privée reste un élément fondamental pouvant expliquer l’importance du cash. La digitalisation des méthodes de paiement entraîne indéniablement davantage de possibilités de contrôle de la vie quotidienne des citoyens, dont certains se méfient.
Enfin, il ne faut pas oublier qu’il existe toujours aujourd’hui une tranche importante de la population pour qui le cash reste l’unique possibilité de paiement, soit parce qu’ils n’ont pas les moyens de s’offrir des outils digitaux, soit parce qu’ils viennent d’une génération qui n’a pas eu la chance d’apprendre à utiliser ces nouvelles technologies.
La Suède reste encore une exception à l’échelle de la population mondiale; l’argent liquide a encore de beaux jours devant lui !
En observant la carte exprimant le pourcentage de la population ayant déjà effectué ou perçu une transaction hors cash, on observe par exemple qu’en Chine, pays comptant 1,4 milliard d’habitants, la moitié de la population n’a jamais effectué la moindre transaction digitale. Cela nous montre à quel point la Suède reste encore une exception à l’échelle de la population mondiale et que l’argent liquide a encore de beaux jours devant lui !
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